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Environnement - Gaz de schiste : les députés dressent leur rapport

Le 8 juin, François-Michel Gonnot, député de l'Oise, et Philippe Martin, député du Gers, ont présenté devant la commission du développement durable de l’Assemblée nationale un rapport d’information sur les gaz de schiste. Il intervient dans un contexte tendu. Atypique au niveau parlementaire – avec pas moins de cinq propositions de lois visant à encadrer ou interdire l’exploitation de gaz de schiste déposées ces cinq dernières semaines au Sénat et à l’Assemblée nationale – la situation l’est aussi au niveau réglementaire, car le dossier va inévitablement se complexifier à l’approche de la réforme de la législation minière envisagée par le gouvernement. Pour les deux rapporteurs, il est difficile à digérer que l’une de ces propositions de loi, celle du député UMP Christian Jacob, ait été votée en un temps record par leur propre assemblée en première lecture (son examen reprend au Sénat), avant même qu’ils n’aient pu boucler leur rapport ni assimilé les conclusions formulées dans un autre rapport effectué en parallèle par des ingénieurs mandatés par le gouvernement. Un rapport d’experts dont une version provisoire a été rendue publique fin avril, mais dont les conclusions définitives sont attendues fin mai.
D’ici là, le rapport de cette mission parlementaire bipartisane, qui a nécessité trois mois de travail, une flopée d’auditions et des déplacements en Allemagne, au Québec et aux Etats-Unis, fournira aux élus de précieuses informations sur le sujet. Pour l’introduire, Philippe Martin a résumé d’un trait le dossier en indiquant qu’il restait, en l’état actuel des connaissances et des expériences menées, criblé de "doutes et d’incertitudes". Aux yeux des députés, l’adjectif de "non conventionnel" - apposé aux hydrocarbures liquides (huile de schiste, dont la présence en France est essentiellement localisée dans le Bassin parisien) ou gazeux (gaz de schiste essentiellement présents dans le quart sud-est) qui sont prélevés des roches par forage et fracturation hydraulique - n’a guère de sens. Ils expliquent dans leur rapport comment s’effectue l’opération, le haut degré de technologie qu’elle requiert, le niveau d’autosuffisance en gaz qu’un pays comme les Etats-Unis a atteint en industrialisant progressivement cette activité et l’enjeu que cela représente sur le plan européen, où une cartographie attendue pour 2015 est en cours de réalisation par un consortium d’industriels et de chercheurs. Selon l’administration américaine, la France et la Pologne détiendraient les deux principaux gisements d’Europe mais ce chiffre doit être considéré avec prudence. Un point sûr : au même titre que le Royaume-Uni, la Pologne mise beaucoup sur leur exploitation. Et des permis d’exploration sont par ailleurs accordés dans la quasi-totalité des pays européens.

Principe de précaution

La seconde partie du rapport est consacrée à la protection de l’environnement. De leurs investigations, les députés tirent une série de préconisations dominées par les principes de précaution et l’idée que la réglementation sur ces gaz doit être "draconienne". "Car seules les précautions préalables sont de nature à éviter les mauvaises surprises", pointe ainsi le rapport. Un véritable exercice de style puisque ces recommandations ne s’appliqueraient que dans le cas où l’exploitation des gaz de schiste est autorisée ! Ils recommandent aussi que cet enjeu s’inscrive plus largement dans un débat qui reste à mener sur le bouquet et les stratégies énergétiques du pays. Pour préserver les parcs naturels, ils souhaitent que "le Code minier prescrive l’indisponibilité des ressources minières recelées dans les limites des parcs nationaux et dans les territoires faisant l’objet de démarches d’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco". Aux Etats-Unis, la distance de sécurité entre un site de forage et une habitation est de 60 mètres. Les députés la jugent trop faible. Aux mesures qui seraient à prendre pour limiter les nuisances (impact paysager, bruit, trafic routier) s’ajoute la transparence requise sur la composition des fluides permettant de fracturer la roche. Pour les députés, cette transparence est "une condition préalable à l’ouverture d’un débat sur l’opportunité d’exploitation des gaz et huile de schiste". Les risques sismiques, tout comme les prélèvements d’eau qu’un puits de gaz nécessite (de 10 à 20.000 m3, ce qui équivaut à l’irrigation de 10 hectares de maïs), sont aussi des enjeux essentiels à considérer. Tout particulièrement dans le sud de la France, où "la complexité des sols et la spécificité du réseau hydrologique incitent à la plus grande prudence".

Fragilités du Code minier

La dernière partie du rapport fait le point sur le circuit d’instruction des demandes de permis exclusifs de recherches et de délivrance d’un titre minier. Une procédure assurée par les services de l’Etat  - Dreal, aval de la préfecture, Conseil de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) en phase de travaux -, sur laquelle les élus locaux portent un regard critique. Le manque de consultation des riverains, "la logique uniquement productiviste du Code minier" et le fait que les permis de recherche étaient jusqu’en 1992 astreints à l’enquête publique, ce qui n'est plus le cas actuellement, sont pointés du doigt par les rapporteurs. Ils soulignent qu’"en phase exploratoire, le public n’est jamais consulté" et qu’"en l’état actuel du droit, il serait peu probable qu’un préfet bloque des travaux miniers", la marge d’appréciation laissée à l’autorité administrative étant "bien faible". Dès lors, le Code minier doit selon eux être réformé afin d’être plus précis sur le plan technique et de pouvoir "prendre en compte le sentiment des territoires" dans les procédures d’attribution des permis de recherche. Ils préconisent que l’ouverture de travaux de recherche ne soit plus soumise à la procédure de déclaration simplifiée mais bien à la procédure normale d’autorisation, afin de réintroduire pour chaque projet une phase d’enquête publique. Enfin, la fiscalité dans le domaine doit être revue pour qu’elle bénéficie mieux aux collectivités locales.