Gouvernement et collectif Alerte : deux visions du bilan du plan Pauvreté
Marisol Touraine, Myriam El Khomri, Emmanuelle Cosse et Ségolène Neuville ont reçu, le 21 mars à Matignon, une délégation du collectif Alerte, composée de la FAS (Fédération des acteurs de la solidarité, ex-Fnars), de la fondation Abbé-Pierre, de Médecins du Monde, du Secours catholique, de l'Union nationale des associations familiales (Unaf) et de l'Uniopss. Alerte regroupe une quarantaine d'associations - dont toutes les grandes - engagées dans la lutte contre l'exclusion.
Pour "une société plus juste et plus solidaire"
Objectif de la rencontre : faire, comme chaque année, le point sur la mise en œuvre du plan pluriannuel 2013-2017 de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale et discuter, si nécessaire, d'éventuelles adaptations. De son côté, le collectif a remis aux ministres son bilan d'étape de la mise en œuvre du plan.
Une rencontre d'autant plus opportune qu'Alerte a lancé, il y a six semaines, sa plateforme "pour une société bienveillante, fraternelle et solidaire" et demande un nouveau "plan interministériel de lutte contre la pauvreté traduit dans une loi de programmation financière sur cinq ans" (voir notre article ci-dessous du 10 février 2017).
La réponse éventuelle à cette demande sera l'affaire du nouveau gouvernement issu des prochaines échéances électorales et la réunion n'a donc apporté aucune avancée sur ce point, si ce n'est le souhait très général, exprimé par les quatre ministres dans leur communiqué commun, "que les actions menées en faveur des plus démunis de nos concitoyens soient poursuivies et amplifiées, avec le soutien des associations, pour une société plus juste et plus solidaire".
Le verre plein...
Tel que rapporté par le communiqué des ministres, le collectif aurait "salué les mesures prises dans le cadre du plan", et tout particulièrement la création de la prime d'activité, la mise en place de la garantie jeunes, la création du compte personnel d'activité (CPA) avec des droits majorés pour les personnes qui ont le plus besoin de formation, le plan 500.000 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emploi de longue durée, la protection universelle maladie (Puma) qui garantit la couverture autonome de chacun sans rupture de droits, le tiers payant généralisé en matière de santé, la création de 40.000 places d'hébergement d'urgence supplémentaires, la garantie contre les impayés de pension alimentaire (Gipa), ou encore la récente mise en ligne du site internet "Mes aides".
On notera au passage qu'une bonne partie des mesures citées par le communiqué ministériel (CPA, plan 500.000 formations, Puma...) ne faisaient pas vraiment partie du plan Pauvreté.
Lors de la réunion, les ministres ont également apporté quelques précisions sur des mesures en cours ou à venir. Ainsi, des décrets devraient très prochainement parachever la revalorisation du RSA de 10% (en plus de l'inflation) sur la durée du quinquennat, promise par le chef de l'Etat. Le montant du RSA pour une personne seule se trouvera donc porté à 545 euros par mois.
Moins attendu : Marisol Touraine a aussi annoncé un - nouveau - relèvement du plafond de ressources pour l'accès à la CMU-C, qui devrait permettre à 150.000 personnes supplémentaires d'en bénéficier. Un relèvement similaire sera appliqué au plafond de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS). Deux décisions aussitôt saluées par le collectif.
... et le verre à moitié plein
Le communiqué publié par Alerte à l'issue de la rencontre est nettement plus nuancé, pour ne pas dire moins laudatif. Le collectif y salue à nouveau la méthode d'élaboration du plan et l'association des acteurs sociaux. Il se félicite également de la mise en œuvre de "plusieurs mesures importantes du plan Pauvreté" (plus ou moins celles citées par les ministres dans leur communiqué).
Mais, pour autant, Alerte constate que "sur certaines politiques essentielles dans la lutte contre l'exclusion, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Il s'agit de la politique de l'emploi et de celle du logement". Sur l'emploi, le bilan présenté par le collectif constate une légère amélioration, en particulier pour les jeunes, au cours de la dernière année. Mais il considère que l'accent a été mis trop tardivement sur les chômeurs de longue durée, avec en particulier le plan 500.000 formations et indique n'être "absolument pas certain que les moyens alloués aux missions locales" pour la généralisation de la garantie jeunes seront suffisants.
Sur le logement, Alerte "salue les efforts faits en faveur de l'hébergement mais constate que les sorties d'hébergements vers des solutions de logements plus pérennes sont très insuffisantes, du fait d'un nombre trop restreint de logements très sociaux disponibles".
De façon plus large, le collectif "considère que l'exécution du plan est moyennement satisfaisante". Il regrette également les manques dans "la territorialisation du plan, qui a été trop tardive, très inégale et dans l'ensemble très insuffisante. Elle n'a pas été pensée dès le départ, mais seulement à partir de 2015".