Environnement - Hydrocarbures de schiste : les députés poursuivent le débat
Trois jours après l'annonce par le gouvernement de l'abrogation de trois permis exclusifs de recherche de gaz de schiste, les députés ont examiné en séance publique le 6 octobre une proposition de loi défendue par le parti socialiste, Europe Ecologie les Verts et le parti de gauche, visant à interdire "l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels" et intégrant des mesures pour "améliorer la gouvernance du Code minier". Pour Jean-Paul Chanteguet (PS, Indre), rapporteur du texte, la loi du 13 juillet 2011 interdisant le recours à la fracturation hydraulique et demandant aux détenteurs de permis d'exploration d'hydrocarbures de schiste de rendre un rapport à ce sujet, n'a pas "répondu à l'inquiétude" des Français. "Cette loi n'est pas applicable (...). Interdire seulement le recours à la fracturation hydraulique, c'est offrir aux détenteurs de permis la possibilité de s'engager à se conformer à cette prescription tout en conservant hypocritement leurs droits dans l'attente d'un avenir meilleur en 2012", a-t-il argumenté. Le nouveau texte entend selon lui "combler les lacunes du Code minier en proposant une définition des hydrocarbures non conventionnels" et faciliter la transition vers des sources d'énergie alternatives aux hydrocarbures.
Mais pour Serge Grouard (UMP, Loiret), président de la commission du développement durable de l'Assemblée, il s'agit d'une proposition de loi "surnuméraire". Seul élément "positif" à ses yeux : elle permet de "reposer la question sur laquelle nous souhaitons avoir des réponses" de la part du gouvernement, c'est-à-dire le calendrier de la réforme du code minier. Mais le député de la majorité juge "impossible de soutenir" la proposition de loi en elle-même car "elle répond à un débat qui est clos" et elle "remet de l'eau dans le gaz". La "raison" de l'opposition est "dramatiquement simple" selon lui : "C'est peut-être la volonté de raviver l'inquiétude des territoires", "en laissant supposer que le texte de loi initial ne conviendrait pas alors qu'il interdit la fracturation hydraulique". En outre, le texte de l'opposition risquerait "d'interdire toute exploration et exploitation des hydrocarbures conventionnels", a-t-il ajouté.
La ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a estimé pour sa part que la nouvelle proposition de loi était "très politique, inutile, de mauvaise qualité juridique". Selon elle, le terme de "fracturation hydraulique" - qui n'est pas explicitement défini dans la loi du 13 juillet 2011 - "est sans ambiguïté". En outre, a-t-elle fait valoir, le volet participation du public est "juridiquement plus précis" dans le projet de loi de ratification de l'ordonnance portant codification de la partie législative du Code minier que dans le texte défendu par les députés de l'opposition.
Bataille de chiffres
Ceux-ci ont aussi fait part de leurs interrogations sur le fait que le gouvernement n'avait abrogé que trois permis de recherche d'hydrocarbures sur les 64 concernés par la loi. Pour Jean-Paul Chanteguet, il ne s'agit là que de "communication électorale". Le rapporteur de la proposition de loi n'a pas compris que le gouvernement n'ait pas abrogé les "cinq autres permis du Languedoc" qui "concernent des zones au potentiel très limité" en hydrocarbures conventionnels. Yves Cochet a fait remarquer que sur les permis non abrogés, "douze concernent les hydrocarbures non conventionnels", en particulier les "quatre" permis de Toreador "en Seine-et-Marne, dans l'Aisne, et dans la Marne". "Le problème des hydrocarbures non conventionnels en France n'est pas réglé", a assuré le député Vert de Paris. La loi du 13 juillet est pour lui un "tour de passe-passe pour gagner du temps".
Sur les 64 permis concernés par la loi, la ministre de l'Ecologie a indiqué que "49" portaient "strictement sur les hydrocarbures conventionnels", qu'ils étaient "de la même nature que ceux déposés entre 1997 et 2002" (sous le gouvernement socialiste de Lionel Jospin). "Huit" sont des "permis de gaz de houille" dont l'exploitation est "relativement peu rentable", a-t-elle précisé. "La technique de la fracturation hydraulique aurait pu être utilisée, mais les propriétaires de permis y ont renoncé. Ils ne feront que du conventionnel." Pour les "quatre" permis situés "en Ile-de-France", "la partie non conventionnelle ne donnera pas lieu à exploitation". Ce sera "contrôlé", a assuré Nathalie Kosciusko-Morizet.
Les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu mardi 11 octobre, après les questions au gouvernement.