Inégalités, pouvoir d'achat, éco-anxiété... le Cese analyse les différentes formes du malaise français

Dans son dernier rapport sur l'état de la France, le Cese alerte sur la conjonction de trois phénomènes : inégalités, pouvoir d’achat et éco-anxiété. Il donne des clés pour parvenir à une "transition juste".

Dans un contexte social tendu sur fond d'inflation et quelques mois après les émeutes qui ont secoué la France, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) alerte dans son dernier rapport "sur l'état de la France" sur les trois principaux sujets de préoccupation des Français : inégalités, pouvoir d’achat et éco-anxiété. Pour parvenir à ce constat, le conseil a croisé trois types de données : des notes thématiques, des indicateurs autres que le PIB et le ressenti de la population à partir d’un sondage Ipsos, réalisé en septembre auprès d'un échantillon de 1.256 personnes. Il en ressort que pour 67% des Français, les inégalités liées au lieu de résidence (urbain ou rural, centre-ville ou banlieue) sont importantes, devant même l’origine géographique ou culturelle (63%), la couleur de peau (62%) ou le genre (60%).

Un taux d'emploi de 45,5% dans les quartiers

Publié juste avant la réponse donnée par la Première ministre aux émeutes (voir notre article) et le Comité interministériel des villes (voir notre article), le rapport s'attarde sur la situation des quartiers. "Les difficultés d'accès à l'emploi sont particulièrement criantes dans les quartiers prioritaires de la ville, où le taux d'emploi est de 45,5% en 2022, soit près de 20 points inférieurs à celui de la population générale des 15-64 ans."

Parmi les explications avancées : la part de jeunes plus élevée, le niveau de qualification moindre, la structure familiale plus souvent monoparentale, et le phénomène de ségrégation urbaine avec une part plus importante d'immigrés. "Sur ces territoires, l'accumulation de 'vulnérabilités' est d'autant plus alarmante que la discrimination à l'emploi s'aggrave d'une génération à l'autre, notamment dans les familles d'immigrés, détaille le document, aujourd'hui dix ans après les sorties de formation, le taux de chômage des descendants d'immigrés titulaires d'un diplôme du supérieur est plus de deux fois plus élevé que celui des personnes de même niveau ni immigrées ni descendantes d'immigrés".

Pour remédier à cette situation et faciliter le recrutement des jeunes de ces quartiers, le Cese propose notamment de financer des actions de médiation entre offre et demande de travail dans le cadre des contrats de ville, et de mieux cibler les aides à l'alternance (apprentissage, contrats pro) pour qu'elles bénéficient davantage à ces jeunes. Il recommande aussi d'introduire la lutte contre les discriminations dans les politiques de l'emploi.

Pour les seniors, le Cese rappelle ses préconisations de 2018 : la possibilité de mobiliser un CEP renforcé pour accompagner les plus de 50 ans dans un projet de reconversion ou de retour à l'emploi et la mise en place d'un contrat de travail à durée indéterminée assorti d'une aide financière pour accompagner le retour à l'emploi.

Le Cese alerte aussi sur les outre-mer qui "font face à une situation alarmante" : l'emploi et le chômage y sont l'un des premiers sujets de préoccupation et la situation de pauvreté est extrêmement élevée dans la plupart de ces territoires.

Difficultés à atteindre un "niveau de vie décent"

Le rapport met aussi en exergue la part importante de la population qui a du mal à atteindre un "niveau de vie décent", notion plus précise que le seuil de pauvreté qui, lui, se limite à une approche monétaire. "Selon le territoire (villes moyennes, ruralité et Métropole du Grand Paris) et selon le type de ménages (actifs ou retraités, femme ou homme seul, couple sans enfant, famille monoparentale ou couple avec enfants, âge des enfants), le budget de référence qui permet d'assurer les moyens d'une vie familiale, professionnelle et sociale minimale et en bonne santé, est très hétérogène, souligne par ailleurs le rapport, et partout supérieur aux seuils de pauvreté pris en compte par les organismes sociaux, posant la question de la réévaluation des prestations sociales". En milieu rural, ce budget mensuel est compris entre 1.363 et 3.824 euros, contre 1.691 à 4.459 euros dans la Métropole du Grand Paris. "Les budgets alloués à l'alimentation, l'habillement et la santé sont quasi-identiques en villes moyennes et en communes rurales", précise le Cese. Les postes "sorties culturelles" et "logement" sont supérieurs dans la Métropole du Grand Paris, tandis que les postes "transports" et "gardes d'enfants" sont inférieurs.

Montée de l'agressivité et éco-anxiété

Cet accroissement de la pauvreté et de l'exclusion sociale combiné à la saturation des structures d'accompagnement et aux difficultés engendrées par la pauvreté sur l'accès aux droits et la satisfaction des besoins les plus élémentaires, favorisent la montée de l'agressivité, d'après le Cese, mais aussi le sentiment d'injustice et d'abandon de la part des pouvoirs publics.

Mais un autre mal taraude les Français : l'éco-anxiété. Huit Français sur dix expriment un sentiment fort d’anxiété face au dérèglement climatique, soit le "niveau le plus élevé jamais mesuré en France", souligne l'institution sur la base du sondage. Pourtant, leur situation face à ces questions est là encore source d'inégalités. 90% des Français se disent prêts à agir mais 37% sont freinés dans leur action pour des raisons financières. Autant d'éléments à prendre en compte pour une "transition juste".