"Il y a une nécessité absolue à déployer l'éolien en France", défend Barbara Pompili
Barbara Pompili a répondu point par point ce 28 mai aux arguments des détracteurs de cette énergie renouvelable, qu'elle juge indispensable pour "répondre à l'urgence climatique". Dans une instruction publiée le même jour, la ministre de la Transition écologique donne six mois aux préfets de région pour cartographier les "zones favorables" à l'installation de parcs éoliens. Le texte insiste aussi sur l'importance de la concertation avec les habitants et les élus.
Face à la multiplication des recours contre l'éolien et à l'activisme de ses opposants, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a voulu "mettre les points sur les i" ce 28 mai au cours d'une conférence de presse. "Installez une éolienne, vous protégez la planète, c'est aussi simple que cela, a-t-elle lancé. Ce n'est pas une déclaration politique, une idéologie, une lubie, c'est un fait scientifique étayé par l'expérience." "Il y a une nécessité absolue à déployer l'éolien en France face à l'urgence climatique", a-t-elle souligné, s'en prenant aux "campagnes de désinformation sur l'éolien".
Face aux enjeux nationaux en matière d'énergie (décarbonation, rééquilibrage du mix énergétique, rationalisation de la consommation d'énergie), Barbara Pompili a vanté les atouts de l'éolien, "une source d'énergie renouvelable inépuisable pour nous qui disposons du deuxième gisement d'Europe en termes de potentiels de vents" avant de démonter les arguments de ses détracteurs – le ministère vient ainsi de publier un "vrai/faux de l'éolien terrestre".
Recyclage : "une obligation réglementaire"
L'éolien ne serait pas une énergie décarbonée ? Faux, répond-elle. "Sur tout son cycle de vie, les émissions de CO2 de l'énergie éolienne sont extrêmement faibles, inférieures à 20g CO2/kWh, à comparer avec les émissions du mix électrique français qui varient de 40 à 90g CO2/kWh." Les éoliennes ne seraient pas recyclables ? Encore faux, poursuit-elle. "Recycler les éoliennes est aujourd'hui une obligation réglementaire : 90% de la masse des éoliennes doivent être démantelés, fondations incluses, puis recyclés et réutilisés. Et ces exigences sont croissantes : ce sera 95% au moins en 2024". Barbara Pompili a cité l'exemple, cette semaine, du démantèlement dans les Pyrénées-Orientales des huit plus anciennes éoliennes de France, remplacées par six éoliennes plus puissantes qui vont alimenter 11.000 habitants contre 6.000 auparavant : "95% de la masse des anciennes éoliennes ira dans des filières de recyclage très communes : le béton des fondations sera concassé et réutilisé dans des matériaux de construction pour le terrassement et du nouveau ciment, par exemple. L'acier des mâts sera refondu pour faire des nouvelles pièces. La nacelle va être réutilisée pour du retrofit." "Bien peu d'infrastructures font l'objet d'un tel recyclage", a-t-elle vanté.
"Flexibilités suffisantes" du système électrique
Le "contre-argument" selon lequel l'énergie éolienne, qui est intermittente, exigerait un recours accru aux énergies fossiles, a lui aussi été réfuté par la ministre : "Bien sûr, l'énergie éolienne est intermittente mais d'abord notre système électrique dispose largement des flexibilités suffisantes pour accueillir une part de renouvelable bien supérieure à celle d'aujourd'hui, sans aucune conséquence sur notre approvisionnement en électricité et d'ailleurs, la crise sanitaire l'a montré : le 29 mars 2020, la part des énergies renouvelables dans le système électrique était en moyenne de 35% avec des pics à 46% sans aucune conséquence défavorable. D'autre part, pour le plus long terme, nous développons et favorisons le développement de solutions de flexibilité nouvelles telles que le stockage, les réseaux intelligents et l'effacement, entre autres exemples. À aucun moment, l'intermittence n'implique un recours accru aux énergies fossiles (…). Si nous avons dû faire appel très ponctuellement aux centrales à charbon cet hiver, c'est parce que le parc nucléaire était moins disponible."
À l'argument selon lequel l'éolien serait excessivement cher et pas rentable, Barbara Pompili a souligné que le coût de production d'1 MW/h éolien était "en baisse constante" : il coûte aujourd'hui "environ 60 euros pour le terrestre, ce qui est voisin du prix de marché de l'électricité en ce mois de mai 2021, voire même inférieur".
Pas d'implantation "anarchique"
Enfin aux accusations d'implantation "anarchique" des éoliennes, la ministre s'inscrit là encore en faux : "Les projets font tous l'objet d'une étude d'impact pour être autorisés, dont une étude d'impact paysager qui répond à trois objectifs : préserver le paysage et le patrimoine, faire évoluer le projet dans le sens d'une qualité paysagère et d'une réduction des impacts et informer le public." "J'aimerais qu'on ait les mêmes prescriptions pour les zones commerciales ou les panneaux publicitaires qui défigurent les entrées de ville", a-t-elle ajouté. Quant au nucléaire, il n'est pas sans impact non plus sur le paysage, a-t-elle appuyé. "Cela nécessite des renforcements ou des constructions de lignes à haute tension, de pylônes."
