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Éolien : la planification s’invite dans le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat

Répondant aux députés qui font remonter des tensions persistantes dans les territoires du fait d’un développement anarchique de l’éolien, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a indiqué ce 14 janvier que cet enjeu sera débattu lors de la discussion fin mars à l'Assemblée nationale du projet de loi traduisant des propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

Sa prédécesseure au ministère de la Transition écologique, Elisabeth Borne, avait déjà souligné "l’énorme sujet" que constitue le développement anarchique de l’éolien. "C’est vrai que certains projets de parcs éoliens ont été insuffisamment concertés au niveau local, donnant le sentiment à nos concitoyens de pousser comme des champignons, sans qu’ils puissent réellement agir dessus", a reconnu Barbara Pompili lors d’un échange ce 14 janvier en séance publique à l'Assemblée nationale. 

Décidée à briser cette logique, à donner plus de prévisibilité et à renforcer l’acceptabilité des projets, la ministre a répondu aux griefs habituels, parfois aux "idées reçues" sur l’éolien terrestre, tout en rappelant que le dernier conseil de défense écologique du 8 décembre a prévu des mesures pour mieux le répartir sur le territoire. L’enjeu est double. D’abord, limiter les phénomènes de saturation, car le parc français repose pour près de moitié sur deux régions. "J’entends bien ce sentiment d’être dépossédés de ce choix de production électrique mais il faut aussi que chaque territoire prenne sa part et développe l’éolien afin d’atteindre collectivement les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)", insiste la ministre. 

Il s’agit aussi de libérer des espaces d’implantation. Une mission conjointe des ministères de la Transition écologique et des Armées planche actuellement sur les contraintes aéronautiques civiles ou militaires qui rendent inaccessible une partie du territoire français. "Essayons tous de faire mieux, de développer l’éolien pour respecter la feuille de route de la PPE mais aussi parce qu’il contribue à relancer de l’activité dans nos campagnes", motive la ministre. Face aux difficultés à trouver des terrains d’implantation, elle croit au potentiel du "repowering" (remplacement d’éoliennes par des turbines plus puissantes), dont les avantages et inconvénients sont par ailleurs décrits dans le dernier baromètre Observ’ER (voir notre article du 13 janvier). En cas de "modification substantielle" du parc, toute la procédure d’autorisation et d’enquête publique est à revoir. Les règles de l’art restent à préciser : "Avec la filière et suite à une instruction ministérielle diffusée il y a deux ans, nous identifions les retours d’expériences afin de faire en sorte que ce repowering soit un outil mieux utilisé". 

Fermement opposée à tout moratoire sur l’éolien, comme l’ont réclamé certains élus régionaux, Barbara Pompili défend l’idée d’un développement plus harmonieux et d’une montée en puissance de projets citoyens et coopératifs qui favorisent l’acceptabilité sociétale des éoliennes. L’examen dans les prochaines semaines à l’Assemblée nationale du projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, va être l’occasion de "trouver le bon curseur". Le texte comprend des dispositions visant à décliner, dans chaque région et pour chaque énergie renouvelable, éolien compris, les objectifs fixés par la PPE. Une façon d’intégrer dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), qui sont largement perfectibles selon l'association négaWatt (voir notre article du 10 novembre dernier), ces objectifs de la PPE. "Les Sraddet devront contenir des objectifs énergétiques compatibles avec ces objectifs régionaux et ensuite déclinés dans les documents d’urbanisme afin d’être rendus juridiquement opposables", précise la ministre. La réalisation de cartographies des zones propices au développement de l'éolien va aussi être demandée aux préfets de régions : "Elles ne seront pas opposables mais serviront de guide". Un peu dans l’esprit des anciennes zones de développement de l'éolien (ZDE), qui ont disparu ? "En plus souple même si l’exercice remplit les mêmes objectifs. Il ne sera bien fait qu’à condition de tenir compte des spécificités et de l’écosystème du territoire", conclut la ministre.
 

Renforcer le rôle des élus locaux : une PPL au Sénat, une autre à l’Assemblée

Réduits à un rôle purement consultatif dans le processus d'implantation d'éoliennes sur leur territoire, les maires veulent peser dans la prise de décision. Forte de ce constat, c’est donc une nouvelle proposition de loi "visant à renforcer le rôle des élus locaux dans l'implantation d'éoliennes terrestres" - après une précédente PPL déposée en juillet 2019 par le sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur - qui plaide pour une meilleure information des édiles bien en amont (un mois) du dépôt de la demande d'autorisation environnementale. Alors que le débat sur l’acceptabilité sociale des éoliennes revient sur le devant de la scène, cette fois, c’est le sénateur LR de l’Oise (Hauts-de-France), Edouard Courtial qui est monté au créneau en proposant d’attribuer au conseil municipal un véritable "droit de véto" sur cette implantation. Une disposition très proche, sous-tendue par la même logique délibérative, figurait d’ailleurs dans la PPL défendue en vain par son homologue, le député Julien Aubert, le mois dernier, dans le cadre de la niche réservée au groupe LR. Des textes animés par la même conviction : réconcilier les Français avec les projets de développement de l’éolien passe nécessairement par la coconstruction territoriale.
Les socialistes se sont donc eux aussi emparés du sujet à travers une PPL "sur le développement harmonieux de l’éolien", déposée ce 5 janvier sur le bureau de l’Assemblée nationale, par plusieurs de leurs membres, dans l’objectif d’améliorer la planification territoriale du développement éolien à la maille des régions. Pour la ministre Barbara Pompili, cette dernière PPL apporte des éléments intéressants, notamment la création de zones d’implantation potentielle (ZIP) de l’éolien élaborées par les EPCI. Mais gare à la dispersion : "Il faudra se coordonner et viser l'efficacité car nous proposons finalement un peu la même chose dans le projet de loi issu des mesures de la Convention citoyenne pour le climat, à savoir une cartographie des zones propices au développement de l'éolien assurée par les préfets de régions".
Philie Marcangelo-Leos / MCM Presse pour Localtis