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Emploi - Insertion des chômeurs : l'Urof Ile-de-France dénonce une situation "aberrante"

Dans le cadre du marché de service d'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi lancé en 2011 par Pôle emploi, 27 millions d'euros vont être confiés à deux organismes de formation issus de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. L'Urof d'Ile-de-France critique le choix risqué de Pôle emploi et remet sur le tapis la nature de service d'intérêt général de la formation professionnelle.

Une situation "aberrante". C'est ainsi que Benoît Bermond, président de l'Union régionale des organismes de formation (Urof) d'Ile-de-France, qualifie l'issue de la consultation menée par Pôle emploi dans la région pour le marché de service d'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi. Lancée sur le plan national à l'été 2011, cette consultation correspond pour la région Ile-de-France à 80 lots. Mais la moitié a été attribuée à des organismes n'ayant "aucune activité, existence ou expérience quelconque à ce jour sur le territoire francilien", assure l'Urof IDF, dans un communiqué. De fait, deux sociétés de la région Paca, Esccom et Initiative, ont remporté une vingtaine de lots. "Ces organismes n'ont jamais eu au préalable d'existence ou d'activité, leur chiffre d'affaires tourne autour de 1,5 à 1,9 million d'euros et, là, ils vont le multiplier du jour au lendemain par dix ! Sur le plan national, le budget qui leur est confié correspond pour les deux à 27 millions d'euros d'après nos calculs, explique Benoît Bermond à Localtis. Ils n'ont pas de réseau local en Ile-de-France, pas de locaux, pas de formateurs… On s'interroge vraiment sur leur capacité à prendre en charge une telle quantité de travail."
Le risque que pointe l'Urof est que ces deux sociétés soient submergées par une telle charge et amenées à jeter l'éponge. Car il y a eu un précédent avec deux prestataires de Pôle emploi, la société Alteana, actuellement en liquidation judiciaire, et Assofac, qui vient de se déclarer en cessation de paiement… Et si Esccom et Initiative ont été choisis, c'est que dans la balance des critères analysés, le prix a été un élément déterminant, juge l'Urof IDF. "On ne peut pas dire que les critères techniques n'ont pas été pris en compte, mais le choix a été fait sur le moins disant", assure Benoît Bermond.

Code des marchés

Conséquences : pour assurer leur mission, ces sociétés doivent recruter des formateurs dans l'urgence, à des niveaux de qualification, et donc de rémunération, pas toujours adaptés. L'Urof IDF signale ainsi que certains des conseillers recrutés sont en contrats de professionnalisation et que les règles de la convention collective des organismes de formation ne sont pas toujours respectées. "Non seulement, cet appel d'offres fragilise l'ensemble de la profession, mais au bout d'un moment, il peut s'agir de dumping !", dénonce encore le président de Urof IDF.
Du côté de Pôle emploi, on défend le processus utilisé pour choisir les prestataires. L'institution explique que le prix ne compte que pour 30% dans la décision, contre 70% pour les aspects techniques. Aucun critère géographique, ni relatif à la taille de l'entreprise ne peut être utilisé, d'après les règles du Code des marchés. Par contre, les entreprises, une fois choisies, ont ensuite un mois pour s'organiser, louer les locaux, recruter le personnel. Et Pôle emploi garde un droit de regard sur l'ensemble des CV des personnes qui sont recrutées. Une prudence qui mettrait Pôle emploi à l'abri des critiques.
L'affaire revient toutefois à poser la question qui fait en ce moment polémique : le passage de la formation du domaine de la concurrence au domaine des services d'intérêt général. Un processus qui permettrait, selon l'Urof, d'éviter ce "genre de dérives", puisqu'il donnerait la possibilité de se passer des appels d'offres. Le sujet n'est pas près d'être réglé. Comme en témoigne les vifs échanges virulents de ces derniers jours entre la Fédération nationale des Urof, le Cnam, et la Fédération de la formation professionnelle (FFP).