Intercommunalités : en route pour la consécration ?
Au cours de la 32e convention d'Intercommunalités de France, qui s'est tenue du 5 au 7 octobre à Bordeaux, plusieurs membres du gouvernement, dont la Première ministre, n'ont pas tari d'éloges sur des intercommunalités jugées "centrales", notamment dans la transition écologique. Contractualisation, financement des investissements, dotations… Elisabeth Borne a en outre multiplié les gestes à l'égard des intercommunalités. De quoi alimenter la confiance entre l'Etat et les intercommunalités, qui assurent vouloir "avancer ensemble".
Les manifestations des gilets jaunes suivies du Grand Débat puis la crise liée au Covid-19 avaient remis les communes et leurs maires sur le devant de la scène et renouvelé l'intérêt de l'Etat pour le premier échelon de proximité. Mais la relance dans les territoires avait ouvert une autre séquence, permettant aux intercommunalités de revenir au premier plan et de reprendre une part active dans les relations avec l'Etat. On était loin d'un état de grâce, mais le creux de la vague était passé. Aujourd'hui, les nouveaux enjeux – notamment la planification écologique – et les débats engagés dans le cadre du Conseil national de la refondation pourraient accélérer le retour en force des intercommunalités sur la scène publique et dans les relations de l'Etat avec le monde local.
Venue clore le 7 octobre à Bordeaux la 32e convention d'Intercommunalités de France, la Première ministre n'a pas tari d'éloges au sujet des groupements de communes à fiscalité propre, considérés comme "la bonne échelle" pour mener nombre de politiques. "Les intercommunalités sont les maîtres d’œuvre de la transition écologique dans les territoires. Urbanisme, déchets, cycle de l’eau, mobilités, énergie… relèvent des intercommunalités. Vous avez un rôle central à jouer", a affirmé Elisabeth Borne. Accompagnée du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, de la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale de la santé, Agnès Firmin Le Bodo, et de la secrétaire d’Etat chargée de la Ruralité, Dominique Faure, la numéro un du gouvernement a aussi estimé que les intercommunalités seront "souvent l'échelle" privilégiée par les conclusions qui émaneront du Conseil national de la refondation (CNR) mis en place par le président de la République. L'Etat entend donc renforcer ses relations de travail avec les intercommunalités, aussi bien sur le plan national que localement. Elisabeth Borne a été claire : le "tandem entre le préfet et le président d’intercommunalité", renforcé par les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), constitue "un couple moteur pour l’action publique", a-t-elle dit devant les 1.850 congressistes.
Stabilité institutionnelle
La veille, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales avait déjà rendu un hommage appuyé aux intercommunalités. "D'une grande souplesse", s'adaptant aux "spécificités de chaque territoire", elles "sont appelées à jouer un rôle croissant à l’avenir", avait déclaré Caroline Cayeux. Avant de lancer aux élus des intercommunalités : "Vous pouvez compter sur moi pour porter votre modèle". Elle avait en outre précisé sa position sur l'articulation de l'action des intercommunalités avec celle des communes : "La commune c'est la strate de proximité dans notre pays. A ce titre, elle est particulièrement précieuse, car au plus proche des attentes de nos concitoyens. Les intercommunalités sont un véhicule privilégié de la mise en œuvre de leurs projets, en particulier concernant les aménagements que nécessitent les transitions écologique, énergétique et numérique, et qui dépassent le tracé communal".
La Première ministre a listé trois "défis" face auxquels l'Etat et les intercommunalités devront "agir ensemble" : la transition écologique, le logement et la souveraineté industrielle. Elle a aussi mis en avant une méthode, fondée sur "le dialogue" et "la stabilité". "Il faut vous garantir une forme de stabilité institutionnelle et dans vos compétences", a-t-elle dit. La veille, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales avait par exemple redit sa volonté que la compétence des intercommunalités en matière d'eau et d'assainissement soit confirmée à l'horizon de 2026, comme le prévoit la loi. Cependant la porte n'est pas fermée pour des "ajustements", s'ils sont "nécessaires". Elisabeth Borne s'est pour sa part dit intéressée par les propositions d'Intercommunalités de France sur "le Grand Paris".
DGF : + 320 millions d'euros en 2023
Pour travailler plus étroitement avec les intercommunalités, le gouvernement entend aussi privilégier "la contractualisation", en particulier par le biais des CRTE. Enrichis, ces contrats devront "permettre de construire l’avenir de notre pays", a souligné la Première ministre. Une ambition qui devrait satisfaire Intercommunalités de France, laquelle s'est longuement battue pour faire advenir ces dispositifs.
