Education - Internats de la réussite : la Cour des comptes souffle à l'Etat de solliciter davantage les collectivités
Une "conduite chaotique". C'est ainsi que la Cour des comptes qualifie la mutation du développement des internats "d'excellence" en internats "de la réussite" à compter de la rentrée 2014. Dans le rapport annuel, les internats d'excellence en prennent pour leur grade. Des établissements se seraient créés "selon des modalités exorbitantes des règles de compétence, qui ont entraîné des coûts élevés et ont provoqué de fortes réticences et des doutes sur la reproductibilité de ces expériences". La Cour a notamment relevé "l'obtention de financements d'Etat pour des projets de collectivités territoriales déjà décidés au titre de leur propre programmation".
Une politique qui, en outre, "s'est déployée rapidement avec une cible en volume non motivée, des concepts flous et une absence de réflexion sur les moyens de fonctionnement nécessaires à la mise en place des projets pédagogiques et éducatifs propres à chaque établissement". Sans compter les "carences de pilotage d'ensemble".
Un risque de dilution des crédits d'Etat au profit des collectivités ?
La réorientation du dispositif serait donc l'occasion d'une "mise en cohérence qui fait aujourd'hui encore défaut", estime la Cour, ajoutant que cette mise en cohérence "devra associer les collectivités territoriales dans tous les champs de leurs compétences".
"La politique des internats d'excellence, puis de la réussite, entraînera l'engagement de 550 millions d'euros de crédits d'Etat pour la construction ou la modernisation d'équipements immobiliers destinés au cycle secondaire de scolarité, placés sous la responsabilité des régions et des départements, et pour des établissements qui sont leur propriété", prévient la Cour, ajoutant que "la récurrence de budgets d'investissements conséquents dans des domaines qui relèvent d'autres personnes publiques et qui n'ont jamais été partagés depuis les premières lois de décentralisation, suscite ainsi de nombreuses interrogations de principe". Bref, elle met en garde l'Etat sur "un risque de dilution des crédits d'Etat dans des opérations de droit commun, au bénéfice d'un patrimoine dont il n'a pas la maîtrise".
Et pourtant, "à ce jour, les contributions des collectivités territoriales ont porté le montant du plan initial (de 400 millions d'euros, financé par le programme des investissements d'avenir) à plus de 600 millions d'euros", note elle-même la Cour.
Une charte de l'internat en préparation
Dans sa réponse à la Cour, Vincent Peillon précise qu'une "charte de l'internat" est en cours d'élaboration en concertation avec les collectivités territoriales. Cette charte détaillerait les paramètres de sélection des projets, dont les "moyens de fonctionnement mis en place par l'Etat et les collectivités territoriales" (mais aussi les contenus pédagogiques et éducatifs, les conditions de recrutement des élèves, le dispositif d'évaluation). Le ministre de l'Education nationale rappelle également qu'il a adressé une note en décembre dernier aux recteurs définissant les grandes lignes de la nouvelle politique des internats, et invitant chaque académie "à développer l'offre de places en internats de la réussite avec les collectivités territoriales, dans le cadre d'un schéma directeur régional en adéquation avec les besoins locaux".
Par ailleurs, le ministre assure qu' "il est prévu de réaffirmer le rôle central du ministère de l'Education nationale dans le pilotage de ce programme" même si "l'Anru reste de son côté l'opérateur de cette action financée par les investissements d'avenir".