Transports - Gares de demain : un chantier qui motive et inquiète les élus
Le 22 juin, une journée consacrée aux relations entre villes et gares a été organisée par plusieurs acteurs dont l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), l'Association des régions de France (ARF) et le Groupement des autorités responsables de transport (Gart). C'était la seconde du genre. Dès son ouverture, Guillaume Pepy, président de la SNCF, a pointé le problème de financement que pose l'immense chantier de requalification des gares. Il propose trois pistes pour soutenir cet élan : privilégier la rénovation à la construction, réunifier gare routière et ferroviaire et tirer parti dans ces pôles multimodaux de l'articulation entre les moyens de transports afin de générer des économies à tous les niveaux. "Avant chaque projet, une solide phase de diagnostic est nécessaire. Avec les gares, on est dans l'aménagement du territoire, l'enjeu vaut donc de figurer au cœur des schémas de cohérence territoriale (Scot)", a recommandé Jean-Marc Michel, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature au ministère de l'Ecologie. Après avoir relevé "l'attachement identitaire" des maires à leurs gares et salué l'effort déployé pour développer les services en gare et "humaniser la culture transport", la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a invité les acteurs du secteur à considérer la prochaine entrée en gare de la concurrence non comme une contrainte, mais comme une opportunité pour renforcer l'identité de ces lieux, "qui sont la porte d'entrée des villes et forgent leur image". Elle a par ailleurs annoncé que le "décret Gares" attendu pour encadrer leur gestion sera prêt cet été.
La place des élus
"Dans cette forme de gouvernance partagée qui est à renforcer pour développer nos gares, l'élu a évidemment un rôle clé à jouer", a poursuivi André Rossinot, secrétaire général de l'AMGVF et premier vice-président de la Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU). Le maire de Nancy a rappelé l'intérêt du schéma de gouvernance élaboré par le groupe de travail qu'il préside et qui est commun à ces deux structures. Dévoilé l'an dernier, ce modèle distingue dans chaque projet le volet transport du volet impactant plus spécifiquement l'aménagement. Chacun des deux est piloté par un cercle de travail réunissant plusieurs acteurs (dont des élus), l'ensemble étant chapeauté par un "conseil de gouvernance". Il a ajouté que ce dossier de la gouvernance des gares était indissociable de la montée en flèche de l'intercommunalité. En effet, pour beaucoup, le débat sur les montages financiers à même de soutenir le renouveau des gares doit se faire à l'échelle intercommunale. "C'est à cet échelon qu'il peut y avoir un chef d'orchestre afin de faire de la gare un lieu fédérateur et non un lieu qui divise", a renchéri Louis Nègre, sénateur-maire de Cagnes-sur-Mer et premier vice-président du Gart.
Transformer les gares en pôles d'échanges
La dynamique de conventionnement et de contractualisation s'accélère dans les grandes et moyennes villes. Deux exemples. Pour construire un pôle d'échanges multimodal (PEM), la ville de Cannes vient de signer une convention avec la SNCF qui encadre les études et le financement des travaux s'étalant jusqu'en 2015. Ce financement sera partagé, puisqu'aux côtés de la SNCF figurent pas moins de cinq acteurs mettant la main à la poche, dont la région Paca (11,8 millions d'euros), le département des Alpes-Maritimes (4 millions d'euros) et la ville de Cannes (5 millions d'euros). "Les mentalités ont changé car en Paca, il y a quinze ans, dire aux élus d'investir dans les gares était malvenu à l'heure du tout voiture", a commenté un brin moqueur Louis Nègre. A Rennes, c'est un contrat de pôle d'un tout autre genre qui sera bouclé la semaine prochaine. Fruit de deux ans de travail, il fixera les contours financiers et techniques du futur PEM, amené à devenir le poumon de la future ZAC EuroRennes. Premier coup de pioche en 2013. Tout autour sont prévus des travaux de requalification des abords de voies ferrées, et ce jusqu'aux berges de la Vilaine, avec pour modèle l'Euralille du centre de Lille. Le programme sera livré en deux temps - 2016 puis 2019 - qui ont été calés sur l'arrivée de nouveaux flux : futures LGV Le Mans-Rennes et ligne B du métro rennais. "La métropole et la région participent au financement aux côtés de la SNCF et de RFF. On souhaite tous qu'un rapport gagnant-gagnant domine dans ce projet. Le modèle de financement reste perfectible et des solutions sont à inventer pour que les collectivités y prennent plus de place", a expliqué Daniel Delaveau, maire de Rennes et président de Rennes Métropole. "S'investir plus et financer, les régions le voudraient bien mais on leur a coupé l'herbe sous le pied depuis qu'elles n'ont plus de fiscalité propre", a rebondi Alain Rousset, président de l'ARF et du conseil régional d'Aquitaine Selon lui, les problèmes de financement en région sont très sérieux. Au point que certaines d'entre elles envisagent d'annuler leurs commandes de rames TER (nouvelle gamme Regiolis). Il a conclu : "Et à Bordeaux, qui paiera pour les aménagements que nécessite le développement du TGV ? A moins qu'elle décide de réduire ses investissements dans les lycées - ce dont je doute - la région ne le pourra pas. Les arbitrages à venir s'annoncent donc très délicats."