Énergies renouvelables, tarification incitative : l'Ademe détricote le fil rouge de l'acceptabilité sociale
Une série d'ateliers organisés le 10 avril à Paris par l'Ademe ont mis en exergue l'importance de l'acceptabilité sociale dans la production d'énergies renouvelables et dans la réduction des quantités de déchets par le biais de la tarification dite incitative.
Pour accélérer la transition énergétique, le président de l'Ademe, Arnaud Leroy, prône une stratégie "des petits pas" et d'expérimentations. L'établissement public aux 950 équivalents temps plein qu'il pilote depuis un an, il le dénommerait bien "agence de la transition" : "Nous renforçons notre travail avec les régions et métropoles au poids croissant. Prenons le pouls au niveau local des transitions en cours et lançons un baromètre élargissant l'approche des enquêtes habituellement centrées sur la qualité de l'air, les énergies renouvelables et les économies d'énergie. Nous poussons des sujets, les documentons, conseillons les élus, construisons du consensus, par exemple sur l'hydrogène qu'on aimerait voir défendu au niveau européen ou le bioGNV qui intéresse les collectivités pour décarboner leurs mobilités", a illustré le 10 avril Arnaud Leroy, lors d'une matinée d'ateliers axés sur six chantiers de l'agence.
Acceptabilité des éoliennes : du bruit à leur fin de vie
Parmi eux, l'éolien continue de s'attirer des foudres et critiques que ses experts s'évertuent à déminer en donnant des chiffres et en renouvelant leur pédagogie. "Nous informons, communiquons différemment, mobilisons d'autres acteurs, c'est relativement nouveau pour nous", souligne Arnaud Leroy. Face à la grogne des anti-éoliens et l'augmentation des recours déposés en justice par les opposants contre tout nouveau projet de ferme, l'agence recense les idées reçues, traque les "fake news", sort son correcteur. Cette filière génère 18.000 emplois en France. "Sur les 6.000 à 7.000 éoliennes du parc actuel, moins d'une centaine ont plus de vingt ans. On a du temps devant nous pour travailler l'enjeu, qui nous est depuis peu opposé, de leur démantèlement et de leur recyclabilité. Avec l'arrivée des volumes à traiter dès 2025, une filière se structurera", assure le directeur adjoint des productions et énergies durables de l’Ademe, David Marchal. La majeure partie d'une éolienne, ce monstre d'acier, se recycle voire se réutilise, seules les pales en matériaux composites empruntent la voie de la valorisation énergétique en cimenterie. L'obligation de démantèlement est prévue dans le contrat passé avec le développeur. "La fin de vie des éoliennes est un sujet que nous suivons de près. Une étude est en cours sur les stratégies qu'adoptent les développeurs dans le cadre de la sortie du tarif d'achat de leurs parcs", poursuit l'expert.
Concerter le plus en amont possible
L’impact acoustique est un argument moins brandi. L'impact paysager, lui, a la peau dure : "N'oublions pas la nature réversible des éoliennes. Si un jour on découvre une autre énergie propre, on les retire sans problème et sans dégrader le site d'accueil." Les collectivités entamant une démarche paysagère relèveront que l'appel à projets "Plans de paysage" lancé en mars par le ministère (candidature jusqu'à fin mai) s'est teinté d'une dimension énergétique et inclut cet enjeu d'insertion paysagère des éoliennes. Pour favoriser l'acceptabilité d'un projet éolien, outre valoriser les emplois créés et s'appuyer sur le financement participatif - levier reconnu, qui dispose depuis cinq ans d'un encadrement spécifique et a permis de financer par des riverains de nombreux projets à condition qu'ils soient solides financièrement - l'Ademe se range à l'avis selon lequel "plus un projet est concerté en amont par les habitants et les collectivités, plus il sera accepté".
Focus sur deux autres secteurs
"Dans le développement de projets de méthanisation, l'appropriation locale est aussi un facteur déterminant", rebondit Valérie Weber-Haddad, économiste au sein de l’agence. Situation à chaud (gestion de conflit) et à froid (dialogue, communication), postures et maladresses, l'Ademe aide les porteurs de projets, souvent des agriculteurs, dans la médiation amont et pour poser les conditions du dialogue. "Du côté de la prévention et gestion des déchets, la mise en place de la tarification incitative est aussi conditionnée à son acceptation sociale", ajoute Fabrice Boissier, directeur général délégué de l'Ademe. Maturité du service, implication des agents et fort portage politique sont les prérequis nécessaires pour un passage à l'acte qui prend généralement de deux à cinq ans. La nouvelle relation aux usagers qu'entraîne la tarification incitative (TI) est fortement mobilisatrice pour une collectivité. Au Grand Besançon, l'une des rares collectivités urbaines à l'avoir mis en place, avec La Roche-Yon-Agglomération (Vendée) et Grenoble qui l'envisage, une équipe de conseillers du tri a été constituée en partenariat avec des bailleurs sociaux. "Ils interviennent en habitat collectif social et ont accompagné plus de 8.000 logements. Ce versant social de la TI reste un champ à mieux explorer", raconte Blandine Aubert, directrice de l’Ademe Bourgogne-Franche-Comté. Dans cette région, la TI est opérationnelle ou en cours de mise en place dans une moitié de communes, soit 35% de la population régionale. Un score qui fait rougir et contraste avec celui enregistré dans d'autres régions. "Pour que son déploiement soit plus homogène sur l'ensemble du territoire, nous ne désespérons pas, travaillons en réseau et partageons nos bonnes pratiques", conclut Raphaël Guastavi, chef adjoint du service mobilisation et valorisation des déchets à l'Ademe.