En faveur de l'éolien, la ministre a aussi brandi l'argument de la création d'emplois - 20.000 d'ores et déjà -, "des millions de tonnes de carbone qui ne vont pas réchauffer l'atmosphère" (l'équivalent de 8 millions de véhicules en circulation chaque année). Dans le Grand Est comme dans les Hauts-de-France, l'éolien couvre plus de 20% de la consommation d'électricité, a-t-elle encore souligné. "L'éolien est un moyen économiquement viable et compétitif qui nous permet de répondre à l'urgence climatique (…), a-t-elle martelé. C'est pourquoi nous devons multiplier par deux la capacité éolienne installée d'ici à 2028."
Pour un développement "plus concerté" localement
Mais même si la France compte 5 fois moins d'éoliennes au km2 que l'Allemagne, trois fois moins que le Danemark, "certains projets éoliens suscitent des difficultés d'acceptation locale", voire "un sentiment de saturation de la part des riverains dans certains endroits", a reconnu la ministre. "Je crois à un développement de l'éolien plus concerté pour être plus harmonieux et plus accepté. C'est cela que nous devons faire partout", a-t-ajouté. Pour favoriser l'implication des collectivités et des citoyens, le gouvernement s'est engagé à cofinancer un réseau de conseillers techniques, a-t-elle annoncé. Les premiers conseillers seront en poste "dès la rentrée de septembre".
La ministre a aussi adressé une circulaire aux préfets de région, publiée ce 28 mai sur Légifrance. L'idée est de "réaliser une cartographie précise des zones favorable à l'éolien dans chaque région pour anticiper et rendre les territoires moteurs, pour leur donner les moyens de s'emparer pleinement de la transition énergétique".
"Le travail des préfets se fera en concertation avec les régions, les communes, les intercommunalités, les associations environnementales, les associations de défense du patrimoine et les représentants des développeurs", a indiqué la ministre. "C'est l'ensemble des parties prenantes qui vont s'asseoir autour de la même table pour discuter et déterminer avec des données objectives les zones susceptibles d'accueillir demain les éoliennes en prenant en compte notamment les distances aux habitations, les contraintes radars, la biodiversité, les aspects paysagers, le gisement de vents", a détaillé la ministre. Un premier retour est attendu six mois après les élections régionales pour une finalisation d'ici un an.
"Demain, les objectifs de développement des énergies renouvelables seront définis par régions avec une très large concertation dans et entre chaque région pour tenir compte du chemin parcouru et des spécificités locales et ce travail de cartographie (…) est un outil de plus pour que chaque territoire s'empare de sa transition, pour que nous puissions nous assurer objectivement que les objectifs régionaux permettent d'atteindre les objectifs nationaux et que l'espace disponible à l'éolien soit cohérent avec les objectifs que nous nous sommes fixés." Aujourd'hui, a-t-elle rappelé, à peine 20% du territoire français est accessible à l'éolien. "Entre les contraintes topographiques, les distances d'éloignement des habitations, les contraintes d'aviation civile, de radars météo, de radars militaires... une grande partie du territoire est inaccessible à l'éolien et c'est aussi cela qui alimente le sentiment de saturation que ressentent certains riverains", estime-t-elle.
Cartographie "non-contraignante"
La circulaire souligne que la cartographie sera "non-contraignante, c’est-à-dire qu’elle constituera un outil d’aide à la décision et ne sera pas opposable". Elle ne pourra servir de base pour refuser un projet en dehors d’une zone identifiée comme favorable. De la même manière, le fait qu’un projet soit situé dans une zone favorable ne conduira pas automatiquement à son autorisation. "En tout état de cause, et y compris dans une zone identifiée comme favorable, le porteur de projet devra démontrer dans son dossier que son projet est acceptable en termes d’impacts", souligne-t-elle, et "l’instruction se fera toujours au regard des enjeux locaux tel que prévu dans le code de l’environnement".
Une charte nationale sera aussi prochainement mise en place avec la filière, "afin de promouvoir les bonnes pratiques, notamment en termes de concertation avec les collectivités et les citoyens", indique la circulaire. Il y est rappelé l’importance d’une concertation avec les habitants, les élus et les associations dès les stades amont du projet, afin de tenir compte notamment "des enjeux paysagers et environnementaux dans sa conception". Cette charte viendra compléter l’obligation, introduite par la loi Asap, pour le porteur de projet de transmettre aux maires de la commune et des communes limitrophes le résumé non-technique de l’étude d’impact un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale.
"Les projets d’installations à gouvernance locale et citoyennes, dont les retombées locales sont significativement plus importantes que pour d’autres projets, qui sont un facteur d’acceptabilité d’une part mais surtout d’appropriation locale de la transition énergétique, devront être encouragés", souligne encore la ministre qui dit aussi souhaiter "la mise en place d’un pôle éolien départemental ou régional pour favoriser l’accompagnement des projets par les services de l’État dès leur phase amont, mais aussi identifier les freins et bonnes pratiques sur chaque territoire".