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Mobilité - Infrastructures de transports : nouveau réquisitoire sévère de la Cour des comptes contre l'Afitf

La Cour des comptes épingle à nouveau l'Agence de financement des infrastructures de France (Afitf) dans un référé rendu public le 29 août. Elle reproche à l'agence d'être une "quasi-coquille vide" permettant à l'Etat de contourner les règles de droit budgétaire et alerte sur la "déconnexion" entre les engagements pris et les moyens réels dont elle dispose.

Dans un référé rendu public ce lundi 29 août, la Cour des comptes critique "l'absence de plus-value" apportée par l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afitf), un opérateur de l'Etat jugé "sans feuille de route ni marge de manœuvre", une "quasi-coquille vide" sur le plan administratif. Indépendamment de la question du devenir de l'agence, elle insiste aussi sur "la nécessité d'une maîtrise de la trajectoire de financement des infrastructures de transport".
Selon les magistrats financiers de la rue Cambon, l'Afitf, qui a vu le jour en 2004 pour garantir une allocation pluriannuelle des ressources nécessaires aux investissements dans les infrastructures de transport, n'est ni plus, ni moins qu'"un instrument de débudgétisation qui permet de contourner les règles de droit budgétaire". "Près des deux tiers de ses recettes, constituées de ressources fiscales et non fiscales que l'Etat lui affecte, sont reversées par voie de fonds de concours au ministère chargé des transports, pointe la Cour. Le rôle de l'agence est donc limité à celui d'une caisse de financement, gérée de facto par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer de ce ministère, sans autonomie décisionnelle." En outre, juge-t-elle encore, "les engagements financiers pris par l'Afitf ne font l'objet d'aucun plafonnement en loi de finances et échappent à la norme d'évolution des dépenses de l'Etat". "Contrairement à la vocation initiale de l'opérateur, le financement pluriannuel des infrastructures de transport ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune programmation", insiste-t-elle. Il en résulte donc selon elle "une déconnexion entre les engagements pris et les moyens réels de l'Afitf".

Des perspectives de financement jugées inquiétantes

La Cour alerte ainsi sur les perspectives de financement des infrastructures de transport pour l'équilibre futur des finances publiques. Jusqu'en 2014, l'Afitf a compté sur l'instauration de l'écotaxe poids lourds, qui a finalement été abandonnée. Fin 2015, les restes à payer de l'agence s'élevaient à 11,9 milliards d'euros et ses dettes à 700 millions d'euros, relève la Cour. En l'état des engagements déjà pris, les Sages de la rue Cambon estiment que la trajectoire de dépenses de l'agence conduirait à une insuffisance cumulée de financement de 600 millions d'euros à l'horizon 2019. Mais si l'Etat décide d'aller plus loin dans l'engagement et le financement du tunnel ferroviaire Lyon-Turin et du canal Seine-Nord, il devra dégager entre 1,6 et 4,7 milliards d'euros supplémentaires à cette même date, préviennent-ils.
Sans aller jusqu'à préconiser la suppression de l'Afitf comme elle l'avait fait dans son rapport annuel en 2009, la Cour formule donc deux orientations. Elle propose d'abord de "définir des priorités de projets à venir, notamment au regard de leur rentabilité socio-économique, et de réduire considérablement les engagements nouveaux" - sans avancer de chiffrage précis. Elle laisse cette tâche au conseil d'administration de l'Afitf qu'elle invite à "assurer pleinement ses responsabilités en hiérarchisant les projets et en garantissant leur conformité à une trajectoire financière explicite".

"Une véritable instance de décision" pour Manuel Valls

Dans une réponse au référé de la Cour des comptes, Manuel Valls a au contraire défendu l'agence qui "a réussi à s'imposer comme une véritable instance de décision". "L'Afitf s'est ainsi affirmée comme un outil permettant de concentrer en un lieu unique l'ensemble du financement des infrastructures de transport en France mais c'est aussi un lieu de débats et de partage entre l'Etat et les représentants des collectivités locales sur la politique des transports qui fait désormais partie du paysage institutionnel français", a souligné le Premier ministre.
Selon lui, la hausse de 2 centimes de la taxe sur le gazole entrée en vigueur en 2015 "a permis de compenser la suppression des ressources issues de l'écotaxe poids lourds". Le chef du gouvernement a en outre souligné que les sommes restant à payer "ont fortement diminué" depuis 2014 et relativisé les prévisions de déficit de l'Afitf, qui "méritent d'être fortement nuancées". D'après Matignon, sur les 11,9 milliards restant à payer fin 2015, "plus de 6 milliards" concernent des projets réalisés en partenariat public-privé qui seront payés "sur des durées supérieures à huit ans".