Transports - Grand Paris du véhicule électrique : à quand le lâcher prise ?
D'ici 2020, le but est de déployer au moins 16.000 points de recharge en Ile-de-France. "Le plan de déplacements urbains (PDUIF) fixe le cadre d'ensemble, les lignes de conduite pour aider les collectivités à choisir le bon dispositif. Sachant que l'interopérabilité entre les bornes est nécessaire, et qu'un important travail de suivi des usages sera à réaliser", a expliqué le 28 janvier Nathalie Granes, de la direction des transports de la région lors d'un séminaire organisé par la préfecture de région. Sur l'espace public, des stations existantes mais discrètes vont être rendues plus visibles. Et de grands projets soutenus l'an dernier (Epamsa, EpaMarne) totalisent plus de 1.250 points. Mais à l'échelle régionale, les expériences restent dispersées. Une instance de coordination est donc envisagée. "Il y a encore un manque d'expertise technique, d'outils partagés. Des collectivités nous sollicitent, il nous faut muscler notre méthodologie", poursuit-elle. En termes de gestion de la demande et des données, de management des transports, de marketing aussi, beaucoup reste à faire. Bien sûr, Autolib' a ouvert la brèche : "71 villes en sont dotées, le portage politique fut crucial pour le développer", resitue Samuel Besnard, adjoint au maire de Cachan et vice-président du syndicat mixte Autolib'.
Soigner les implantations
L'autopartage des flottes lancées reste une voie d'avenir mais en dehors des zones denses, trop peu d'opérateurs encore s'y aventurent. Sur le territoire de l'établissement public d'aménagement du Mantois Seine-Aval (Epamsa), le groupement de commandes entre une vingtaine de collectivités a fédéré les énergies et permis d'expérimenter. Principale leçon tirée, en termes d'emplacement des bornes : "Aux commerces, drives et stations-service les bornes de recharge rapide et aux bureaux et habitations les plus lentes. Il faut aussi des implantations visibles et penser aux conducteurs qui ne font que passer. Et, coûte que coûte éviter, en étroite coordination avec ERDF, qu'elles génèrent des travaux de renforcement du réseau électrique", conseille Didier Bellier-Ganière, directeur général de l'Epamsa, qui vise 130 points de charge d'ici 2016 et en a mis douze en route ce mois-ci. En Seine-et-Marne, 340 points seront opérationnels d'ici l'automne prochain. "Soit un tous les 20 kilomètres", résume Olivier Baduel, de l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée (EpaMarne). La charge coûtera 50 centimes d'euros et, en période de pointe, une stratégie d'abaissement de puissance a été convenue avec ERDF pour ne pas sur-solliciter le réseau. Selon lui, le principe de stationnement réservé aux véhicules électriques est sous-exploité. Et l'approvisionnement à domicile n'est déjà pas évident en copropriété, mais encore moins lorsqu'on habite en HLM...
Et la logistique ?
Les flux franciliens atteignent 210 millions de tonnes de marchandises par an. Près de 7.500 transporteurs quadrillent la région. Des très gros (La Poste, Dentressangle), mais aussi une myriade de petits, qui renouvellent plus difficilement leur flotte. Pour rentabiliser, ils optent plus souvent pour de gros camions que pour de l'électrique. Comme ils ont besoin de rouler au moins 120 kilomètres par jour, l'autonomie propre à ses batteries (50-70 km) n'est pas suffisante. "Recharger impose aux transporteurs de repasser sur leur site en fin de journée, alors qu'ils rentrent parfois directement chez eux avec le véhicule. Ces contraintes de gestion, tout comme les modifications que l'électrique impose au plan de tournée, sont à prendre en compte", précise Thomas Plantier du Cerema (ex-Certu). "Pour l'heure, il n'y a qu'en bout de la chaîne logistique que l'électrique a de la pertinence, pour le dernier kilomètre de petits colis, de la messagerie, du e-commerce. Ailleurs perdure la logique de massification et de réduction au maximum des ruptures de charge", complète Elisabeth Charrier, secrétaire générale de la Fédération nationale des transports routiers Ile-de-France. Autre handicap, le fait qu'il n'existe pas de poids lourd électrique ou de plus de 3,5 tonnes. "Nous sommes prêts à accompagner quiconque se lance sur ce marché", motive Alexandre Frémiot, directeur de l'agence de mobilité de la Ville de Paris. Avec ses 700 véhicules électriques circulant dans la région, seule La Poste s'en tire bien : "Nous les rechargeons la nuit en entrepôt. A raison de 20 kilomètres par jour, ils ne roulent pas assez, il faut les faire plus tourner. D'où l'idée de développer en interne l'autopartage, par exemple avec Chronopost, voire à l'externe avec des artisans, même si cela pose le problème lié au jaune très reconnaissable de nos voitures" conclut Sylvain Lepetit, chef de projet logistique urbaine du Groupe.