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Culture - Incertitudes sur l'avenir du mécénat d'entreprise

Alors que le mécénat culturel redressait la tête après avoir subi un véritable effondrement entre 2008 et 2010 - en passant de 975 à 380 millions d'euros -, une nouvelle menace semble peser sur ce qui est devenu un complément financier indispensable pour nombre de manifestations ou institutions culturelles, nationales ou locales. Le ministère du Budget envisage en effet très sérieusement de remettre en cause la déduction fiscale sur l'impôt sur les sociétés dont bénéficient les entreprises qui investissent dans le mécénat, culturel ou autre. L'abattement consenti serait ainsi ramené de 60% à 30% du montant du don. Si la mesure n'est pas encore arrêtée, Bercy a cependant confirmé qu'elle figurait bien au rang des dispositions envisagées pour atteindre l'objectif de réduction du déficit budgétaire.
Ce projet n'a pas manqué de faire réagir les acteurs concernés. L'Admical - Carrefour du mécénat d'entreprise - estime ainsi qu'"une baisse des réductions fiscales liées au mécénat entraînerait mécaniquement une chute des dons, et serait catastrophique pour les bénéficiaires". L'association est cependant ouverte à des évolutions et estime que "le mécénat devra faire l'objet d'une régulation et d'un cadrage, afin d'éviter des dérives qui ne privilégient plus l'intérêt général". Elle souligne au passage qu'elle a publié l'an dernier une "Charte du mécénat d'entreprise".
Une pétition a également été mise en ligne pour "sauver le mécénat". Celle-ci rappelle que les actions de mécénat "ne remplacent pas les politiques publiques, mais les complètent et les amplifient grâce à des solutions de terrain, adaptées à des situations particulières, pour un coût moindre".
Mais la réaction la plus vive vient d'Aurélie Filippetti. Dans une interview au quotidien Libération - qui avait révélé la mesure en préparation -, la ministre de la Culture affirme vouloir "défendre le maintien du mécanisme fiscal de soutien au mécénat des entreprises" et dit "ne pas voir comment l'Etat pourrait se priver de cet apport", la remarque valant d'ailleurs aussi pour les collectivités territoriales. La ministre se dit au contraire "pour l'amélioration du mécanisme, en en faisant davantage bénéficier les PME. Ainsi, il pourra irriguer davantage le territoire plutôt que de se concentrer sur de grosses opérations". Elle rappelle au passage qu'"aucun arbitrage n'a encore été rendu". Elle se dit ouverte à un projet de charte déontologique, sur lequel les services du ministère travaillent déjà. Comme l'Admical, Aurélie Filippetti considère qu'"une refonte du mécénat peut être discutée dans les mois qui viennent, cela va au-delà de l'urgence du débat sur la loi de finances rectificative".
Il reste que la pression mise sur la recherche d'économies budgétaires pour ramener le déficit budgétaire en deçà des 3% du PIB va peser lourd dans les arbitrages du Premier ministre. Bien avant l'éventuelle réforme de la loi Hadopi, la question du mécénat pourrait ainsi être le premier vrai test du nouveau gouvernement dans le domaine culturel.