Handicap : il faudrait "un Notre-Dame de l’accessibilité", pour le président du CNCPH

"Quand la France choisit des priorités, elle sait être au rendez-vous", a mis en avant Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), ce 16 janvier au Sénat. "Tout doit être accessible, partout", a-t-il rappelé, 20 ans après la loi sur le handicap de 2005, devant des élus locaux et des sénateurs. Des représentants des maires, des départements et des régions ont défendu les efforts réalisés par les collectivités et ont demandé davantage de soutien de l’État pour aller plus loin. 

À l’approche du vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour "l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées", la délégation aux collectivités territoriales du Sénat organisait ce 16 janvier 2025 deux tables rondes. Il y a notamment été question d’accessibilité. 

"Le bilan est plutôt mitigé, nous sommes encore très loin de la mise en œuvre concrète des obligations qui avaient été fixées en 2005", a jugé Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Alors que les délais supplémentaires accordés dans le cadre des agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP, voir notre article) sont désormais tous écoulés, "ceux qui ont des établissements ou des services qui ne sont pas accessibles sont hors la loi", insiste le président du CNCPH, qui suggère de revenir sur la politique de sanctions en la matière. Pour le représentant du monde du handicap, il n’est plus temps – après 20 ans - d’évoquer les contraintes techniques et financières. "Quand la France choisit des priorités, elle sait être au rendez-vous", met en avant Jérémie Boroy, citant l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques et la reconstruction en cinq ans de Notre-Dame de Paris. Il faudrait selon lui un "Notre-Dame de l’accessibilité", un plan qui n’irait pas au-delà de 2027 et qui fixerait des échéances précises pour les trois années à venir. 

Régions : des investissements importants sur les cars et TER 

Les représentants des associations d’élus ont mis en avant les efforts déployés par les collectivités, les "freins" rencontrés et leurs propositions pour accélérer. Pour Sandrine Chaix, vice-présidente de la région Auvergne-Rhône-Alpes et présidente du groupe de travail Handicap de Régions de France, l’investissement des régions au profit de l’accessibilité des équipements de mobilité (cars et TER) est "extrêmement important", avec 300 millions d’euros mobilisés dans le cadre des contrats de plan État-régions (CPER). L’élue insiste aussi sur la nécessité de former tous les professionnels, les architectes par exemple, pour que l’impératif d’accessibilité soit pris en compte le plus tôt possible dans les projets.    

Conditionner l’attribution du fonds vert à l’exigence d’accessibilité 

Président du département de l’Indre et du groupe de travail Autonomie et handicap de Départements de France, Marc Fleuret rappelle une proposition formulée par son association : celle de n’attribuer le fonds vert que si le bâtiment concerné est accessible. Interrogé sur les disparités territoriales, l’élu admet que les écarts sont importants. Pour rendre accessibles les 38 collèges de l’Indre, "des moyens assez forts" ont été investis, ce que d’autres départements "en grosse difficulté financière" ne peuvent se permettre. Résultat : "des familles changent de département parce qu’il y a un problème d’accessibilité", constate-t-il. Après les JOP, "le soufflet redescend très vite mais il faut absolument que l’on garde cet élan", insiste Marc Fleuret, qui appelle l’État à avoir "une démarche forte" pour soutenir les collectivités sur ce sujet. 

Pas encore de bilan précis des Ad’AP

Xavier Odo, maire de Grigny-sur-Rhône, et Isabelle Assih, maire de Quimper, ont été récemment nommés maires référents Handicap et accessibilité de l’Association des maires de France (AMF). Xavier Odo juge nécessaire qu’un bilan précis des Ad’AP soit réalisé par les directions départementales des territoires (DDT) en lien avec les communes, pour savoir "comment on a pu avancer bien, très bien ou pas assez". Sur les dispositifs d’accompagnement des communes, l’élu appelle aussi à comprendre les raisons qui ont fait que "les ambassadeurs de l’accessibilité, ça ne s’était pas très bien passé" (voir notre article). Autre point de vigilance souligné : les difficultés liées à la maintenance des ascenseurs, jugée actuellement insuffisante. "Une exigence sur le délai de réparation" est nécessaire, renchérit Sandrine Chaix, qui suggère qu’un projet de loi soit dédié à cette question. 

Des dérogations accordées à réviser 

"Tout doit être accessible, partout", rappelle Jérémie Boroy, après avoir écouté les élus. Et l’argent ne résout pas tout, indique-t-il, déplorant que les dossiers déposés au fonds territorial d’accessibilité "se comptent sur le bout des doigts" (voir notre article). Pour rappel, ce fonds vise à soutenir la mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP) privés de catégorie 5 (commerces, restaurants, bars, cafés, hôtels, pharmacie, cabinets médicaux…). "L’État doit pouvoir accompagner les collectivités, y compris en termes de méthode et d’accès à l’information", poursuit Jérémie Boroy, qui mentionne la délégation interministérielle à l’accessibilité et les sous-préfets référents. Mais il importe que les dérogations accordées soient "révisées dans le temps", affirme le président de la CNCPH. 

Ce point pourrait figurer dans les conclusions du bilan de la loi de 2005 que le CNCPH dévoilera à l’issue d’une concertation. Dans le cadre de plusieurs commissions, des sénateurs travaillent également à ce bilan, sur l’accessibilité mais aussi sur les aspects sociaux et éducatifs. Ces travaux seront présentés le 11 février prochain lors d’un colloque organisé au Sénat.