Handicap : le gouvernement promet d'"accélérer" dans tous les domaines

Le comité interministériel du handicap du 6 mars 2025 n’aura pas convaincu les associations, qui dénoncent "une politique des trop petits pas, sans rupture véritable". Une "rupture", c’est pourtant ce que promet le gouvernement, en affichant une mobilisation de chacun des ministères pour l’accessibilité et une épaisse feuille de route. La fin des dérogations concernant la mise en accessibilité des bâtiments est en particulier annoncée, les préfets ayant pour consigne de graduer leur approche en fonction de la taille et de l’importance des services délivrés par les établissements recevant du public (ERP). 

Alors que la Conférence nationale du handicap (CNH) fixe la feuille de route du gouvernement sur trois ans, le comité interministériel du handicap (CIH) a vocation à se tenir régulièrement pour suivre les avancées de cette feuille de route, maintenir le cap et mobiliser les différents ministres autour des enjeux qui les concernent. En présence d’une quinzaine de membres du gouvernement, des associations du secteur et des associations d’élus, le Premier ministre a présidé ce jeudi 6 mars 2025 un CIH, le premier depuis la CNH de 2023 (voir notre article). 

Vingt ans après la loi fondatrice de 2005 (voir notre article), le gouvernement était particulièrement attendu sur l’"accélération" promise en matière d’accessibilité (voir notre article). Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 "ont démontré que l’accessibilité universelle est possible quand elle est pensée dès la conception des dispositifs, en adoptant le point de vue des personnes en situation de handicap", a déclaré le Premier ministre, François Bayrou, appelant à ne "jamais relâcher nos efforts". 

Ce CIH doit ainsi constituer le point de départ d’"une rupture en matière d’accessibilité", d’"un véritable changement d’échelle", précise Matignon. Le Premier ministre adressera pour cela une circulaire à ses ministres, pour que chacun fasse de l’accessibilité une "priorité". Les feuilles de route ministérielles figurent également dans le dossier de presse consacré au CIH : Éducation nationale, Enseignement supérieur et Recherche, Justice, Intérieur, Travail, Santé, Autonomie et Handicap, Économie et Numérique, Tourisme, Armées, Culture, Logement, Transports, Ville, Transition écologique, Agriculture, Fonction publique, Sports, Jeunesse et Vie associative.       

Les mesures présentées lors de ce CIH étaient "pour la plupart déjà connues de longue date", réagit l’Uniopss ce 7 mars. C’est "une politique des trop petits pas, sans rupture véritable", considère de son côté le Collectif handicaps, déplorant "le goût de 'déjà vu' de nombreuses mesures", et même certains retours en arrière. 

Tour d’horizon des engagements, avancées et annonces intéressant les collectivités. 

  • Charte d’engagement et appui aux collectivités

Lors de la CNH de 2023, une "charte d’engagement pour une société pleinement accessible" avait été signée par le gouvernement, Régions de France, Départements de France, France urbaine et l’Association des maires de France (AMF). Un comité de suivi de cette charte sera créé en 2025, pour "réaffirmer les orientations" de cette charte, "suivre le déploiement des dispositifs favorisant l’amélioration de l’accessibilité dans les territoires" et favoriser "la généralisation des bonnes pratiques". Le gouvernement s’engage à réunir ce comité tous les deux mois. Pour rappel, cette charte – annexée au dossier de presse du gouvernement – porte sur l’école, l’emploi, l’accessibilité universelle et la simplification des parcours et de l’offre. 

  • ERP et bâtiments publics 

Le gouvernement confirme la fin des dérogations pour les établissements recevant du public (ERP). Instruction sera donnée en mars aux préfets "d’engager au sein des territoires, en lien avec les différentes parties prenantes, une dynamique de mise en accessibilité des ERP" : "large information", "priorisation", contrôles et, si besoin, sanctions. Matignon précise que l’approche des préfets sera différenciée en fonction de la taille ("approche plus pédagogique" avec les petits établissements, intransigeance pour les plus gros) et de la nature des ERP (avec un "accent particulier" mis sur les hôpitaux, les tribunaux, les commissariats, les écoles). 

