"Choc des savoirs" : textes publiés, questions en suspens
Plusieurs textes réglementaires viennent donner un contenu au "choc des savoirs" annoncé par Gabriel Attal en décembre 2023. Les mesures, qui portent sur les groupes de niveau, le redoublement, l'accompagnement des élèves en difficulté hors temps scolaire ou encore la classe prépa pour entrer en seconde, sont déjà contestées par les syndicats d'enseignants qui estiment, entre autres, que des questions d'organisation se posent.
Après trois mois de turbulences qui ont vu se succéder pas moins de trois ministres de l'Éducation nationale, le fameux "choc des savoirs", annoncé par Gabriel Attal alors qu'il était en poste rue de Grenelle, a trouvé une première concrétisation par la publication au Journal officiel du 17 mars d'une batterie de textes touchant, pêle-mêle, aux groupes de niveau, aux classes préparatoires pour l'entrée en seconde et au redoublement.
Le sujet qui a fait couler le plus d'encre depuis décembre 2023 est incontestablement celui des groupes de niveau au collège pour le français et les mathématiques. Il n'est pas certain que l'arrêté du 15 mars 2024 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège réponde à toutes les interrogations.
Groupes "en fonction des besoins"
L'article 4-1 de l'arrêté pose d'abord le principe général de la séparation des élèves en différents groupes : "Les enseignements communs de français et de mathématiques, sur tout l'horaire, sont organisés en groupes pour l'ensemble des classes et des niveaux du collège." Il précise ensuite que ces "groupes sont constitués en fonction des besoins des élèves". Alors que Gabriel Attal avait annoncé la création de trois groupes de niveau par classe, l'arrêté n'en précise pas le nombre. Pas plus qu'il ne limite le nombre d'élèves par groupe.
Une note de service du 15 mars précise néanmoins que si "le nombre d'élèves par groupe est laissé à l'appréciation de l'établissement […] les groupes qui comportent un nombre important d'élèves en difficulté sont en effectifs réduits, le nombre d'une quinzaine d'élèves pouvant, à cet égard, constituer un objectif pertinent". Cette note nous apprend également que les groupes seront "communs à plusieurs classes" et qu'"il n'est pas attendu nécessairement de créer plus de groupes que de divisions si les effectifs le permettent". Par ailleurs, les heures de français et de mathématiques seront alignées dans l'emploi du temps de manière commune à plusieurs classes.
Toutefois, si ces groupes de niveau seront la règle, les élèves d'une même classe pourront être regroupés en français et mathématiques une ou plusieurs fois dans l'année et pour un total d'une à dix semaines. Ces regroupements donneront l'occasion aux professeurs de réexaminer la composition des groupes afin de tenir compte de la progression et des besoins des élèves. Les groupes de niveau entreront en vigueur à la rentrée scolaire 2024 pour les classes de sixième et de cinquième, et à la rentrée 2025 pour les classes de quatrième et de troisième.
Redoublements facilités
Autre annonce de décembre 2023 : la facilitation du redoublement. Alors que le redoublement était, pour les élèves de l'école élémentaire, une mesure exceptionnelle nécessitant l'avis d'un inspecteur de l'Éducation nationale, le décret du 16 mars 2024 relatif à l'accompagnement pédagogique des élèves et au redoublement prévoit qu'il pourra désormais être décidé par le seul conseil des maîtres. Autre nouveauté introduite par le décret : à titre exceptionnel, un second redoublement pourra être prononcé pour un élève d'école élémentaire, cette fois après avis de l'inspecteur de l'Éducation nationale. Ce décret est applicable dès l'année scolaire en cours.
Le redoublement interviendra notamment dans le cas où les dispositifs d'accompagnement des élèves en difficulté n'auraient pas été profitables. À propos de ces dispositifs, le décret prévoit que le programme personnalisé de réussite éducative ne sera plus conduit pour "l'essentiel" au sein de la classe, mais "le cas échéant" hors du temps scolaire, y compris lors des vacances scolaires par le biais de "stages de réussite" dont la durée pourra aller jusqu'à trois semaines par an.
En matière de redoublement, on note encore une inflexion dans le second degré. Alors que cette procédure devait jusqu'à maintenant être "exceptionnelle", ce caractère d'exception disparaît dans le nouveau texte.
Au moins une classe "prépa seconde" dans chaque département
Troisième sujet : l'entrée au lycée, pour lequel Gabriel Attal avait annoncé que le diplôme national du brevet (DNB) constituerait "un véritable examen". Ici, un décret du 16 mars met en place, pour l'année scolaire 2024-2025, une "phase pilote" instaurant un cycle préparatoire à la classe de seconde. En d'autres termes, les élèves n'ayant pas obtenu le DNB après avoir été admis en classe de seconde seront dirigés, s'ils le souhaitent, vers une classe préparatoire à la classe de seconde, à l'issue de laquelle ils pourront, soit poursuivre l'année suivante dans la formation et l'établissement dans lesquels ils avaient initialement été admis, soit demander un changement d'orientation.
Pour la phase pilote portant sur l'année scolaire 2024-2025, le recteur d'académie désignera dans chaque département un ou plusieurs lycées d'accueil de classe préparatoire à la classe de seconde. Pour les lycées agricoles, un ou plusieurs établissements par région seront identifiés.
Les syndicats vent debout
Les syndicats de l'éducation ont unanimement réagi en rejetant l'ensemble des mesures. Le Snes-FSU parle d'annonces "inacceptables et inapplicables" et se demande "comment organiser des retrouvailles d'élèves en classe entière s'il y a des groupes surnuméraires ?" ou encore "quel enseignement dispenser face à des élèves qui auront vu des méthodes et des éléments du programme différents selon leur groupe ?" SUD éducation dénonce de son côté un "passage en force" alors que "les personnels se sont massivement mobilisés pour exprimer leur refus de la réforme Choc des savoirs", et estime que les groupes de niveau vont "fragiliser les élèves en cassant les groupes-classes et […] dégrader les conditions de travail des personnels". Enfin, FSU, Unsa, FO, Sgen-CFDT, CGT Educ’Action et Sud s'opposent collectivement à ce plan, avançant que l'expérimentation de la classe préparatoire à la seconde "remet en cause le droit égal d'accès à la poursuite d'étude pour tous les élèves".