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Environnement - Gaz de schiste : l'OPECST explore l'aspect technique et scientifique

Sujet passionnel s'il en est, l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, qui incluent les gaz de schiste, bénéficient rarement d'un éclairage scientifique complet. C'est chose faite grâce à un point organisé le 18 avril dans le cadre d'une saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

Dans le cadre d'une mission d'étude pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), le député du Nord Christian Bataille et le sénateur de l'Orne Jean-Claude Lenoir ont organisé le 18 avril un point sur les ressources que représentent les hydrocarbures non conventionnels et les moyens possibles pour les prélever. "Il ne s'agit pas d'alimenter le débat pour ou contre l'exploration, mais d'examiner quelles sont les techniques disponibles ou en développement pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Et comment faire face aux enjeux environnementaux qui leur sont associés", précise Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle et premier vice-président de l'OPECST. L'approche est donc technique et scientifique : un comité dédié a été créé pour appuyer les élus dans leurs auditions, qui déboucheront l'automne prochain sur un rapport final.

Règne des incertitudes

Mais au fait, qu'est-ce qu'un gaz de schiste ? "C'est un gaz naturel, du méthane en fait, situé dans des roches profondes, compactes et imperméables", a rappelé Bruno Goffé, directeur de recherches au CNRS. Paradoxe de leur potentiel : il est à la fois connu et paré d'incertitudes. "Les facteurs d'incertitudes dépassent ce qui est admissible", poursuit-il. En France, il a été évalué un gisement de 500 milliards de m3 de gaz de schiste, principalement dans le sous-sol du quart sud-est. Autre "gisement du futur", le pétrole en roche compacte, niché dans les entrailles du bassin parisien. "Mais au final, on ne connaît pas réellement la taille du hangar et comme on ne peut pas regarder par le trou de la serrure, les incertitudes persistent", explique Olivier Appert, président de l'IFP Energies nouvelles (Ifpen), l'ex-Institut français du pétrole (IFP). Pour en savoir plus, il faudrait passer par la case inventaire. "C'est-à-dire envoyer des géologues sur le terrain, analyser les données de précédents forages, comparer avec ce qui se passe à l'étranger. Les chiffres pourraient alors être précisés, sachant que rien n'est jamais sûr sans qu'un essai de puits ne soit effectué."

Potentiel du grisou

Le cas du gaz de houille est particulier. En Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais, il suscite d'intenses espoirs. Il faut dire que les chiffres avancés par les pétroliers font réfléchir : les deux anciennes régions minières abriteraient à elles deux l'équivalent de dix années de la consommation totale de gaz en France. "Sur une trentaine de centres de production possibles en France, il y a un potentiel total de 15 millions de mètres cubes par jour, soit 15% de la consommation nationale journalière", précise Frédéric Briens, directeur général de European Gas Limited, l'une des rares compagnies autorisées à effectuer des forages d'exploration. "Car nous n'avons pas recours à la fracturation hydraulique, une technique interdite par la loi de juillet 2011. Ce n'est pas nécessaire avec la houille car le charbon est naturellement fissuré. Nous avons obtenu sans problème l'aval des fermiers, des maires et l'appui des conseils régionaux." L'entreprise sonde depuis quatre ans le sous-sol lorrain. Il faudra encore patienter au moins un an avant pour savoir si cette ressource y a réellement valeur de "nouvel eldorado".

Fracturation hydraulique

Accusée de tous les maux, cette opération, précise Bruno Courme, directeur de la filiale Total Gas Shale Europe, "n'est pas une technique de forage mais consiste à stimuler mécaniquement la roche en injectant de 10 à 20.000 m3 d'eau par puits pour la fracturer et étendre le réseau de fissures existant". Avec d'autres experts, il s'accorde à dire que c'est la seule technique viable et éprouvée. "Pour les alternatives, il y a des brevets, des recherches, des projets pilotes. Mais rien de prêt à l'emploi", indique Gilles Pijaudier-Cabot, directeur du laboratoire des fluides complexes et leurs réservoirs et directeur de l'Institut Carnot à l'université de Pau. En guise d'alternatives, les pistes les plus sérieusement explorées consistent à remplacer l'eau injectée par du propane. "Il n'altère par les argiles, est compressible, n'émet pas de méthane mais pose le problème de l'inflammabilité et de la gestion des stocks en surface", résume François Kalaydjian, directeur adjoint à l'Ifpen. Des techniques de stimulation électrique ou le recours à la chaleur ou au froid sont aussi évoqués. "Toutes ces techniques nécessitent un bilan environnemental complet", informe François Kalaydjian. Le travail porte aussi sur les additifs, qui pourraient être plus biodégradables. Et si de l'eau est utilisée, elle pourrait être salée pour éviter des conflits d'usage. En fin de compte, le consensus qui se dégage porte sur la nécessité de mieux contrôler la technique classique de fracturation hydraulique. Traitement de l'eau remontant à la surface, monitoring pour prévenir les risques de pollution, optimisation du placement des puits… "De toute façon, s'il est un jour possible d'exploiter le gaz de schiste en France, on ne le fera pas sur le même modèle qu'aux Etats-Unis. Mais en respectant l'environnement", promet Bruno Courme du groupe Total.