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Fonction publique territoriale - Hausse des effectifs territoriaux : au fait, de quoi parle-t-on ?

Avant d'ouvrir un débat sur l'emploi public local, il faut d'abord savoir - et préciser - de quoi l'on parle. C'est en somme l'avertissement que vient de lancer un groupe de travail réuni à l'initiative des associations d'élus locaux et animé par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). Celui-ci ne polémique pas sur les chiffres, ils sont fiables - mais appelle à une "analyse objective". Il espère ainsi que ne seront pas rééditées les "erreurs" de l'ancienne majorité.

Le discours accusateur du précédent chef de l'Etat et de son gouvernement à l'encontre de la fonction publique territoriale est à l'époque très mal passé chez les élus locaux. Lorsqu'à l'occasion de la Conférence sur les finances locales du 10 février 2012, on a à nouveau sonné la charge contre les effectifs "pléthoriques" des collectivités, la coupe était pleine. Les trois principales associations d'élus locaux (AMF, ADF et ARF) ont alors proposé au président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) de créer un groupe de travail commun afin "d'explorer le sujet au fond" et de parvenir à un état des lieux "partagé", "objectif" et "indiscutable". Le but étant aussi de participer à l'amélioration des méthodes de calcul des effectifs. Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), ainsi que la Direction générale des collectivités locales (DGCL) se sont joints à cette initiative, qui a reçu le soutien de l'actuelle ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu.
C'est dans un climat aujourd'hui nettement plus pacifique que les résultats de ce groupe de travail ont été dévoilés ce 28 février. Un rapport qui livre évidemment son lot de statistiques sur les effectifs de la fonction publique territoriale, en l'occurrence au 31 décembre 2010. Mais aucune surprise n'est à attendre de ce côté, car les chiffres des services de l'Etat, qui s'appuient sur ceux de l'Insee, sont "incontestables", reconnaît le groupe de travail. En outre, celui-ci reconnaît qu'il y a bien eu, depuis les lois Defferre, et en particulier depuis fin 1998, une hausse importante des effectifs d'agents territoriaux. Depuis cette date jusqu'à fin 2010, les collectivités ont créé en moyenne 34.000 emplois par an, hors transferts. Les transferts des agents de l'Etat vers les collectivités, principalement les départements et les régions, qui découlent de la loi Raffarin du 13 août 2004, se chiffrent, eux, à 128.000 agents. Ceux-ci ayant entraîné le recrutement de 7.000 agents destinés à renforcer les équipes, notamment celles en charge des ressources humaines.

Des services locaux de plus grande qualité

Le groupe de travail est peu bavard sur les causes de cette hausse des effectifs. Il attire l'attention sur la "montée en puissance des pouvoirs locaux" auxquels sont confiées de plus en plus de missions, sur l'évolution des modes de gestion, sur "le foisonnement" des règles et normes, sur "des demandes sociales de plus en plus diversifiées et renouvelées", sur la hausse démographique de la France, ou encore sur un changement de méthode statistique intervenu en 2009. "Il faut aussi rappeler les impératifs de lien et de cohésion sociale dont les élus locaux sont les premiers garants", pointe le rapport.
Sur les effectifs intercommunaux, dont la Cour des comptes a pointé le développement rapide - sans qu'il y ait eu dans le même temps de baisse du nombre des agents dans les communes -, le rapport souligne que l'intercommunalité a permis d'améliorer la qualité et la présence des services publics sur tout le territoire. "La mutualisation est longue à mettre en place", indique Philippe Laurent, président du CSFPT. "Quand on prend des décisions en matière de mutualisation, il faut faire attention, car derrière, il y a des hommes", poursuit le maire de Sceaux. Lequel pointe aussi les limites de l'exercice : "On ne va pas couper en rondelles les agents. Si le suivi du marché de la collecte des ordures ménagères est transféré à l'intercommunalité et que cela libère 5% du temps de l'agent communal qui s'en occupe, on ne réduit pas les effectifs". Sur le nombre d'agents intercommunaux, les caractéristiques de l'emploi dans les communautés, l'enjeu des dernières réformes institutionnelles et les perspectives liées à la mutualisation, on en saura bientôt plus grâce à une autre étude - une étude de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et du CNFPT, qui paraîtra fin avril.
Une multitude de facteurs expliquant la hausse des effectifs doit être gardée à l'esprit si l'on veut comprendre les chiffres de la territoriale. On devrait aussi avoir une certaine "prudence" lorsqu'on lit les statistiques, et plus encore lorsqu'on en fait la base d'une argumentation, fait remarquer le rapporteur, Jean-Pierre Bouquet, maire de Vitry-le-François et président de la formation spécialisée du CSFPT chargée des questions statistiques. Or le procès fait aux collectivités durant les dernières années était "mal instruit", car fondé sur "des affirmations rapides", déclare-t-il.

Beaucoup d'agents à temps partiel

Question déterminante : fait-on référence à des effectifs physiques ou à des emplois calculés en équivalents temps-plein (ETP) ? Les deux types de mesures génèrent en effet des différences très nettes. L'Insee dénombre, fin 2010, 1,921 million d'agents territoriaux avec la définition la plus large de la fonction publique territoriale. Mais, transformés en ETP, on obtient le chiffre de 1,7 million. Autre chiffre parlant : l'évolution des effectifs (hors emplois aidés) entre 2009 et 2010. Si 4.000 personnes physiques de plus ont été comptées, finalement, l'Insee aboutit à un chiffre total de 29.000 ETP de moins.
A cet "état des lieux", le groupe de travail ajoute quelques préconisations : la poursuite au sein du CSFPT de la coordination des acteurs des statistiques concernant la fonction publique territoriale, ainsi que le lancement de travaux de recherche, par exemple sur l'impact des modes de gestion ou du recours au secteur associatif sur l'évolution des effectifs. Il est aussi proposé que les centres de gestion travaillent au renforcement de la mutualisation des données à l'échelle régionale. Par ailleurs, afin de sensibiliser davantage les élus locaux à l'importance d'un suivi très fin des effectifs, le rapport recommande la préparation par les collectivités d'un "document de bilan et d'orientation sur les effectifs" qui serait présenté par exemple à l'occasion du débat d'orientation budgétaire. Au niveau national, la DGCL aurait la tâche de publier chaque année un document de référence "détaillé et actualisé" sur les effectifs de la fonction publique territoriale. De telles initiatives pourraient éviter peut-être une nouvelle "instrumentalisation des chiffres concernant le nombre des agents territoriaux", conclut Philippe Laurent.

Statistiques sur la FPT : une offre en progrès
Ceux qui s'intéressent aux statistiques sur les agents territoriaux vont être servis dans les prochains mois. L'Insee va diffuser "dans quelques semaines" un "quatre pages" sur les effectifs de la territoriale en 2010. Mais ce n'est pas tout. D'ici septembre prochain, l'institut fera connaître les chiffres de la FPT au 31 décembre 2011. De plus, à terme, l'Insee va être en capacité de diffuser tous les trimestres des statistiques actualisées sur les trois fonctions publiques, indique une source bien renseignée. "Il sera entre autres possible de comparer le public et le privé", dit-elle. Cette amélioration de l'information est rendue possible par le déploiement depuis 2009 de nouvelles méthodes de collecte des statistiques (dispositif SIASP) communes aux trois fonctions publiques.
Bon à savoir également : la Fédération nationale des centres de gestion dévoilera, le 4 avril prochain, la seconde édition du "panorama de l'emploi territorial" qui fournit notamment des données sur les mouvements de personnels dans la territoriale.