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Mobilité - Gare contemporaine : les suites du rapports Keller

Trois mois après sa remise au Premier ministre, le rapport de la sénatrice Fabienne Keller sur la gare contemporaine continue à alimenter les débats. Le 24 juin, Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a réuni les principales parties prenantes - opérateurs de transport, autorités organisatrices, collectivités territoriales à travers leurs principales associations - pour dresser un état des lieux des suites données aux préconisations du rapport. Dans le cadre d'un "grand plan des petits travaux" proposé par la sénatrice du Bas-Rhin pour améliorer le quotidien des voyageurs, la SNCF, RFF et la RATP ont annoncé 170 millions d'euros d'investissements en 2009 et 2010. Par ailleurs, à la demande de Dominique Bussereau, la SNCF a créé en son sein une nouvelle direction nommée "Gares et connexions" indépendante de ses activités d'entreprise ferroviaire. De leur côté, les associations d'élus se mobilisent aussi autour de la question des gares. L'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) va prochainement mettre en place un groupe de travail sur le sujet, sous la houlette d'André Rossinot, maire de Nancy.

 

Les élus en première ligne

L'association TDIE, qui fédère l'ensemble des acteurs des transports (professionnels, élus nationaux et territoriaux, experts et universitaires) prend elle aussi part au débat. Elle a organisé le 25 juin à Paris une conférence sur le thème "La gare contemporaine : quelle gouvernance ? Quel modèle économique ?" Fabienne Keller a rappelé en introduction les grandes lignes de son rapport en insistant sur les enjeux essentiels : affirmer la gare comme "centre de l'intermodalité" autour duquel s'organise toute la chaîne des transports, du ferroviaire aux transports doux, l'adapter à des flux de voyageurs en forte croissance d'ici à 2020, en faire un nouveau centre de la ville et remédier au fractionnement des acteurs qui freine aujourd'hui l'émergence des projets. Pour Yves Crozet, professeur agrégé d'économie à l'université de Lyon, "il ne faut pas hésiter à modifier le partage des responsabilités actuel". "Les élus ont à jouer un rôle clef, non seulement pour les petites gares, où ils peuvent développer des services municipaux mais aussi dans les grandes agglomérations où la gare est appelée à devenir un lieu central où l'on trouvera à la fois des services marchands et non-marchands, a-t-il affirmé. Ils doivent tirer le train de tous les acteurs."
Sophie Boissard, directrice de SNCF Gares et Connexions, a abondé dans ce sens. "Les gares sont la porte d'entrée sur un territoire et les projets ne naissent que quand ils sont portés par les élus comme c'est le cas par exemple à Dijon, Vichy, Nantes ou Orléans où il y a eu rencontre entre un projet urbain et un projet de transformation de la plate-forme gare." Un point de vue partagé par Bernard Soulage, premier vice-président de la région Rhône-Alpes chargé des transports. "La gare est un problème urbain complexe qui doit relever du maire ou du président d'agglomération", a-t-il tranché.
Les opérateurs de transport se montrent plus réservés sur l'élargissement du périmètre des gares, sur la valorisation de leurs emprises et sur le partage des responsabilités. "Avec le développement du transport public, les gares vont d'abord avoir besoin de se développer pour elles-mêmes comme équipements ferroviaires et de mobilité, a souligné Bruno Gazeau, délégué général de l'UTP. Beaucoup d'acteurs sont concernés et un comité des parties prenantes doit les réunir sur la base d'un cahier des charges bien précis." Antoine Hurel, directeur général adjoint de Veolia Transport, s'en est pris au lien qu'il a qualifié de "consanguin" entre SNCF Gares et Connexions, gestionnaire opérationnel des gares, et le transporteur ferroviaire SNCF. Selon lui, sa filiale de transports urbains et interurbains Keolis est déjà avantagée aujourd'hui. Dans la perspective de l'ouverture à la concurrence du trafic grandes lignes à l'international en décembre prochain, comment l'égalité de traitement entre opérateurs sera-t-elle garantie ?, a-t-il demandé. "Nous allons avoir une autorité de régulation des activités ferroviaires qui regardera les conditions d'accès à la gare, tranchera les litiges, s'assurera que chaque transporteur sera traité de façon équitable et transparente et contrôlera l'activité de gestionnaire de gare de la SNCF, qui s'inscrit dans le cadre d'une mission de service public", lui a répondu Sophie Boissard. Pour Bernard Soulage, les questions à traiter en priorité seront celles de l'occupation des voies et de l'organisation des flux en gare pour faciliter la vie du voyageur.

 

Des recettes extra-ferroviaires limitées

Sur le modèle économique qui permettrait à une gare d'être rentable, les avis sont réservés. Les recettes extra-ferroviaires ne couvrent aujourd'hui que 20% des coûts d'exploitation d'une gare contre plus de 40% dans un aéroport comme celui de Lyon Saint-Exupéry. "Pour construire un modèle économique différent, il faudrait changer d'échelle", a souligné Sophie Boissard.Toute la question est de savoir si la gare doit être avant tout le lieu de services collectifs gratuits, financés par les impôts ou de services marchands. Pour Sophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif), il y aura toujours des services fondamentaux à apporter aux voyageurs qui ne sont pas rentables mais côté recettes, certaines solutions simples pourraient être mises en oeuvre. "Quand on réalise une ZAC, on pourrait instaurer une contribution au montage financier du projet de transport", a-t-elle suggéré.

 

Anne Lenormand