Mais, les élus l'affirment souvent, les preuves d'amour passent par des actes. La Première ministre le savait et n'est donc pas venue les mains vides à Bordeaux. Elle a ainsi esquissé plusieurs solutions pour aider non seulement les intercommunalités, mais aussi l'ensemble des collectivités, à faire face à l'explosion des coûts de l'énergie (notamment la prolongation en 2023 du "filet de sécurité"). En outre, s'agissant des recettes des intercommunalités, la Première ministre a insisté sur leur nécessaire "visibilité" sur le mandat et sur leur dynamisme. Dans cet objectif, elle a annoncé une hausse supplémentaire (320 millions d'euros, au lieu de 210 millions prévus initialement – voir notre encadré ci-dessous) de la DGF en 2023. Elle a par ailleurs annoncé avoir pris plusieurs arbitrages favorables aux intercommunalités sur la compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Ainsi, la fraction de TVA qui sera attribuée aux intercommunalités et aux départements s'élèvera à 10,4 milliards d'euros, un montant supérieur de plus de 1 milliard d'euros à la CVAE qu'ils ont perçue en 2023. La Première ministre a aussi annoncé la création d'une enveloppe supplémentaire de "300 à 500 millions d'euros" pour soutenir les investissements des collectivités "via le fonds vert". Enfin, elle a redit le souhait du gouvernement que les bases des impôts locaux soient indexées sur l'inflation. La mesure est importante pour les intercommunalités, puisque la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), soit près de 40% des impôts perçus par les intercommunalités, évoluent selon cette règle.
Feuille de route des intercommunalités
Lors de la table ronde d'ouverture de la convention, c'est la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale de la santé, Agnès Firmin Le Bodo, qui a promis de jouer la carte du dialogue "avec tous les territoires" et, donc, notamment les intercommunalités. En l'occurrence pour construire les politiques de santé. Tout en maintenant cette "compétence régalienne" dans le giron de l'Etat, il faut "changer de méthode et de paradigme", a-t-elle dit. Son ministère, qui est "celui des élus locaux" va "faire presque du travail de dentelle" ("ce qui est valable au Havre ne l'est pas dans la Creuse"), notamment en encourageant les expérimentations, y compris lorsqu'elles sont proposées par les élus locaux.
Ces propositions de partenariat ont été très bien accueillies par les élus des intercommunalités. Etat et collectivités, "nous devons avancer ensemble", a lancé Sébastien Martin, en déclarant que l'association qu'il préside a pour habitude de préférer "la proposition et le dialogue" aux "formules péremptoires". Traduction de cet état d'esprit, la feuille de route pour le quinquennat (en téléchargement ci-dessous), que les élus ont adoptée lors de l'assemblée générale d'Intercommunalités de France, le 5 octobre, appelle à une France où "État et collectivités travaillent en confiance". Pour atteindre l'objectif, il faudra que l'Etat fasse justement davantage confiance aux élus locaux, revienne sur une organisation en "tuyaux d'orgues" de ses politiques, ou cesse d'imposer des "injonctions contradictoires", a-t-il été dit au cours de la convention. Les différentes réformes de l'Etat territorial qui ont été menées depuis plus de dix ans, réduisant les effectifs des services déconcentrés, ont aussi été vues comme un facteur de fragilisation du "principal partenaire" des intercommunalités, de nature à affaiblir sa capacité à accompagner les collectivités et intercommunalités.
De l'EPCI à la collectivité locale de plein exercice
L'intérêt que porte le gouvernement aux "bassins de vie" et aux intercommunalités n'est pas encore vu toutefois par celles-ci comme une consécration. Une marche supplémentaire devra, selon elles, être franchie avec l'octroi du statut de collectivité territoriale. Rappelons qu'aujourd'hui, les intercommunalités sont des établissements publics de coopération à fiscalité propre. Intercommunalités de France a ouvert le débat, lors de son assemblée générale et le lendemain, lors d'une conférence de presse. Il s'agit de "reconnaître un fait institutionnel", a déclaré Sébastien Martin, en précisant que l'association ne prônait pas l'élection des présidents d'intercommunalité au suffrage universel direct. Ce sujet-là est "derrière nous", a-t-il assuré. En outre, il a appelé à "préserver" les "modalités d'élection par fléchage" utilisées pour la première fois en 2014, qui permettent de conserver le lien entre la commune et l'intercommunalité.
