Industrie verte : le projet de loi adopté par le Parlement
Le projet de loi sur l'industrie verte a été définitivement adopté par le Parlement le 11 octobre 2023. En CMP, députés et sénateurs ont trouvé un compromis sur les projets d'intérêt national majeur, pour lesquels l'accord des maires et présidents d'EPCI sera requis en début de procédure.
Après un passage en commission mixte paritaire le 9 octobre 2023, le projet de loi sur l'industrie verte a été définitivement adopté par le Parlement, avec un ultime vote des députés le 10 octobre suivis des sénateurs le lendemain. Le texte avait été adopté en première lecture en juin par le Sénat et en juillet par l'Assemblée nationale. Il vise à donner corps à la promesse d'Emmanuel Macron de réindustrialiser la France, grâce aux industries vertes. "Ce projet de loi inédit permettra à la France de se positionner comme le futur leader européen de l'industrie verte, et le terreau des technologies vertes de demain", s'est félicité après la CMP Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, qui porte le projet de loi avec Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie.
Le texte prévoit notamment de faciliter l'implantation de nouvelles industries dans cinq secteurs clés (pompes à chaleur, éolien, panneaux solaires, batteries et hydrogène) à travers une simplification des procédures administratives. Objectif : diviser par deux les délais d'ouverture ou d'agrandissement d'usine, soit passer de dix-sept mois en moyenne à neuf mois.
Parmi les principales dispositions : la création du statut de projet d'intérêt national majeur. Pour quelques projets de grande ampleur, une procédure d'exception est ainsi prévue qui autorise certaines dérogations au code de l'environnement.
L'avis des élus locaux requis en début de procédure
Le sujet a été fortement discuté au Parlement, puisqu'il permet à l'État d'avoir la main sur les documents d'urbanisme gérés par les collectivités territoriales (voir notre article du 16 mai 2023). Des amendements soutenus par Régions de France et Départements de France tendaient à ce que ces deux échelons de collectivités soient informés de l'implantation d'un projet d'intérêt national majeur lorsque celui-ci entraîne la modification des documents d'urbanisme. Ils ont été rejetés par les députés. Pour ces derniers, ces éventuels veto risquaient d'entraver, voire de remettre en cause la mise en œuvre du projet (voir notre article du 25 juillet 2023). Finalement, la CMP a tranché : l'accord des élus locaux sera requis uniquement en début de procédure. Le texte indique ainsi que la "mise en compatibilité [des documents d'urbanisme] ne peut être engagée qu’après accord du maire de la commune sur laquelle le projet industriel pourrait être implanté, ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale". "Les sénateurs ont obtenu l'assurance, pour les communes, de ne pas se voir imposer par l'État les 'projets industriels d'intérêt national majeur' de type gigafactories pour lesquels le texte crée une nouvelle procédure de mise en compatibilité accélérée des documents d'urbanisme, se félicite la commission des affaires économique du Sénat dans un communiqué du 10 octobre. Les régions, dotées par ce texte de nouvelles compétences en matière de développement économique territorial, seront également consultées, et pourront elles-mêmes signaler des projets d'intérêt national majeur." Pour le sénateur LR de la Somme Laurent Somon, rapporteur du texte, il n'était plus possible pour l'État de traiter les collectivités "comme un simple réservoir de foncier". Le texte nouvellement formulé permettra d'allier accélération des procédures et respect du rôle des collectivités territoriales. "Cela permet de conserver un veto si la commune ne veut pas d'un projet dès le départ sans rajouter de délais ou d'insécurité pour les industries", a résumé Guillaume Kasbarian, député Renaissance d'Eure-et-Loir, rapporteur de la commission spéciale à l'AFP.
Crédit d'impôt et plan d'épargne avenir climat
La création d'un nouveau produit d'épargne, le "plan d'épargne avenir climat", prévue par le projet de loi, doit permettre de favoriser le financement des projets économiquement vertueux et de flécher l'épargne privée vers l'industrie verte. L'argent sera ainsi affecté à l'acquisition de titres financiers contribuant au financement de l'économie productive et de la transition écologique. À travers ce plan d'épargne, le gouvernement espère une collecte annuelle allant jusqu'à un milliard d'euros. Le texte adopté ne retient en revanche pas le dispositif des résolutions de type "Say on Climate". Ajouté par amendement durant l'été à l'Assemblée nationale contre l'avis du gouvernement, et visant à consulter systématiquement les actionnaires sur la stratégie climat des entreprises cotées, il a été jugé trop contraignant pour l'instant et supprimé en CMP. Autre dispositif intégré cette fois-ci dans le projet de loi de finances pour 2024 en cours d'examen : un crédit d'impôt, représentant jusqu'à 40% de l'investissement, pour les batteries, le solaire photovoltaïque, les turbines éoliennes et les pompes à chaleur. Les tentatives des parlementaires pour élargir le dispositif à d'autres secteurs ont échoué, le tout ne rentrant pas dans le nouveau cadre européen Industrie zéro-net en cours d'adoption.
Le projet de loi industrie verte est donc validé mais, "ce n'est qu'un tout petit pas vers la réindustrialisation de la France", a mis en garde Dominique Estrosi Sassone, sénatrice LR des Alpes-Maritimes et nouvelle présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, dans le communiqué de la commission des affaires économiques du Sénat. "Nous devons maintenant ouvrir les chantiers structurels de la formation professionnelle, de la compétitivité des entreprises, de la mobilisation du capital-risque, car c'est tout l'appareil productif qu'il faut mettre en ordre de marche vers la transition écologique."