Collectivités et factures énergétiques : bientôt des acomptes… et des mesures nouvelles
Le gouvernement a fait savoir ce 5 octobre que les collectivités locales susceptibles de bénéficier du "filet de sécurité" prévu par la dernière loi de finances rectificative pour faire face à l'augmentation de leurs dépenses d'énergie et d'alimentation ainsi qu'à la hausse du point d'indice des fonctionnaires "pourront faire une demande d'acompte dès la semaine prochaine", pour un versement fin novembre ou début décembre. Il a en outre indiqué qu'il travaille à de "nouveaux dispositifs" pour les collectivités "les plus exposées".
Alors que "les coûts excessifs de l’énergie dans les nouveaux contrats proposés aux collectivités ne sont plus acceptables ni tenables", "aucune mesure correspondant au mur financier face auquel se trouvent les maires aujourd’hui n’est apportée pour l’instant", a tenu à redire ce 5 octobre l'Association des maires de France dans un communiqué, sans mention des mesures décidées le matin même avec les fournisseurs d'énergie (voir notre article de ce jour). L'AMF dit pour sa part souhaiter que "l’Etat, les collectivités, les syndicats de l’énergie et les autres opérateurs de l’énergie, notamment les fournisseurs, soient réunis d’urgence à l’initiative du gouvernement, pour que soient prises les décisions à la hauteur des enjeux financiers devant lesquels les collectivités sont placées par leurs fournisseurs".
Pour de nombreuses communes, "la situation n'est pas tenable". Ce sont cette fois les mots d'Elisabeth Borne, qui s'exprimait ce 5 octobre après-midi au Sénat dans le cadre des questions au gouvernement. Interpellés par des sénateurs, deux autres ministres, Christophe Béchu et Gabriel Attal, ont eux aussi évoqué le sujet des collectivités confrontées aux hausses des prix de l'énergie.
Le gouvernement a principalement rappelé ce qui était déjà à l'œuvre ou en vue : les négociations européennes visant à "ramener les prix de l'électricité à un niveau cohérent par rapport aux coûts de production", le bouclier tarifaire dont bénéficient "30.000 communes" (chiffre de Gabriel Attal), la hausse de 210 millions d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui sera inscrite dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023… et le "filet de sécurité" prévu par la dernière loi de finances rectificative et provisionné dans le PLF à hauteur de 430 millions d'euros (le gouvernement ayant récemment indiqué que ce montant pourra être augmenté en fonction des besoins : "Si trois fois plus de communes que prévu doivent être compensées, que ce n'est pas 430 millions, mais un milliard, on versera un milliard").
Ce filet de sécurité, c'est "une prise en charge jusqu'à 70% de la hausse des prix de l'énergie ou de l'alimentation pour les collectivités, et jusqu'à 50% de la hausse de la masse salariale liée à l'impact du point d'indice" des fonctionnaires, a rappelé Gabriel Attal, en sachant que tout versement sera conditionné à trois critères, dont la situation financière de la collectivité au 1er janvier 2022 et la baisse de 25% de son épargne brute entre 2021 et 2022.
Le projet de décret relatif à ce filet de sécurité a été soumis ce 5 octobre au matin au Comité des finances locales (CFL)… où il n'a reçu qu'une seule voix favorable, tous les autres membres s'étant abstenus ou ayant voté contre (Localtis y reviendra dans sa prochaine édition). Parmi les raisons invoquées : l'insuffisance des montants affichés, la complexité et le caractère restrictif des critères et le fait que le dispositif pénaliserait les collectivités vertueuses. "Nous avons besoin de mesures d'urgence pour répondre à la crise actuelle, pas de fonds hypothétiquement versés fin 2023", a-t-il aussi été dit.
Effectivement, dans la mesure où il s’agira de comparer l’exécution budgétaire 2022 à celle de 2021, les crédits ne pourront théoriquement pas être versés aux collectivités bénéficiaires avant l'été 2023. Toutefois, la loi de finances rectificative prévoit que les communes et leurs groupements qui anticipent, en cette fin d'année 2022, une baisse d'épargne brute de plus de 25%, pourront bénéficier, à leur demande, d'un acompte versé sur le fondement d'une estimation de leur situation financière.
C'est ce qu'a rappelé le gouvernement ce 5 octobre au Sénat, en donnant le calendrier prévu. "Les collectivités locales pourront faire une demande d'acompte dès la semaine prochaine et celui-ci pourra leur être versé entre la fin du mois de novembre et le début du mois de décembre", a ainsi indiqué le ministre délégué chargé des Comptes publics.
"Je prends un engagement devant vous : aucune collectivité ni aucune entreprise ne sera laissée dans une impasse", a pour sa part déclaré Elisabeth Borne. "Je pense en particulier aux collectivités les plus exposées, comme celles qui connaissent des activités saisonnières ou qui gèrent de gros équipements", a-t-elle ajouté. Et la Première ministre de faire savoir qu'en plus des engagements pris par les fournisseurs, le gouvernement présentera "prochainement des propositions" visant à "renforcer" le filet de sécurité. Gabriel Attal a lui aussi fait savoir que le gouvernement travaille "à de nouveaux dispositifs qui pourraient s'inspirer du filet de sécurité pour soutenir les collectivités", Christophe Béchu indiquant de son côté qu'il s'agissait de "finaliser des solutions d'accompagnement des collectivités les plus exposées". "Vous aurez donc bientôt des réponses", a-t-il assuré.
Des maires et élus se sont regroupés ce 5 octobre dans un collectif "Stop Racket Énergie" pour alerter sur l'"explosion" de la facture des renouvellements de contrats de gaz et électricité des collectivités. "Je veux dénoncer un scandale, un vol, un racket organisé avec en plus la passivité de l'Etat", a lancé Zartoshte Bakhtiari, maire de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), à l'initiative du collectif, dans une vidéo de présentation (https://stopracketenergie.fr ). Dans cette commune de près de 40.000 habitants, "les contrats d'électricité et de gaz prennent fin au 31 octobre", indique l'élu divers droite. En l'absence de réponse à l'appel d'offres lancé par la municipalité, "on est obligé d'acheter au prix du marché. Les prix sont totalement scandaleux et délirants", dénonce-t-il : pour le gaz, "on passe de 15 euros/mégawatt-heure aujourd'hui à 240 euros/MWh, soit une multiplication par 16 et pour l'électricité de 65 euros/MWh aujourd'hui à 2080 euros/MWh, soit une multiplication par 32". "A l'échelle de toute la ville, on passerait de 2 millions de facture d'énergie à 10, voire 15 millions d'euros", détaille le maire de Neuilly-sur-Marne, selon lequel "toutes les communes seront concernées dans les deux années à venir, leurs contrats étant généralement renouvelés tous les deux ans". "Et si on refuse de signer ces offres totalement délirantes au 1er novembre, on nous couperait l'électricité et le gaz pour notre ville de 40.000 habitants. C'est du racket organisé !", s'insurge l'élu. Dans un document consulté par l'AFP, le gestionnaire Enedis a indiqué à la municipalité ne pas pouvoir "alimenter un site en électricité sans contrat de fourniture d'électricité". Si le "fournisseur d'énergie demande une coupure, Enedis sera dans l'obligation d'exécuter cette demande d'interruption de fourniture d'électricité", poursuit le gestionnaire. Une dizaine de maires et élus d'Ile-de-France (Le Bourget, Gagny, Villemomble, Noisy-le-Grand, Montfermeil, Fontenay-le-Fleury, Neuilly-Plaisance, Coubron, Vaujours) ont à ce jour rejoint le collectif "Stop Racket Énergie". |