Le statut de collectivité territoriale présente des "avantages", a indiqué le président du Grand Chalon. En effet, l’Etat ne peut pas transférer une charge à une collectivité sans la compenser et le préfet ne peut pas "prendre ses ciseaux" pour découper le périmètre d’une collectivité. "Dans nos rapports avec nos partenaires, on serait sur un pied d’égalité", a aussi estimé Sébastien Martin.
"Ce sera une longue marche, il va y avoir un temps de pédagogie autour de ça, qui va être long", a estimé Sébastien Martin. Ce qui n'a pas surpris Eric Kerrouche, sénateur des Landes et directeur de recherche CNRS au Cevipof. "Il a fallu du temps à la région pour qu'elle se transforme en collectivité de plein exercice. La trajectoire est assez comparable pour les EPCI", a-t-il dit devant la presse. En se positionnant en faveur de la transformation de ces derniers en collectivités territoriales. "Avec la croissance des périmètres et des budgets, on est dans une situation de fiction juridique", a regretté l'ancien président de la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud.
Les Français approuvent
Les élus pourront en tout cas appuyer leur revendication sur une enquête que l'Ifop et le Cevipof (en téléchargement ci-dessous) ont réalisée par téléphone en septembre, pour Intercommunalités de France, auprès d'un échantillon représentatif de 216 présidents d'intercommunalités. Celle-ci montre que l'idée est largement approuvée : 78% des interviewés se prononcent en sa faveur. On notera que la même proportion estime qu'il faut "garder le fléchage pour l’élection des conseillers communautaires".
En outre, c'est important, leur point de vue ne diffère pas de celui des Français, comme permet de le constater un sondage que l'Ifop a réalisé en septembre, toujours pour Intercommunalités de France, cette fois (au moyen d'un questionnaire) auprès d'un échantillon de plus d'un millier de Français de 18 ans et plus. 72% des Français interrogés souhaitent que les intercommunalités soient reconnues comme des collectivités locales de plein droit et 74% estiment que le scrutin par fléchage est "une bonne chose".
Par ailleurs, selon ce sondage très instructif, 85% des Français déclarent que "le principe de l’intercommunalité" est "une bonne chose" – le résultat est quasi-identique pour toutes les catégories d'EPCI. L'intercommunalité revêt cependant des "traits négatifs" : 65% des Français interrogés estiment qu'elle tend à une hausse des impôts locaux et 55% qu'elle conduit à la disparition prochaine des communes.
Localtis a listé les principales demandes formulées par Intercommunalités de France et l'ensemble des annonces faites par la Première ministre lors de leur rendez-vous annuel.
847 CRTE ont été signés à ce jour, permettant de couvrir la quasi-totalité du territoire, en métropole et en outre-mer. "80% d'entre eux relèvent d'un EPCI et sur les 40.000 projets qui nous sont remontés, près de 25.000 sont en maturation, en cours, ou engagés", a détaillé Caroline Cayeux. "Près de la moitié des CRTE ont l'ambition de la transversalité dans tous les domaines d'action publique qui sont inscrits", a-t-elle aussi précisé. Pour la ministre, le bilan est positif : "Les CRTE sont un véhicule précieux de nos politiques publiques, ils ont fait leurs preuves". Intercommunalités veut aller plus loin. L’association propose de faire évoluer les CRTE vers des contrats entre l’Etat et les territoires, "basés sur des engagements pluriannuels", "mobilisant tous les ministères, à l’image des contrats de plan Etat-régions", et "confiés au préfet de département". La Première ministre n’a pas non plus caché ses ambitions pour les CRTE. "Ces contrats ne sont pas du tout un point d’aboutissement. Ils constituent, au contraire, une base que je souhaite que nous puissions enrichir et densifier ensemble", a déclaré Elisabeth Borne. La cheffe du gouvernement veut notamment que leur suivi soit amélioré et leur gouvernance renforcée. "Notre défi ensuite, c’est de passer d’un contrat qui liste des projets à engager ensemble à un contrat qui porte une vision globale de nos territoires, qui articule nos interventions dans l’ensemble des politiques publiques", a-t-elle encore affirmé. Elisabeth Borne souhaite avancer sur le sujet dans le cadre des discussions sur l’Agenda territorial. De son côté, la ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale de la santé a souhaité la définition d'un volet santé plus "puissant" dans le cadre des CRTE.