Concernant les établissements recevant du public (ERP) de catégorie 5 (cabinets médicaux, restaurants, commerces, locaux d’associations…), le gouvernement rappelle que le fonds territorial d’accessibilité peut être mobilisé (voir notre article). 

Pour les bâtiments, "les collectivités territoriales peuvent s’appuyer sur les dotations du fonds de soutien à l’investissement local et celles destinées à l’équipement des territoires ruraux" (Dsil et DTER). 

  • Transports

L’objectif du gouvernement est de "finaliser la mise en accessibilité des gares inscrites dans les schémas directeurs d'accessibilité", soit 736 gares dites prioritaires (400 millions d’euros mobilisés par l’État d’ici 2027). Fin 2024, étaient "accessibles ou avec mesures de substitution" : 72% des gares nationales (115 gares sur 159), 68% des gares régionales de province (251 gares sur 368) et 85% des gares de la région Île-de-France (181 gares sur 209).   

En 2025, l’accent sera également mis sur la sonorisation du métro et la généralisation aux principaux aéroports français du dispositif "fauteuil au pied de l’avion", mis en œuvre par Aéroports de Paris pendant les JOP. 

"D’autres chantiers sont ouverts avec les collectivités territoriales, notamment pour l’accessibilité de la voirie ou encore la simplification des démarches des personnes en situation de handicap pour la justification du droit au stationnement gratuit", indique le gouvernement. 

  • Logement 

Dans son rapport 2025, la fondation Abbé-Pierre a mis en exergue "le parcours des combattants" des personnes handicapées en matière de logement (voir notre article du 3 février et son encadré). Et a rappelé que la loi Elan de 2018 a fortement réduit les obligations d’accessibilité des nouvelles constructions, la part de logements devant être totalement accessibles étant passée de 100% à 20% ("logements collectifs en rez-de-chaussée ou desservis par un ascenseur, désormais obligatoire à partir du R+3"), "les 80% restants ne devant plus être que 'visitables' et 'évolutifs' au terme de travaux simples". 

Les associations demandent une révision de ce cadre, mais la ministre en charge du handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq, n’y serait pas favorable, selon l’Uniopss. Le rapport d’évaluation de cette disposition de la loi Elan "sera remis fin mars au Parlement et permettra de dresser un premier état des lieux concernant l’adaptabilité du logement évolutif", met en avant le gouvernement. La ministre en charge du logement, Valérie Létard, l'avait déjà assuré lors de la présentation du dernier rapport sur le mal-logement (voir notre article du 4 février).

Le gouvernement fait valoir également le maintien des moyens dédiés au dispositif Ma Prim’Adapt (200 millions d’euros en 2025), un "chantier interministériel" à venir sur l’habitat inclusif (la publication du décret assouplissant les normes incendie est également imminente, selon le cabinet de la ministre) et davantage de visibilité donnée à l’offre de logements accessibles dans le parc social qui sera renseignée dans le répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux. 

  • MDPH et accès aux droits 

En matière d’accès aux droits, le gouvernement promet "un choc de simplification" et une harmonisation des pratiques des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), comme l'avait fait savoir la semaine dernière Charlotte Parmentier-Lecocq (voir notre article). Au niveau national, un groupe de travail "MDPH et facilitation des parcours" sera mis en place pour identifier des solutions. Localement, un "rendez-vous systématique en cas de première demande auprès des MDPH" sera expérimenté par une dizaine de départements volontaires. Ces premiers "rendez-vous des droits" permettront d’humaniser les MDPH, en permettant à chaque personne d’être reçue, souligne Matignon, qui évoque également le travail sur les délais de traitement et plus généralement la qualité. 

Pour les "premières démarches administratives", un accompagnement spécifique aux personnes en situation de handicap sera également mis au point dans les maisons France Services, d’abord expérimenté dans deux départements. L’assistance porterait en particulier sur le dossier de demande de l’allocation adulte handicapé (AAH), a précisé le cabinet du ministre de la Fonction publique à l’AFP. 

