Mixité sociale au collège : l'indispensable couple État-département
Les actes d'un colloque organisé par le Cnesco mettent en avant l'importance du lien entre l'Éducation nationale et les conseils départementaux pour faire évoluer la mixité sociale dans les collèges. Exemples et contre-exemples à l'appui… qui pourraient inspirer les futures instances de dialogue et de pilotage.
Au moment où le ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye annonçait des mesures en faveur de la mixité sociale dans l'enseignement public (lire notre article du 12 mai), le Centre national d'étude des systèmes scolaires (Cnesco) publie les actes des Rencontres nationales de la mixité sociale à l'école qu'il a organisées à Toulouse en 2022 et rappelle le lien durable qui doit unir l'État et les collectivités territoriales en la matière. Des exemples de réussite, à Toulouse et à Nîmes, et d'échecs, à Nantes et Rennes, illustrent la démonstration.
En 2015, le nouvel exécutif du conseil départemental de Haute-Garonne s'engage en faveur de la mixité sociale dans les collèges de Toulouse. Son plan prévoit la fermeture progressive de deux collèges enclavés et ségrégués et la resectorisation des dix écoles concernées dans onze collèges favorisés du centre-ville ou de la périphérie proche. "Cinq années plus tard on constate que cette sectorisation a été efficace et acceptée par les familles avec une nette amélioration de la répartition des élèves dans les collèges publics", constatent les actes des rencontres.
À Nîmes, la vice-présidente du conseil départemental chargée de l'éducation a proposé à ses partenaires (Éducation nationale et ville de Nîmes) la fermeture d'un collège et une resectorisation d'un ensemble de sept collèges de la ville. Les résultats sur la mixité sociale ont été "très nets dans trois des huit collèges", et "plus mitigés" dans d'autres collèges qui font l'objet d'un "évitement important" malgré, pour l'un d'entre eux, l'ouverture de sections linguistiques et d'options particulières.
"Au-delà des relations interpersonnelles"
Premier point commun de ces résultats globalement positifs ? À Toulouse comme à Nîmes, la démarche est partie "d'une volonté forte des élus départementaux […] qui a pu trouver un écho favorable chez les responsables académiques", estiment les actes des rencontres, pour en conclure que le "binôme conseil départemental-rectorat est le noyau initial qui est à la base de la gouvernance". Mais cela ne suffit pas. Une autre condition de la réussite est d'inscrire l'action dans la durée, au-delà des mandats, autrement dit, "au-delà de la confiance liée à des relations interpersonnelles".
C'est ici qu'entre en jeu une notion essentielle : le conventionnement. "À Toulouse, précisent les actes des rencontres, malgré la proposition faite très tôt à la DSDEN (Direction académique des services départementaux de l'Éducation nationale) et au rectorat, cette convention de partenariat n'a pas été signée ce qui n'a pas été sans poser de problèmes, avec la succession en sept ans de quatre recteurs et trois Dasen". Une situation qui a obligé, à chaque fois, à reprendre les discussions pour confirmer les engagements antérieurs.
"Comitologie ad hoc"
Au-delà du conventionnement, un autre élément est indispensable : le suivi, ce que les actes nomment une "comitologie ad hoc". Toulouse a ainsi créé, sur le modèle du CDEN (Conseil départemental de l'Éducation nationale) un premier comité associant les services de la collectivité et de l'État et les représentants des organisations syndicales, des parents d'élèves, de la ville, de la métropole et de la région. Un second comité dédié au suivi de l'accompagnement associatif a permis d'impliquer la CAF. "Les CDEN devraient être mieux utilisés car ce sont une des rares instances dans lesquelles on retrouve tous les acteurs éducatifs au niveau départemental et coprésidés par le préfet et le président du conseil départemental", pointent les actes.
Au chapitre des partenariats, on remarque qu'à Toulouse, "la prise en compte formelle de l'objectif de mixité dans le contrat de ville dès 2014 a facilité l'implication des services de la métropole dans la démarche". De la même manière, à Nîmes "l'alliance qui a pu se nouer avec la ville, au-delà des divergences partisanes, a également été un facteur essentiel pour la réussite de la mise en place de la resectorisation en 2018".
"Soutien insuffisant de l'Éducation nationale"
Ces exemples de réussite sont contrebalancés par des contre-exemples dont les échecs mettent en lumière l'absence de conventionnement et, plus généralement, de partenariats entre acteurs territoriaux de l'éducation.
À Nantes, le conseil départemental de Loire-Atlantique avait prévu de mettre en place une politique en faveur de la mixité sociale en s'appuyant sur divers leviers : reconstruction et relocalisation de trois collèges, fusion ou rapprochement de collèges aux recrutements d'élèves tantôt favorisés, tantôt défavorisés. "Mais la difficulté d'établir un partenariat suffisamment solide pour résoudre les problèmes fonciers posés par certaines de ces relocalisations, et le soutien insuffisant de l'Éducation nationale n'ont pas permis d'engager ce programme d'action", tranchent les actes.
À Rennes, un projet visait à mettre en place un secteur multicollèges englobant un collège défavorisé et deux autres beaucoup plus favorisés de centre-ville. Mais "le déplacement des élèves s'est fait vers les collèges favorisés aggravant la situation" du collège défavorisé. Un résultat qui résulterait d'un manque d'accompagnement suffisant par l'Éducation nationale.
Impulsion nationale, conventions territoriales
En conclusion, si les participants demandent de formaliser le pilotage et l'impulsion des politiques en faveur de la mixité sociale à l'école au niveau national, ils préconisent surtout des "signatures systématiques de conventions cadres pluripartites : collectivités territoriales, Éducation nationale, préfecture visant à mettre en œuvre des programmes départementaux d'amélioration de la mixité sociale dans les établissements scolaires".
Idéalement, ce conventionnement devrait se faire en deux temps : un premier accord-cadre fixant les grandes orientations, une seconde convention, plus opérationnelle et pluriannuelle, garantissant les engagements de chaque partie qui ne devraient pas pouvoir être remis en cause à chaque rentrée.
Les instances de dialogue et de pilotage de la mixité sociale et scolaire qui vont être mises en place avant l'été dans chaque académie, et auxquelles prendront part les rectorats, les collectivités, les parents d'élèves et les représentants des établissements, pourraient s'inspirer de cette proposition pour fixer leur cap…