Handicap, protection de l’enfance : un quart des enfants accompagnés ont la "double vulnérabilité"
Dans les établissements et services accompagnant les enfants suivis en protection de l’enfance, comme dans les structures médicosociales, la part d’enfants à la fois handicapés et protégés est importante, alertent la Cnape et l’Unapei au terme d’une enquête. Ces deux fédérations formulent des propositions pour améliorer le repérage et l’intervention précoce et pour construire des prises en charge adaptées à ces enfants.
Les enfants "doublement vulnérables", à la fois en situation de handicap et accompagnés au titre d’une mesure de protection de l’enfance, "représentent près d’un quart des enfants accompagnés" dans les deux secteurs, ont estimé la Cnape et l’Unapei le 11 juin 2024. Ces deux fédérations ont conduit en début d’année une enquête ayant obtenu 122 réponses, dont 78 réponses d’établissements et services de la protection de l’enfance (14.800 enfants accueillis ou soutenus à domicile) et 44 du secteur du handicap (5.600 enfants accompagnés). Dans ces établissements et services, les enfants à double vulnérabilité représentent 24% des enfants accompagnés au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et 25% des enfants suivis par le médicosocial.
Plus de 40% dans certains établissements
En protection de l’enfance, en dehors des dispositifs d’accueil spécifiques (mineurs non accompagnés par exemple), la part d’enfants handicapés serait même supérieure : jusqu’à 45% des enfants accompagnés en lieux de vie et d’accueil, 29% des enfants accueillis en maison d’enfants à caractère social (Mecs) et 33% des enfants placés en famille d’accueil. Enfin, aux enfants de l’ASE ayant été reconnus en situation de handicap par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), s’ajoute une proportion importante d’enfants "en attente de diagnostic", de l’ordre de 14% selon l’enquête.
Dans le médicosocial, "41% des enfants accompagnés par un Ditep [dispositif institut thérapeutique éducatif et pédagogique] sont protégés", selon l’étude. Conforme à une estimation de la Drees de 2022, ce résultat "révèle une prévalence importante des troubles du comportement chez les enfants protégés". Plus globalement, l’étude de la Drees indiquait que 25.000 enfants et jeunes accompagnés par des structures médicosociales bénéficiaient d’une mesure de l’ASE, soit 15% des enfants accompagnés par ces établissements et services.
"Défaut de soins précoces, déscolarisation et changement de lieux de vie"
"Si ces résultats sont à analyser avec précaution et ne permettent pas de tirer des conclusions transposables à l’ensemble du territoire national, ils dessinent des tendances et étayent les remontées de terrain des membres de la Cnape et de l’Unapei", commentent les deux organisations. Les deux réseaux accompagnent ces résultats d’un plaidoyer pour "déjouer les pertes de chance des enfants doublement vulnérables". Près de dix ans après des recommandations du Défenseur des droits sur ce sujet (voir notre article), les deux fédérations jugent que "les difficultés demeurent". "Défaut de soins précoces, déscolarisation et changement de lieux de vie sont autant d’obstacles qui jonchent la vie de ces enfants", énumèrent-elles.
La Cnape et l’Unapei recommandent de "créer une communauté d’acteurs dans le cadre du futur service public du repérage précoce", en renforçant les centres d’actions médicosociales précoces (Camsp) et en misant sur l’accompagnement précoce pour "prévenir le glissement vers la protection de l’enfance". Afin de "décloisonner les politiques publiques", il est notamment proposé de créer, au niveau de chaque département, "une feuille de route commune à l’ARS [agence régionale de santé], au conseil départemental et à la protection judiciaire de la jeunesse dressant les actions à mener en faveur de l’enfance handicapée et protégée". Autre proposition : "mailler l’ensemble du territoire national de solutions d’accueil hybride", dans le cadre des 50.000 nouvelles solutions qui avaient été annoncées lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 26 avril 2023 (voir notre article).
Lors de cette même CNH, le président de la République avait missionné Stéphane Haussoulier, président du Conseil départemental de la Somme, et Lucie Carrasco, chroniqueuse et ancienne styliste atteinte d’une maladie génétique dégénérative, sur l’enfance et le handicap. Ces travaux, portant sur ces enfants à double vulnérabilité, mais aussi sur l’école inclusive et le transport scolaire, devaient initialement aboutir à l’automne 2023.