Infrastructures de transport : feu vert du Parlement à la nomination de Franck Leroy à la tête de l’Afit France

Après l’avoir auditionné ce mercredi au Sénat, puis à l’Assemblée, les parlementaires ont rendu un avis favorable à la nomination du président de la région Grand Est, Franck Leroy, à la présidence de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France). Un vote acquis sans marge, qui traduit notamment l’agacement des parlementaires devant l’instabilité chronique qui affecte cette agence.

D’une courte tête, le Parlement a validé ce 28 février la nomination de Franck Leroy à la présidence de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), vacante depuis sept mois et qui peine désormais à s’incarner. Un résultat acquis sans grande marge, puisqu’il a obtenu 39 voix favorables sur les 63 suffrages exprimés (et 77 votants), dépassant ainsi de peu le seuil nécessaire des trois cinquièmes des suffrages exprimés (37 voix).

Un Parlement "agacé"

C’est au Sénat que la contestation fut la plus grande, puisque le candidat n’y a reçu que 14 avis favorables pour 12 défavorables. Plus qu’un rejet du candidat lui-même, il faut sans doute y voir un nouveau coup de semonce à l’encontre de l’exécutif, accusé de traiter avec désinvolture tant l’agence, en passe de devenir le cavalier sans tête de la République, que le Parlement lui-même. Un mécontentement que la Chambre haute avait déjà exprimé en refusant d’auditionner Franck Leroy en décembre dernier, au motif que sa nomination n’aurait alors valu que pour la durée du mandat restant à courir, soit jusqu’au 11 mars. Et ce, alors que "c’est déjà la troisième audition pour le même poste en 18 mois", fait valoir le sénateur Damien Michallet (Isère, LR), en soulignant que l’instabilité à la tête de cette agence non seulement dessert l’institution, mais est également "une source d’agacement" pour le Parlement. Lors des auditions, c’est pourtant à l’Assemblée que les critiques furent peut-être les plus vives. Non pas tant là encore à l’égard de l’impétrant que de l’Afitf elle-même, que le député Loïc Prud’homme (LFI, Gironde) n’a, une fois encore, pas ménagée (voir notre article du 12 janvier 2023), y voyant tour à tour un "poulet sans tête", un "49.3 permanent" ou "une caisse enregistreuse".

Un mandat théoriquement de trois ans

Le suspens tient désormais dans la durée du mandat de ce nouveau président, puisque ceux de ses prédécesseurs auront été aussi variables que brefs : à peine un an pour le second mandat de Christophe Béchu, moins de trois mois pour celui de Jean Castex et tout juste le double pour celui de Patrick Vergriete, tous ayant été appelés à d’autres fonctions. "L’Afitf constitue l’ascenseur social le plus rapide de la République française", grince ainsi le député Damien Adam (Seine-Maritime, Renaissance), rejoignant le sénateur Damien Michallet, qui y voit "une antichambre pour des fonctions plus prestigieuses". Devant les parlementaires, Franck Leroy a toutefois affirmé qu’il resterait à la tête de l’agence le temps du mandat de trois ans, puisque par ailleurs "programmé pour rester président de la région Grand Est jusqu’en 2028" (sic), fonction prise au pied levé suite au départ de Jean Rottner (voir notre article du 13 janvier 2023). Une présidence régionale à laquelle il n’entend pas renoncer, estimant que c’est précisément "parce qu’il est président de région qu’il a été proposé par le président de la République" pour prendre la tête de l’Afit France. En revanche, il quittera la présidence de la commission Mobilité, transports et infrastructures de Régions de France. 

"Mettre à l'abri des coups de rabot de Bercy" 

Franck Leroy observe d’ailleurs que "ce sont très souvent des exécutifs territoriaux qui sont nommés présidents de l’Afitf". "Pas un hasard" selon lui, puisque "la part de l’État dans le financement des transports est minoritaire", "même quand il s’agit d’infrastructures qui normalement incombent à la SNCF ou à l’État". Plus encore, il juge important qu’il en soit ainsi, "les élus locaux ayant tous été confrontés un jour ou l’autre à des désengagements de l’État". Or, il n’a cessé de le rappeler durant ses auditions, "l’intérêt de l’Afitf, c’est de mettre à l’abri des coups de rabot de Bercy les infrastructures de transport", de "sanctuariser des financements qui portent sur des infrastructures qui prennent 5, 8, 12, 15, 20 ans pour être construits". Une mission que ne favorise sans doute pas le "tourniquet de présidents éphémères" également dénoncé par le sénateur Jacques Fernique (Bas-Rhin, GEST).