  • Accessibilité numérique et démarches en ligne  

Une accélération est également promise pour réussir à rendre accessible les 250 démarches administratives "essentielles de l’État". 

Plus généralement, le cadre normatif sur l'accessibilité des sites et des applications numériques, issu de "l'Acte législatif européen sur l’accessibilité", entrera en vigueur le 28 juin 2025. Il est rappelé que l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) est compétente pour contrôler le respect de ces obligations et prononcer d’éventuelles sanctions (voir notre article). Peu de collectivités ont avancé, à ce jour, sur la mise en accessibilité de leur site internet. 

Concernant la téléphonie, le gouvernement promet à nouveau l’arrivée imminente d’une "solution d’accessibilité téléphonique universelle" ("Satu"). Élaborée en 2025 sous l’égide du ministère en charge du numérique, cette "solution innovante" - qui pourrait remplacer les dispositifs mis en œuvre par les collectivités notamment - serait opérationnelle en 2026. 

  • École

Continuer et amplifier, c’est également le mot d’ordre concernant la scolarisation des enfants en situation de handicap. Le nombre de pôles d’appui à la scolarité (PAS - voir notre article du 5 mars) va augmenter à la rentrée 2025, avec quatre nouveau territoires préfigurateurs (collectivité européenne d’Alsace, Meuse, Vaucluse et La Réunion) en plus des quatre actuels (Aisne, Eure-et-Loir, Côte-d’Or et Var). Le dispositif a vocation à être généralisé en 2027. 

Le gouvernement veut par ailleurs "associer pleinement les AESH [accompagnants d'élèves en situation de handicap] au virage inclusif de l’école" et annonce pour cela qu’une mission flash sera conduite au cours du premier semestre.

Concernant les rapprochements entre le monde du médicosocial et l’Éducation nationale, l’Uniopss interroge : "Au lieu d’avoir des enseignants détachés dans les IME [instituts médico-éducatifs], pourquoi ne pas envisager l’inverse, en détachant des professionnels du médicosocial à l’école ordinaire ?" (la CNH de 2023 était déjà censée avoir acté le fait que "l'accompagnement médicosocial doit se faire dans les murs de l’école" et qu'à cette fin, "les équipes médicosociales seront positionnées auprès de l’Éducation nationale pour intervenir en soutien des élèves et des équipes pédagogiques"...).

  • Emploi 

En matière d’emploi, le gouvernement fait valoir des "avancées significatives". Et déclare attendre beaucoup du "basculement" de l’emploi accompagné du médicosocial vers le droit commun ; l’emploi accompagné était géré par les agences régionales de santé (ARS) et va passer sous l’égide de France travail, précise le cabinet de Charlotte Parmentier-Lecocq. Ce dernier espère ainsi "renforcer considérablement le nombres de places" disponibles. Ce transfert déjà en cours est toutefois "perçu avec inquiétude en termes de capacité à faire", signalait un récent rapport de l'Igas (voir notre article du 24 février).

  • Tourisme 

Le gouvernement annonce une relance en 2025 de la marque "Destination pour tous", qui a été refondue avec l’objectif d’en "faciliter l’adoption par les territoires candidats : simplification du processus de labellisation, élaboration d’une grille de labellisation clarifiée et gouvernance de la marque précisée". 

Parallèlement, l’objectif est de "massifier la labellisation 'Tourisme & Handicap'", créée en 2003 pour les professionnels du tourisme et gérée depuis août 2024 par Atout France (voir le communiqué du ministère en charge du tourisme).

  • Sport 

Le gouvernement veut augmenter le nombre de "clubs inclusifs". 2.000 d’entre eux ont été créés depuis 2020. 

  • Santé

L’accent est mis sur la réforme, à partir de décembre 2025, de la prise en charge du financement des fauteuils roulants (voir notre article). Selon le cabinet de Charlotte Parmentier-Lecocq, l’accès aux soins sera la principale thématique du prochain CIH.

 

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