Le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires ("fonds vert") "permettra notamment de financer des projets identifiés par les CRTE". Il "sera entièrement délégué au préfet, de telle sorte qu’il ne soit pas opéré par appels à projets nationaux, mais au plus près de vos besoins, dans le cadre de nos contractualisations", a promis la Première ministre aux élus. "Tout partira de vos projets, selon une méthode lisible et reconnue : celle du dialogue entre les élus et leur préfet de département et/ou de région", avait indiqué la veille la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales. Autre information délivrée par le gouvernement : le fonds "inclura une offre d’ingénierie nouvelle pour accompagner les collectivités dans la transition écologique, qui devra être articulée avec l’ingénierie des autres partenaires, comme le Cerema, l’Ademe ou la Banque des Territoires".
Alors que les discussions sur la déclinaison dans les territoires de la mise en œuvre du ZAN suscitent des tensions (voir notre article du 3 octobre), Intercommunalités de France propose l’élaboration de "conventions de sobriété foncière" actant les engagements partagés entre les uns et les autres. Ce serait, selon Sébastien Martin, une façon de sortir des difficultés "par le haut en ayant une voie du dialogue". L'élu a aussi pointé la contradiction qui résiderait dans la volonté de réduire à tout crin la consommation du foncier et de réindustrialiser le pays. Il est "indispensable de sortir des quotas du ZAN" non seulement les grands projets nationaux d’infrastructures (comme un canal, ou une LGV), mais aussi les projets industriels (tels que les "usines de batteries, de semi-conducteurs, ou de médicaments"). Ces derniers "sont tout aussi stratégiques pour la souveraineté de notre pays que les grands projets d’aménagement national". La ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales a de son côté mis en avant les "solutions pragmatiques de l’écoute et du dialogue" sur ce sujet du ZAN.
Le président de la République avait proposé durant la campagne électorale de décentraliser la politique du logement. Cet engagement est très attendu par les intercommunalités. Les plus impliquées d’entre elles peuvent déjà, depuis la loi 3DS de février 2022, devenir autorités organisatrices de l’habitat (AOH). Cette mesure est "aujourd’hui le véhicule qui doit permettre de décentraliser la politique de l’habitat (…), de le faire de manière progressive et différenciée si on le souhaite", a considéré Sébastien Martin devant la presse. Sur ce dossier-là aussi, les élus sont repartis de la convention avec le sentiment sans doute d’avoir été entendus. "Comme le président de la République s’y était engagé, nous mènerons une réforme de la politique du logement fondée sur la décentralisation des compétences de l’Etat", a réaffirmé la Première ministre. En précisant : "C’est un chantier important que nous lancerons avec vous très prochainement". Sa conviction est qu'il faut "placer les moyens et les responsabilités à l’échelle du bassin de vie". En revanche, l'hôte de Matignon ne s’est pas prononcée sur la demande formulée par Intercommunalités de France d’une délégation aux groupements de communes à fiscalité propre des aides à la rénovation thermique.
"Nous avons besoin de mesures d’urgence", a plaidé Sébastien Martin. Fin septembre, Intercommunalités de France a demandé avec huit autres associations, dont l’Association des maires de France, dans un courrier à la Première ministre, la création d’un "bouclier énergétique d’urgence plafonnant le prix d’achat d’électricité des collectivités à un niveau à définir, éventuellement assorti d’avances remboursables". Lors de la convention, Intercommunalités de France a déclaré aussi, par la voix de son président, être favorable à une proposition du président de la délégation aux collectivités territoriales au sein de l’Assemblée nationale, Thomas Cazenave, de prolonger en 2023 le filet de sécurité instauré par la loi de finances rectificative pour 2022. "Nous sommes prêts à nous mettre autour de la table pour améliorer ce dispositif et trouver la bonne mesure", a précisé Sébastien Martin. Devant les élus, la Première ministre a une nouvelle fois assuré que le gouvernement ne laisserait "aucune collectivité dans l’impasse". Elle a rappelé que les fournisseurs d’énergie venaient de prendre des engagements dans une charte de bonne conduite et que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) publiera prochainement des indicateurs de prix permettant d’"éviter les offres abusives". Par ailleurs, le gouvernement défend "au niveau européen" l’idée d’un plafonnement des prix de l’électricité, une solution que l’Espagne aurait déjà initiée avec succès, puisque dans ce pays les prix de l’électricité auraient été divisés par trois. Enfin, la Première ministre a indiqué qu’elle a souhaité la mise en place d’"un filet de sécurité pour 2023", dans le but d’"aider les collectivités en difficulté". Le gouvernement présentera "prochainement" le détail de ce dispositif qui "s’adressera à toutes les catégories de collectivités".
