Investissements étrangers : la France maintient son rang en Europe malgré un climat fragilisé

Les investissements étrangers en France ont progressé de 3% en 2022 par rapport à 2021, avec 1.259 projets. Ces projets, qui sont situés dans tous les territoires mais plus particulièrement les régions Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France, concernent surtout des extensions et créent moins d'emplois qu'ailleurs en Europe. En amont du sommet Choose France, lundi, le baromètre 2023 de l'attractivité de la France de EY, publié le 11 mai 2023, précise aussi que la France peine à accueillir des centres de décision et des plateformes logistiques à cause de la pénurie du foncier et de la lourdeur et complexité des procédures administratives.

La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont fortement impacté les investissements étrangers en direction de l'Europe. En 2022, la hausse n'est que de 1% par rapport à 2021 avec 5.962 projets, bien loin des niveaux d'avant-Covid avec un record de 6.653 projets en 2017. Mais dans ce contexte, la France reste en tête des pays les plus attractifs d'Europe avec 1.259 implantations ou extensions annoncées en 2022 (contre 929 pour le Royaume-Uni et 832 pour l'Allemagne). La progression est cela dit modeste : 3% de plus qu'en 2021. "Les chocs, qui ont frappé nos économies, y sont pour beaucoup, certes, explique EY dans son baromètre, mais les dirigeants s'interrogent aussi sur l'impact du climat social et sur la capacité du gouvernement à poursuivre les réformes nécessaires pour réduire le niveau élevé de la dette publique et du chômage." Emmanuel Macron compte toutefois rassurer à l'approche du sixième sommet Choose France, lundi à Versailles, le rendez-vous annuel institué par le président en 2018 pour attirer les projets étrangers. Il a démarré une séquence "industrie" jeudi en présentant sa stratégie d'accélération de la réindustrialisation, dévoilant au passage les grandes lignes du projet de loi Industrie verte qui sera présenté en conseil des ministres mardi prochain. Ce vendredi 12 mai, il s'est rendu à Dunkerque pour l'annonce de la création d'une gigafactory de batteries électriques par le groupe taïwanais ProLogium. Un investissement de 5,2 milliards d'euros d'ici 2030 qui doit générer 3.000 emplois. Une belle opération dans un contexte de concurrence internationale accrue avec la loi américaine IRA.

Les projets créent moins d'emplois en France que dans le reste des principaux pays d'accueil en Europe

Mais l'attractivité de la France reste fragile. "En nombre de projets annoncés, la France bénéficie sans doute encore d'un mouvement de 'rattrapage' après les mauvaises performances enregistrées lors de la période 2010-2015", détaille le baromètre, mettant en avant les efforts déployés par le gouvernement pour améliorer la situation, comme la baisse des impôts de production, l'alignement progressif du taux de l'impôt sur les sociétés sur la moyenne de l'OCDE ou la simplification du droit des licenciements. Outre cette faible progression, les emplois apportés par ces investissements diminuent de 15% entre 2021 et 2022. Ces investissements créent moins d'emplois en France (33 par projet) que dans le reste des principaux pays d'accueil en Europe (58 en Allemagne, 59 au Royaume-Uni). Les chiffres sont bien supérieurs en Serbie (334), Espagne (326), Hongrie (252) ou Roumanie (239). Si des réformes ont permis de réduire les handicaps pesant sur la compétitivité de la France, cela semble encore insuffisant, estime EY. La France peine aussi à attirer de nouveaux projets : 65% des 1.259 projets identifiés en 2022 sont des extensions de sites existants, contre 35% en Allemagne et 30% au Royaume-Uni.

Les investissements dans les plateformes logistiques en diminution

Globalement ces investissements se déploient dans tous les secteurs de l'économie, comme les services, l'automobile, l'aéronautique, l'agro-alimentaire. Ils sont de plus en plus marqués par les impératifs de transformation de l'économie, avec des projets autour de la mobilité décarbonée et un mouvement de rapatriement des capacités de production notamment.

43% de ces implantations ou extensions concernent le secteur manufacturier. Une bonne part des projets (144) correspondent à des centres de R&D, un chiffre en progression de 8%. En revanche, "la France doit faire mieux sur les centres de décision", considère EY : 78 projets seulement, encore moins bien que le Royaume-Uni (133) pourtant fragilisé par le Brexit.

Autre bémol : le e-commerce. Si le chiffre d'affaires de ce secteur a fortement augmenté en France entre 2019 et 2022 (+33%), les investissements dans les plateformes logistiques sont en diminution de 21% en 2022 par rapport à 2021. En jeu : la pénurie de foncier disponible, et la lourdeur et la complexité des procédures administratives. "La France reste malgré tout le premier pays d'accueil européen pour ces projets", insiste toutefois EY.

L'Auvergne-Rhône-Alpes et les Hauts-de-France dans le top 10 des régions européennes les plus attractives

Ces investissements étrangers concernent tous les territoires français, avec un top 3 autour des régions Île-de-France (326 projets), Auvergne-Rhône-Alpes (154) et Hauts-de-France (133). Et pour la première fois, l'Île-de-France passe devant le Grand Londres. Le report de projets en difficulté à cause du Brexit et l'amélioration des infrastructures de transport en prévision des Jeux Olympiques de Paris 2024 ont pu jouer en faveur de cette dynamique.

L'Auvergne-Rhône-Alpes et les Hauts-de-France s'imposent quant à elles dans le top 10 des régions européennes les plus attractives, notamment dans les domaines de la santé, de la mobilité et de l'industrie en général.

À noter aussi : près d'un projet sur deux concerne des zones rurales ou des agglomérations moyennes de moins de 200.000 habitants. 56% sont situés dans des EPCI labellisés Territoires d'industrie. "En 2022, les investissements étrangers manufacturiers ont concerné plus d'un tiers des territoires de moins de 50.000 habitants", précise aussi le document.