Indivision successorale : un texte pour en faciliter la sortie adopté à l’Assemblée

Les députés ont adopté le 6 mars une proposition de loi "visant à simplifier la sortie de l’indivision successorale". La création d’une base de données recensant les biens abandonnés doit notamment permettre aux élus locaux d’être mieux informés pour agir, et ainsi éviter qu’un logement habitable tombe en décrépitude ou ne soit laissé vacant. 

L’Assemblée nationale a largement adopté (par 55 voix pour et 1 contre), ce 6 mars, en première lecture, avec le soutien du gouvernement, la proposition de loi "visant à simplifier la sortie de l’indivision successorale", après un examen mené tambour battant dans le cadre de la journée réservée au groupe Les Démocrates. En s’attaquant à l’épineuse question des indivisions bloquées, la députée Louise Morel, à l’initiative du texte avec son collègue Nicolas Turquois, cible un aspect très concret auquel sont confrontés les élus locaux, la multiplication des logements vacants. Un levier à ne pas bouder pour répondre à la crise du logement et à l’aune du zéro artificialisation nette (ZAN). Car ces indivisions persistantes, conséquence de mésententes ou de successions vacantes, lorsqu’aucun héritier n’a pu être trouvé, font obstacle à l’entretien et à la valorisation du foncier bâti par les communes. Le caractère complexe, lent voire méconnu des procédures de sortie de l’indivision peut expliquer ces situations de blocages, qui perdurent parfois sur plusieurs décennies. Pour y remédier, la proposition de loi s’inspire donc de droits locaux plus souples et plus efficaces de sortie de l’indivision, qui s’appliquent en Corse, en Alsace-Moselle ainsi que dans certaines collectivités d’outre-mer, et en particulier de la loi du 27 décembre 2018, dite "loi Letchimy". 

Base de données des biens abandonnés

Le texte, substantiellement enrichi par les travaux de la commission des lois, prévoit la création d’une base de données relative au recensement des biens en état d’abandon. Celle-ci sera accessible aux collectivités territoriales, afin qu’elles puissent identifier la situation juridique d’un bien abandonné ou en voie de délabrement sur leur territoire et donc prendre les mesures adéquates. Y seront recensés les biens concernés par différentes procédures, qu’il s’agisse de parcelles en état d’abandon manifeste, de biens sans maître, de successions vacantes ou de successions en déshérence. 

Un nouveau mécanisme est par ailleurs introduit pour sortir des indivisions bloquées du fait d’une succession vacante. Le texte insère un nouvel article 815-5-2  dans le code civil qui permet à la direction nationale d’interventions domaniales (DNID) agissant comme curateur de vendre le bien indivis sur autorisation judiciaire, dans le cas complexe d’une indivision constituée depuis au moins dix ans et comprenant un indivisaire décédé depuis au moins deux ans dont la succession a été déclarée vacante, lorsque l’identité ou l’adresse d’un ou de plusieurs des indivisaires n’est pas connue. A titre de garde fou : il est précisé que le demandeur doit justifier de "diligences entreprises en vue d’identifier et de localiser les indivisaires dont l’identité ou l’adresse n’est pas connue". Il est également prévu que la vente ne peut intervenir que "s’il n’est pas porté une atteinte excessive aux intérêts de ces indivisaires". 

Le texte prévoit en outre que la publicité de l’ordonnance du juge qui désigne l’État  (en pratique la DNID) comme curateur dans le cadre d’une succession vacante se fasse sur le site internet de l’administration chargée des domaines.

Insuffler de la souplesse dans les procédures 

D’autres mesures s’appuient sur les régimes appliqués en Alsace-Moselle et outre-mer par la "loi Letchimy", sans toutefois opter pour leur généralisation comme l’envisageait la proposition de loi initiale. Le texte mobilise un outil du droit commun assez méconnu - inscrit à l’article 815-5-1 du code civil -, qui permet à une majorité des deux tiers des indivisaires d’exprimer devant le notaire leur intention d’aliéner un bien indivis. Si les autres indivisaires se taisent ou s’opposent, le tribunal judiciaire peut autoriser l’aliénation. Le texte propose ainsi d’assouplir encore davantage le principe de l’unanimité, en permettant  à "plus de la moitié" des droits indivis d’obtenir l’aliénation. Un dispositif inspiré de ce qui a été prévu outre-mer avec la "loi Letchimy", qui fixe elle aussi un seuil de majorité simple.

Le texte renonce également à étendre le droit alsacien-mosellan sur le partage judiciaire à l’ensemble du territoire. Mais propose plutôt de procéder dans un premier temps à une expérimentation pour une durée de cinq ans. L’expérimentation d’une procédure d’accélération du partage judiciaire, méthode aujourd’hui longue et complexe, sera ouverte "dans des ressorts définis par arrêté du ministre de la Justice", est-il indiqué. 

Concrètement, si l’indivisaire inerte n’a pas constitué un mandataire dans le mois suivant la mise en demeure, il sera présumé consentir à ce que l’on procède au partage et  le partage sera obligatoire pour lui.

Enfin, le gouvernement devra remettre au Parlement deux rapports. L’un faisant le bilan de la loi "Letchimy" de 2018 (dans les six mois). L’autre sur le partage judiciaire par la voie de juridiction gracieuse en Alsace‑Moselle (d’ici un an). 

C’est à présent au tour du Sénat d’examiner la proposition de loi. 

 

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