Héritage olympique : la France entre satisfecit et attentes
Deux bilans, l'un publié par le ministère des Sports, l'autre par le conseil régional d'Île-de-France, reviennent sur le succès des Jeux olympiques et sur leur héritage, qu'ils jugent déjà concret sur plusieurs aspects. Mais la réelle portée de cet héritage reste encore à mesurer, en particulier au regard des investissements publics consentis.
Faire vivre l'"héritage" de Paris 2024, telle est l'une des grandes ambitions de la France pour les années à venir. Dans un "Premier bilan des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024", daté du 12 septembre, le ministère des Sports se félicite du "succès organisationnel, populaire et sportif exceptionnel" des Jeux olympiques qui viennent de s'achever et loue l'"héritage durable et déjà concret pour la nation française". De son côté, le conseil régional d'Île-de-France évoque, dans son propre bilan publié le 13 septembre, un "triomphe" qui ne peut "pas être une simple parenthèse".
Parmi cet héritage déjà existant, il y a d'abord celui qui a transformé les territoires et le cadre de vie : un parc de 4.000 nouveaux logements en Seine-Saint-Denis, le Centre aquatique olympique, de nouvelles infrastructures urbaines ou de transport, la réimplantation d'installations olympiques temporaires dans de nouveaux territoires ou encore la mise en accessibilité de nombreux sites et équipements.
Héritage ou accélérateur ?
Tant pour ces infrastructures que pour l'amélioration du cadre de vie, ce que l'on nomme "héritage" a le plus souvent été financé majoritairement par l'État : 524 millions d'euros pour le Village olympique, 124 millions pour le Cluster des médias, 700 millions pour la "baignabilité" de la Seine, 300 millions pour le fonds de mise en accessibilité des petits établissements recevant du public (hôtels, cafés, restaurants, commerces), sans compter le milliard d'euros, via l'Agence nationale du sport, en faveur d'équipements sportifs sur tout le territoire, souvent sans lien direct avec l'accueil des Jeux.
Autrement dit, un grand nombre d'investissements publics, formant par ailleurs le cadre traditionnel de l'intervention de l'État en matière de transport, de logement, d'équipements sportifs, etc., sont aujourd'hui estampillés "héritage Paris 2024" sans que leur financement ne soit issu des recettes générées par les Jeux olympiques. Sans doute faudrait-il mieux parler des Jeux comme d'un "accélérateur sans commune mesure", comme le dit Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Île-de-France, dont l'institution a été le premier financeur public des Jeux après l'État.
Mais là encore, la confusion règne. Si la région met en avant sa participation à hauteur de 60 millions d'euros pour le Village olympique ou de 19 millions pour le Centre aquatique olympique, elle inclut dans l'héritage des investissements relevant de ses compétences obligatoires : 65 millions pour la rénovation du lycée Marcel-Cachin de Saint-Ouen, futur campus des métiers du sport, 42 millions pour la transformation de son centre de ressources d'expertise et de performance sportive (Creps) ou encore 30 millions consacrés aux pistes cyclables desservant des sites olympiques. Autant de dépenses qu'elle aurait sans doute faites tôt ou tard.
Une étude coûts/bénéfices encore à venir
L'heure de savoir si Paris 2024 a bien un héritage économique au-delà des investissements publics – soit un legs que seuls les Jeux ont pu permettre – n'est pas encore venue. Certes, d'après l'étude du CDES (Centre de droit et d'économie du sport) d'avril 2024, les Jeux devraient générer sur le long terme 9 milliards d'euros pour Paris et sa région selon un scénario moyen. Mais ce chiffre spectaculaire ne correspond qu'à un surcroît d'activité économique lié aux Jeux et non à une rentrée d'argent supplémentaire due à l'évènement dont l'État et les collectivités pourraient disposer pour financer leurs politiques publiques.
Le vrai bilan reste encore à tirer. Pour preuve, le ministère des Sports annonce que "l'Insee procèdera à une mesure de l'impact direct des Jeux sur l'économie nationale et sur le rattrapage économique de la Seine-Saint-Denis, avec de premiers résultats fin 2024", et surtout que "France Stratégie réalisera une analyse coûts/bénéfices globaux des Jeux pour publication mi-2025". C'est, in fine, cette étude "coûts/bénéfices" qui sera à même de dire si, oui ou non, les investissements en faveur des Jeux ont provoqué un effet de levier permettant de tirer un héritage... qui ne sera pas entièrement sorti des poches de l'État et des collectivités.
La pratique sportive en héritage
Il existe toutefois un héritage que les Jeux ont laissé derrière eux sans contrepartie : l'engouement de la population pour la pratique sportive. Engouement que le ministère des Sports a anticipé à travers son plan "Ouvrons grand les clubs". Selon son bilan, entre 1,65 et 2,5 millions de licenciés supplémentaires devraient pousser les portes des clubs en cette rentrée 2024. Autant de nouveaux pratiquants qu'il faudra accompagner en renforçant l'encadrement des clubs et l'accueil dans les installations sportives. La réussite de cet accueil permettra de concrétiser l'ambition du quinquennat de porter le nombre de nouveaux pratiquants à 3,5 millions.
Faire perdurer l'élan olympique, le consolider et le faire évoluer auprès des Français, ce sera également la mission de la commission "Héritage 2024", installée par l'ANS le 12 septembre. Présidée par Gilles Erb (président de la Fédération française de tennis de table), elle est composée de vingt-deux personnalités, dont neuf élus locaux et territoriaux représentant l'Association des maires de France (AMF), France urbaine, Départements de France, Régions de France et l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport). Son action visera à faire de la France "une nation plus sportive". Les initiatives qu'elle sera amenée à reconduire ou prendre, tant au niveau national que local, "devront permettre de marquer ensemble durablement notre société".
En attendant, le président de la République vient de faire savoir qu'il souhaitait créer une Fête du sport qui aurait lieu tous les 14 septembre. Son instauration – dix ans après que pareille idée avait déjà germé dans l'esprit de la ministre des Sports de l'époque, Najat Vallaud-Belkacem (lire notre article du 18 juillet 2014) –, serait à coup sûr un héritage durable et tangible qui ferait revivre, année après année, l'esprit olympique qui a soufflé sur la France en cet été 2024.