Alors que les régions lorgnent sur ces recettes bénéficiant aujourd’hui aux autorités organisatrices de la mobilité du bloc local (voir notre article du 26 septembre), le président d’Intercommunalités de France a plaidé pour leur "préservation". Cette taxe "est indispensable au bon fonctionnement de nos réseaux de transport", a dit Sébastien Martin à la tribune. "Ce n’est pas avec les 180 millions d’euros de produit de VM complémentaire qui pourraient être perçus sur les communautés de communes qui n’ont pas pris la compétence mobilité qu’on va financer les 11 milliards du plan ferroviaire" et "les régions ont plein d’autres ressources", a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse. La Première ministre a rassuré les élus des intercommunalités. Le VM "permet de financer l’ensemble des services de mobilité à travers vos intercommunalités. Cette ressource sera bien sûr pérennisée", a-t-elle dit, sous les applaudissements.
Le gouvernement avait annoncé qu’il abonderait la DGF de 210 millions d’euros en 2023, afin de financer la progression des dotations de péréquation. Il parlait d’une "première depuis 13 ans". Un amendement devait introduire la mesure dans le projet de loi de finances pour 2023. Mais, finalement, l’exécutif compte aller plus loin, en portant la hausse à 320 millions d’euros. Ainsi, "95% des collectivités verront leurs dotations se maintenir ou augmenter" (contre 70% des "communes" tel que prévu initialement). La Première ministre n’a pas précisé la répartition des crédits supplémentaires entre les communes et les intercommunalités, mais les premières devraient en être les principales bénéficiaires.
Intercommunalités de France souhaitait que dans le cas où le Parlement voterait la fin de la CVAE, la compensation soit territorialisée. Cette option a été retenue dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 qui introduit une répartition selon les bases de la cotisation foncière des entreprises (voir notre article du 29 septembre). Le gouvernement n’étant pas défavorable à l’ajout de critères complémentaires. Un groupe de travail associant les élus locaux sera prochainement installé sur le sujet. Le gouvernement a accédé à un autre souhait des associations d’élus locaux, dont Intercommunalités de France : la prise en compte, dans le calcul de la fraction de TVA, du montant de la CVAE que l’Etat leur aurait reversé en 2023 si la taxe n’avait pas été supprimée. L’enjeu est de taille, car 2023 s’annonce comme un excellent millésime. La Première ministre a tranché en faveur du meilleur scénario de compensation possible pour les collectivités, souligne-t-on dans l'entourage de celle-ci. Concrètement, les intercommunalités et les départements bénéficieront de 10,4 milliards d'euros de TVA en 2023, en compensation de la CVAE dont la suppression aura commencé. Pour rappel, celle-ci s'est élevée à 9,8 milliards d'euros en 2020 et a baissé à 9,3 milliards d'euros cette année. Le montant de 10,4 milliards d'euros intègre la forte dynamique de TVA enregistrée en 2022 (+9,6%) et celle qui est estimée pour 2023. "Il n'y aura pas d'année blanche", indique-t-on à Matignon. De son côté, l'Etat percevra la CVAE en 2023 et 2024 à la place des collectivités locales. C'est donc sur son budget que se fera sentir le moindre dynamisme de la CVAE lié au ralentissement économique de 2022 et 2023. Il en ira autrement pour les collectivités, qui bénéficieront de la croissance de la TVA, une ressource relativement moins sensible aux aléas de la conjoncture. La Première ministre a aussi fixé le principe selon lequel "il n'est pas question que l'Etat fasse du ‘bénéf’", explique l’entourage d’Elisabeth Borne. Autrement dit, l'Etat ne conservera pas de CVAE sur le dos des collectivités. A cette fin, il soldera les comptes dès 2023, en versant "entre 300 et 500 millions d’euros supplémentaires qui pourront soutenir vos investissements au travers du fonds vert", a annoncé la Première ministre sous les applaudissements des élus. Il faudra encore bien sûr que ce scénario soit validé par le Parlement dans le cadre de la discussion sur le PLF 2023. |