Accès à la culture des personnes en situation de handicap : des droits établis mais inégalement mis en œuvre

Un rapport parlementaire tire un bilan globalement positif de l'accès à la culture des personnes en situation de handicap. L'accessibilité des lieux culturels s'est développée ces dernières années. Mais les collectivités n'ont pas toutes le même engagement en la matière. 

Les politiques publiques peinent encore à favoriser l'accès à la culture des personnes en situation de handicap, mais cet accès progresse dans ses différentes dimensions. C'est ce qui ressort d'un rapport des députés Sophie Mette et Yannick Monnet récemment mis en ligne. Selon une étude de 2002 citée par le rapport, 75% des personnes en situation de handicap ont fréquenté au moins une fois par an un lieu culturel ces dernières années. Mais si "les obligations légales ont conduit à se concentrer sur l'accessibilité des lieux" avec une certaine réussite, la participation à la création artistique a été moins traitée par les politiques publiques.

Les rapporteurs mettent ainsi en avant les avancées issues des lois successives, notamment du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP). Non seulement, elles ont permis l'accessibilité physique des bâtiments culturels, mais elles ont étendu la notion d'accessibilité aux œuvres présentées et aux prestations proposées et ont créé la notion de droits culturels. 

Des "droits bien établis"

Sur l'accessibilité, le rapport conclut à "des droits bien établis". Dans les lieux culturels, l'amélioration est même "bien réelle". 71% des établissements recevant du public dépendant du ministère de la Culture étaient ainsi accessibles en totalité fin 2023 et 29% l'étaient partiellement. 

En ce qui concerne les scènes nationales, essentiellement propriétés des collectivités territoriales, une vingtaine sur soixante-dix-huit ont été rénovées ces dernières années et des mises aux normes sont en cours. Selon le représentant de l'Association des maires de France (AMF), entendu par la mission, "les travaux d'accessibilité constituaient des défis techniques complexes à relever, notamment au regard du manque de moyens financiers des collectivités territoriales".

Le constat est aussi globalement positif pour l'accessibilité du cinéma : 68% des établissements déclaraient en 2022 être "totalement accessibles" et 88% "disposer d'au moins une salle accessible". Mais des bémols persistent : la majorité des salles accessibles sont situées dans les grandes villes, et si les versions numériques des films permettent le sous-titrage ou l'audiodescription, les salles ne sont pas toujours équipées en conséquence et le public pas toujours bien informé.

Les régions "actives et engagées"

En ce qui concerne les ressources numériques publiques – le rapport traitant par ailleurs de l'accessibilité des livres et des contenus audiovisuels, plus souvent liés à des acteurs privés –, on note que "de plus en plus de contenus culturels sont accessibles par voie numérique aux personnes géographiquement éloignées des infrastructures culturelles ou empêchées de se déplacer". À l'image du Moteur collections du ministère de la Culture, qui permet d'accéder à plus de 7,4 millions de documents, qui s'avère conforme à 90% en termes d'accessibilité.

Le rapport dresse aussi le portrait – fort complexe – du financement public de l'accessibilité de la culture. Il souligne le rôle des collectivités dans ce domaine. Les régions sont décrites comme "actives et engagées", notamment du fait de leur rôle central au sein des structures labellisées. Les départements apparaissent à l'inverse comme "le parent pauvre de la politique d'accès aux œuvres et à la culture", la majorité d'entre eux s'en tenant à l'exercice de leurs compétences propres en matière sanitaire et sociale. Quant aux villes et intercommunalités, elles "sont souvent parties prenantes des structures labellisées et interviennent à ce titre dans la promotion de l'accessibilité des œuvres".

Les pratiques culturelles, "maillon faible"

Au chapitre des déceptions, le rapport pointe l'insuffisance des moyens financiers pour s'emparer d'outils prometteurs propres à rendre les œuvres accessibles. Il en est ainsi, par exemple, des scènes nationales qui souhaitent recourir à une traduction en langue des signes ou à l'audiodescription.

Parmi les vingt-trois propositions du rapport, on retiendra celles visant à intégrer systématiquement l'objectif d'accessibilité des manifestations et des œuvres aux cahiers des charges des structures labellisées, de même que dans les appels à projets culturels au-delà d'un certain seuil budgétaire, ou encore dans les projets de construction, d'aménagement ou de rénovation de salles de spectacles. Mais aussi celle demandant de rendre les petits établissements culturels systématiquement éligibles au fonds territorial d'accessibilité. Et encore celles tendant à renforcer "significativement" le fonds Accessibilité du ministère de la Culture et à favoriser les territoires les moins dotés en ressources culturelles.

On s'étonnera cependant de l'absence de toute proposition en faveur du développement des pratiques culturelles chez les personnes handicapées. Et ce d'autant plus que cet axe a été identifié par le rapport comme le "maillon faible" des politiques culturelles en faveur du handicap.