Indices de valeur ajoutée : un nouvel éclairage sur les collèges et lycées

La Depp, le service statistique du ministère de l'Éducation nationale, a publié les indicateurs de valeur ajoutée des collèges (Ivac) et des lycées (Ival) ce mercredi 20 mars 2024. Ces indicateurs, qui "ne sont ni un classement, ni un palmarès", permettent de "rendre compte des résultats du système éducatif" en proposant "une photographie des actions des établissements". Sans surprise, les taux de réussite au collège sont meilleurs dans le privé que dans les collèges défavorisés. Certains établissements de REP et REP+ parviennent malgré tout à hisser leurs élèves vers le haut. Du côté des lycées, les Ival montrent que la part des lycées professionnels "performants" est plus importante que celle des lycées généraux et technologiques. Un traitement de ces données sous forme de nuage de points permet de situer chaque établissement par académie.

Si l'instauration de groupes de niveau en français et en mathématiques au collège a focalisé les débats autour de l'école ces dernières semaines (notre article du 18 mars 2024), la publication de nouveaux indicateurs de valeur ajoutée des collèges (Ivac) et des lycées (Ival), ce mercredi 20 mars 2024, par le ministère de l'Éducation nationale, vient apporter un autre éclairage aux enjeux liés aux "niveaux" scolaires.

Les résultats d’un établissement sont une réalité complexe. "Si un établissement présente un taux élevé pour un indicateur, c'est peut-être dû au fait qu'il a reçu de bons élèves, dotés de bonnes méthodes de travail, qui ont pu obtenir le baccalauréat ou le brevet sans effort particulier de sa part ou qu'il a su développer chez des élèves, peut-être moins bien dotés au départ, les connaissances et les capacités qui ont permis leur succès", a ainsi souligné Magda Tomasini, directrice de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), lors d'une présentation aux journalistes de ces nouveaux indicateurs statistiques tout aussi "complexes". Mais pour faire simple, l'on retiendra que la question est de "savoir ce qu'un établissement a 'ajouté' au niveau initial de ses élèves".

En cela, les Ivac et les Ival vont permettre "un diagnostic qui va au-delà de celui qui peut être fait à partir des seuls taux de réussite bruts à l’examen, baccalauréat et diplôme national du brevet (DNB)", explique Magda Tomasini. Cette "valeur ajoutée" mesure "la différence entre les résultats obtenus et les résultats qui étaient attendus compte tenu des caractéristiques scolaires et sociodémographiques des élèves". Autrement dit, l'approche en valeur ajoutée permet de supprimer le "biais social" que le taux de réussite brut ne permet pas de corriger. Ainsi, un établissement à l’indice de position sociale (IPS) bas – l'IPS est un autre indicateur utilisé par le ministère de l'Éducation nationale, rendu public fin 2022 pour les collèges et début 2023 pour les lycées ( nos articles du 21 octobre 2022 et du 12 janvier 2023) -  peut avoir une valeur ajoutée forte, tout comme un établissement avec un IPS élevé peut se situer en deçà des attentes en termes de réussite.

En aucun cas un classement ou un palmarès

Pour permettre de se faire une idée de "l'apport" de chaque collège et chaque lycée, le calcul statistique "s'efforce d'éliminer l'incidence des facteurs de réussite scolaire extérieurs à l’établissement pour essayer de conserver ce qui est dû à son action propre", ajoute encore la Depp dans son dossier de presse du 19 mars. L'analyse combine donc des facteurs individuels des élèves (âge et sexe, niveau scolaire à l'entrée au collège ou au lycée, origine sociale) et des facteurs liés à la structure de l’établissement (pourcentage de filles, part d'élèves en retard scolaire, origine sociale des élèves, note moyenne obtenue au DNB pour les Ival et score moyen aux évaluations exhaustives de sixième pour les Ivac). 

"On tient compte, par exemple, du fait que les collèges et les lycées ayant la plus forte proportion d’enfants de cadres supérieurs ou d'enseignants ont un impact positif sur les enfants d’ouvriers ou d’inactifs qu’ils scolarisent en moindre proportion", illustre encore le ministère de l'Éducation nationale sur sa page de présentation. "Il ne s'agit en aucun cas d'établir un classement ou un palmarès des établissements", met en garde Magda Tomasini. Toutefois, les données publiées par la Depp permettent de mettre en évidence quelques grandes tendances.

Certains collèges défavorisés parviennent malgré tout à faire progresser leurs élèves 

Concernant les collèges, la Depp a calculé des indicateurs de résultats pour 6.652 collèges publics et collèges privés sous contrat qui préparent au diplôme national du brevet (DNB). La Depp choisit de présenter quatre indicateurs qui proposent des approches différentes et complémentaires des résultats des collèges. En plus du taux de réussite et de la note à l’écrit du brevet, elle mentionne la part d'élèves de 3e présents au DNB et établit des "taux d’accès" pour chaque collège (ces taux indiquent la part d'élèves que les établissements accompagnent de la 6e à la 3e, quel que soit le nombre d'années nécessaires).

