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Finances régionales - Inquiétudes sur l'évolution de l'endettement des régions françaises

Tout est relatif ! L'agence de notation Moody's vient de publier une étude qui met en avant le risque réel de dégradation de la situation financière des régions tout en rappelant que par rapport à leurs homologues européens, les exécutifs régionaux sont plutôt bien lotis.

L'agence de notation Moody's vient de rendre publique une étude qui évalue à moyen et à long termes la santé financière des régions françaises : sans réforme majeure de leur système de financement, une hausse significative de l'endettement régional est à prévoir. S'appuyant sur une série de comparaisons européennes - Moody's note une cinquantaine de régions sur le continent -, l'agence estime, que la situation financière des régions tricolores est très bonne.  Entre 1995 et 2005, les régions ont enregistré une détérioration de leur niveau d'épargne de gestion (passant de 47% à 34% des recettes de fonctionnement) tandis que la progression des dépenses d'investissement a contribué à diminuer leur capacité d'autofinancement (de 99% en 1999 à 87% en 2005). Pour autant, le désendettement important entre 1999 et 2001 leur a permis d'enregistrer une amélioration de leur ratio d'endettement. La montée en charge des compétences régionales, avec la loi du 13 août 2004, n'a pas empêché les conseils régionaux d'avoir une bonne qualité de crédit en comparaison avec les autres collectivités : leur niveau d'épargne s'élève à 34% des recettes de fonctionnement en 2005 alors qu'il s'élève à 24% en moyenne pour l'ensemble des collectivités.

 

Du baume au coeur

En comparant la situation financière des régions françaises avec celles des régions de trois pays européens voisins (Italie, Espagne, Allemagne), Moody's pourrait laisser croire que tout va pour le mieux. Petites, vu la taille de leur budget, les régions françaises ont de nombreux atouts : une certaine flexibilité sur les taux de leur fiscalité, une flexibilité totale pour l'affectation de leurs ressources, des recettes relativement stables, une flexibilité forte sur les dépenses (mais décroissante car la part des dépenses de fonctionnement augmente). "Compte tenu de la part plus importante des investissements au sein de leurs dépenses (42%, contre 19% pour les régions italiennes, ou 17% pour les communautés espagnoles), le taux d'épargne brute affiché par les régions françaises (31,80%) est nettement supérieur à celui des régions italiennes (autour de 1% en moyenne) ou espagnoles (11,1% en moyenne), tandis que les Länder allemands présentent une épargne brute structurellement déficitaire (-1,8% en moyenne)", illustre le cabinet de notation. L'étude précise aussi qu'en dépit de la nature fortement capitaliste de leurs dépenses, les régions françaises présentent une importante capacité d'autofinancement des investissements par rapport à leurs homologues européens. Et d'ajouter que les régions françaises se singularisent par la qualité du management budgétaire et le niveau généralement très faible d'opérations effectuées hors bilan. Alors tout va bien ?

 

Dégradation de la marge de manoeuvre et pourtant...

Plusieurs élements militent en faveur d'une réelle dégradation de la situation. La part des recettes fiscales est passée de 66% à 38 % des recettes de fonctionnement. Or cette  perte de recettes est compensée par des dotations de l'Etat dont la croissance est bien inférieure. Comparant les régions françaises aux régions italiennes, aux Länder allemands et aux régions espagnoles, Moody's précise que seules ces dernières ont un niveau d'autonomie financière plus élevé que les collectivités territoriales françaises. "A l'occasion des transferts successifs de compétences en 1999 et en 2002, la réforme du système de financement des communautés espagnoles a permis d'accroître considérablement la part des recettes fiscales au sein des recettes totales, qui atteint aujourd'hui environ 52% (contre environ 22% en 2001)". Si on évalue la marge de manoeuvre des régions sur l'ensemble de leurs dépenses, les régions françaises s'en sortent très bien car, en raison de l'importance de la part des dépenses d'investissement dans les dépenses totales, elles ont la faculté de jouer sur d'éventuels reports d'un exercice à l'autre. Du baume au coeur !

 

Les écarts entre régions vont se creuser

Les deux dernières réformes (taxe professionnelle et taxe intérieure sur les produits pétroliers) ne vont pas améliorer la marge de manoeuvre des collectivités. La première "limitera considérablement le levier fiscal des exécutifs régionaux", la seconde, n'aura pas d'impact fort sur leur autonomie, vu la baisse structurelle de la consommation d'hydrocarbures et le manque de marge sur une augmentation future de la modulation régionale.
Revenant sur la dernière vague de décentralisation, Moody's estime que les hausses récentes de fiscalité régionale sont justifiées (mais ne pourront pas se renouveler de si tôt) car le système de compensation des transferts risque rapidement de montrer ses limites avec la montée en charge en 2007 et 2008 des dépenses liées à l'intégration des TOS, le transfert des formations sanitaires et sociales mais aussi la poursuite de la politique régionale en faveur du transport ferroviaire. Cette situation, constate l'étude, aura pour effet de creuser les écarts entre régions. Enfin, les contrats de projets Etat-régions pourraient "conduire les collectivités à prendre en charge de nombreuses dépenses autrefois partagées, notamment en matière d'aide économique de développement du territoire ou de tourisme". En conclusion,  Moody's prévoit une hausse significative du stock de dette.

 

Clémence Villedieu

 

Ce qu'il faut faire...

- une compensation ajustée des transferts de compétences sur le long terme ;
- toute refonte du système de fiscalité locale permettant une plus large autonomie financière des régions ;
- des mécanismes de péréquation modifiés afin d'éviter que les écarts entre les régions en matière de santé financière ne se creusent.

 

2007 :  les dépenses de fonctionnement constituent 59% des budgets

L'observatoire en statistiques et finances locales du Forum de la gestion des villes et des collectivités territoriales vient de publier une étude sur les tendances budgétaires des régions en 2007 qui, selon la synthèse confirme les analyses de Moody's. Avec une hausse des budgets régionaux de 15%, une forte augmentation des dépenses de fonctionnement (+20%) et des dépenses d'investissement (+9,2%) , les régions n'entendent pas poursuivre la hausse de leur fiscalité (1,4% en 2007 contre 7% en 2006). Les principales ressources seront donc dégagées avec la TIPP permettant une hausse de 15,3% des recettes de fonctionnement, et avec les recettes d'investissement (hausse du FCTVA  de 20,3%). L'encours de dette (montant total des emprunts) augmente de 10,9% au 1er janvier 2007. "Une mise en perspective des dépenses et des recettes des budgets primitifs ferait apparaître un coût net non compensé par l'Etat équivalent à 2% de leurs dépenses de fonctionnement."

C.V.