L’Afit France à l’épreuve des coupes budgétaires

Mais une mission d’actualité, plusieurs parlementaires n’ayant pas manqué de relever que les transports n’étaient pas épargnés par la coupe budgétaire récemment opérée par Bruno Le Maire (voir notre article du 22 février). S’il estime que "normalement", l’Afit France devrait "être à l’abri des derniers arbitrages budgétaires", Franck Leroy concède qu’il est "un peu cavalier pour [lui] de l’affirmer aujourd’hui puisque ce sont des choses qui vont se décider dans les prochaines semaines". Mais de prévenir : "J’imagine mal qu’on puisse adresser à la fois le message de planifier 100 milliards d’euros de travaux sur les infrastructures et à la première difficulté budgétaire venir passer un coup de rabot." Au pays "des injonctions contradictoires", l’effort d’imagination ne semble pourtant pas si important.

SNCF Réseau guère à la noce

Rappelant à l’envi que "le rôle de l’agence n’est pas de décider en lieu et place de l’État et des collectivités, mais de s’assurer du respect des engagements" – lui permettant ainsi d’esquiver les nombreuses questions relatives au devenir de projets particuliers –, Franck Leroy aura néanmoins fait part d’un certain nombre de ses convictions, estimant d’ailleurs que "l’agence doit aussi être une cellule de réflexion sur le devenir des transports". Il a ainsi déploré à plusieurs reprises "qu’au nom du tout TGV on ait beaucoup sacrifié les infrastructures de transport du quotidien" et souligné "la nécessité absolue" des services express régionaux métropolitains (Serm ; voir notre article du 12 janvier). En la matière, il estime que bâtir ces derniers "ne sera possible que si l’on ne s’appuie pas uniquement sur SNCF Réseau, qui ne sera pas en capacité d’être partout, de tout faire". Il préconise ainsi "d’élargir le champ des partenaires pour élargir le champ des possibles", suggérant de faire appel à la Société des grands projets pour réaliser les Serm et "d’utiliser l’arme de la concurrence" pour le développement des lignes d’aménagement du territoire. De SNCF Réseau, il attend par ailleurs "davantage de transparence", notamment sur les investissements réalisés. 

Train léger, combinaison vélo-train, grèves…

Interrogé sur la pertinence d’une loi de programmation sur les infrastructures, il avoue y être favorable à la condition que les collectivités soient préalablement concertées et déterminent une feuille de route. "Il ne faut pas que l’État décide et que les collectivités subissent." En vrac, il déplore par ailleurs les "25 ans de retard" pris par la France sur la "combinaison vélo-train, vante les mérites du train léger "alors que le train n’ira pas partout", avertit qu’on ne pourra pas se passer de la route, "dont dépendent encore 80 à 85% de nos concitoyens", ou juge encore "pas admissible qu’à chaque départ en vacances une partie de nos concitoyens soient pris en otage" par les grèves à la SNCF. 

Recettes peau de chagrin

S’il se félicite de "la réelle volonté d’investir massivement dans les infrastructures de transport", saluant les 4,6 milliards d’euros de crédits de paiement dont dispose cette année l’Afitf, soit "une augmentation de 20%", il avoue dans le même temps "son inquiétude sur la pérennité des recettes". Il se déclare ainsi "pas favorable à une augmentation de la TICPE, une recette mécaniquement appelée à décliner", mais estime  "assez difficile d’imaginer une écotaxe nationale". Évoquant la prochaine fin des concessions autoroutières ou les quotas carbone, il prévient : "C’est un sujet à commencer à aborder aujourd’hui." Alors que l’Europe a d’ores et déjà validé le nouveau système d’échange de quotas d’émissions affectant le transport routier (voir notre article du 4 janvier 2023), il est effectivement à craindre que demain, il sera trop tard.