Sans surprise, le taux de réussite au brevet est meilleur dans les collèges privés sous contrat que dans les collèges défavorisés : 
- 99% dans les établissements privés sous contrat ;
- à 91% dans les établissements publics hors éducation prioritaire ;
- à 84% en réseau d’éducation prioritaire (REP) ;
- et à 81% en réseau d’éducation prioritaire renforcée (REP+).

La note médiane aux épreuves écrites du DNB est également bien meilleure dans les établissements privés sous contrat que dans les établissements d'éducation prioritaire : 
- 12,8 pour établissements privés sous contrat ;
- 11,4 pour les établissements publics hors éducation prioritaire ;
- 9,8 pour les REP ;
- 8,9 pour les établissements en REP+. 

Il faut toutefois noter de nombreux collèges défavorisés parviennent malgré tout à faire progresser leurs élèves (lire encadré ci-dessous). On peut citer à titre d'illustration les collèges Edgard-Quinet et Henri-Barnier dans l'académie de Marseille, le collège Les Garrigues dans l'académie de Montpellier, le collège Robespierre dans l'académie de Rouen ou bien encore le collège Elsa-Triolet dans l'académie de Lyon. 

La moitié des lycées généraux et technologiques "neutres" 

De même, la Depp a calculé des indicateurs de résultats pour 4.340 lycées publics et lycées privés sous contrat (2.331 lycées d'enseignement général et technologique et 2.009 lycées professionnels) qui préparent au baccalauréat. Pour offrir "une analyse plus riche, plus complète, et plus intéressante des actions des lycées", la Depp propose de regrouper les lycées en cinq familles, et sur deux des trois critères : la valeur ajoutée du taux d'accès au bac en partant de la classe de seconde, et la valeur ajoutée du taux de réussite au bac. La Depp distingue toutefois le lycée général et technologique (GT) du lycée professionnel. Dans sa typologie, la Depp identifie donc :
- les lycées "neutres" qui ne se démarquent pas particulièrement ;
- les "performants" qui dépassent les attentes dans les deux critères ;
- Les "sélectifs" qui dépassent les attentes en termes de réussite, mais "perdent" des élèves en cours de route ;
- ceux qui sont "en-deçà des attentes" dans les deux critères ;
- les "accompagnateurs" qui peuvent être en dessous en termes de réussite au baccalauréat, mais qui amènent une plus grande part d’élèves jusqu’au bac que celle que l'ont pouvait attendre.

Premier constat, au niveau national, l'analyse des Ival fait ainsi apparaître que la part de lycées professionnels "performants" est plus importante que pour les lycées GT. 
Par ailleurs, sur les 2.316 lycées généraux et technologiques :
- 46,7% sont "neutres" (1.081 lycées) ; 
- 16,2% sont "en deçà des attentes" (375 lycées) ; 
- 16% sont "sélectifs" (370 lycées) ;
- 15% sont "performants" (348 lycées) ;
- 6,1% sont "accompagnateurs" (142 lycées).

Si l’on se place au niveau de chaque académie, celles qui comptent la part la plus importante de lycées GT "performants" sont les académies de  : 
- Guadeloupe (76,2% de lycées performants) ;
- Martinique (63,2%) ;
- Guyane (46,2%) ;
- Corse (36,4%) ;
- Créteil (35,5%).

À l’inverse, les cinq académies qui comptent la part la plus importante de lycées GT "en deçà des attentes" sont les académies de : 
- Amiens (35% de lycées "en deçà des attentes") ;
- Reims (34%) ;
- Clermont-Ferrand (33,3%) ;
- Bordeaux (26,6%) ;
- Normandie (26,6%).

  • Visualisation des fortes disparités sous forme de nuage de points

Localtis a traité les données de la Depp afin de vous proposer de visualiser une représentation des données Ivac et Ival sous forme de nuage de points, qui vous permet une approche nuancée des disparités par établissement et par académie.

Cette représentation des Ival (lycées), montre les écarts au taux de mention et au taux de réussite au bac par lycée, par académie en distinguant les secteurs publics (PU) et privés (PR). Elle permet de voir les établissements en progression (mieux qu'attendu) dans le quart nord-est du graphique et ceux qui sous-performent dans le quart sud-ouest. Si globalement, les établissements privés font mieux que les établissements publics, il ne faut pas oublier que les premiers ont la possibilité d'écarter certains élèves en cours de cycle. Les établissements autour du zéro montrent qu'ils se "maintiennent" avec des performances correspondant aux attentes.
Suivant ce principe, cette représentation des Ivac (collèges) sur les 1.094 collèges des zones prioritaires est à lire de la façon suivante : dans le coin en haut à droite, les collèges qui "font mieux qu'attendu" sur les notes et sur le taux de réussite à l'examen de fin de cycle et dans le coin en bas à gauche, ceux qui sous-performent sur les mêmes indicateurs. Elle montre qu'il est difficile d'établir des constantes avec des performances très variables d'une académie à l'autre. Il n'y a par exemple pas de lien évident entre la performance de l'établissement et sa situation en zone quartiers politique de la ville (QPV). Dans certaines académies comme Marseille par exemple, les collèges QPV font mieux qu'attendu. 

Olivier Devillers pour Localtis