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La nostalgie des zones de développement éolien s'empare des sénateurs

"Longtemps passionné, le débat est devenu ces derniers mois conflictuel." Benoît Huré, sénateur LR des Ardennes, résume bien l'ambiance qui a dominé ce 15 mai lors d'une table ronde en commission au Sénat sur les enjeux territoriaux et environnementaux du développement éolien. 

Qu'elle soit bonne ou mauvaise, souffler le chaud et le froid devient une habitude dans le domaine de l'énergie éolienne. "Les avis deviennent très tranchés dans ce domaine, si bien qu'il est difficile de se forger une opinion. Les citoyens sont un peu perdus sur ce sujet", a fait écho le sénateur centriste de l'Eure Hervé Maurey, lors d'une table ronde organisée le 15 mai par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable qu'il préside.

Là où les signaux envoyés sont les moins contradictoires, c'est sur la part prise par cette énergie dans la transition énergétique et dans l'effort de rééquilibrage du mix électrique : "Clairement, l'éolien contribue à décarboner la production d'énergie", a néanmoins pris la peine de rappeler Rémi Chabrillat, directeur productions et énergies durables à l'Ademe, devant certains sénateurs sceptiques ou arguant qu'il s'agit toujours d'une énergie intermittente alors que sa production, complète l'expert, "est équilibrée sur le plan national par RTE et prévisible à l'heure près". 

Le vrai sujet reste l'acceptabilité locale et, pour l'améliorer, l'appropriation, l'implication citoyenne dans les projets. "Or une certaine frilosité persiste sur le sujet chez les opérateurs", pointe un sénateur. Sur l'enjeu paysager du développement de l'énergie éolienne, qui fait toujours l'objet de vifs échanges, le ministère de la Transition écologique et solidaire et l'Ademe travaillent avec une chaire dédiée de l'Ecole nationale supérieure de paysage.

Autre actualité, en Charente-Maritime, le conseil départemental vient de décider d’en découdre avec tout nouveau projet d’installations en faisant voter fin mars un moratoire demandant au préfet de surseoir à toute nouvelle implantation d’éolienne non désirée. "Nous ne sommes pas contre l'éolien mais arrivons à une saturation sur notre territoire, avec même des projets sur des sites classés et des avis d'élus peu pris en compte car tout a été assoupli et passe par le préfet", explique Lionel Quillet, premier vice-président de ce département. Selon cet élu en charge des questions relatives à l'éolien, dans les grandes collectivités, la concertation, la planification fonctionnent mais dans les petites et plus rurales, les maires sont courtisés par des commerciaux de la filière très convaincants et céderaient face à la manne fiscale. "Nous ne demandons qu'une chose, que les élus puissent reprendre leur rôle dans ce paysage devenu anarchique. Et que le législateur les aide en redéfinissant un cadre plus contraignant qu'il ne l'est actuellement", ajoute-il.

Rémy Pointereau, sénateur LR du Cher", déplore également une "course à l'échalote" : "Le climat actuel n'est pas raisonnable, pour compenser la baisse des dotations chaque élu veut son parc éolien. Sachons raison garder, peser le pour et le contre et repartir sur de bonnes bases pour éviter le mitage des projets." Choqué d'entendre dire que des élus locaux sont la proie de brillants commerciaux et cèdent face à leurs arguments économiques, le sénateur écologiste Ronan Dantec de la Loire-Atlantique, a appelé à "faire confiance aux élus locaux et à surtout mieux impliquer les habitants dans ces projets car ils sont demandeurs".

Beaucoup en viennent finalement à regretter les zones de développement éolien (ZDE). Cet outil, opérationnel dès 2007, permettait aux collectivités locales de réfléchir, de planifier le développement éolien sur leur territoire de façon indépendante. Selon Amorce, il facilitait "l'appropriation du projet par les collectivités locales et la concertation à mener en disposant de marges de négociation avec les porteurs de projet". Supprimé en 2013 car il faisait doublon avec les schémas régionaux éoliens (SRE), il est désormais regretté pour ses qualités : "J'avoue, j'aimais bien son principe et ce qu'il apportait localement", conclut un brin nostalgique Rémi Chabrillat de l'Ademe.