Remaniement - François de Rugy succède à Nicolas Hulot à la Transition écologique
Une semaine après le départ de Nicolas Hulot, François de Rugy, qui présidait l'Assemblée nationale depuis le début de la mandature, a été nommé ce 4 septembre ministre de la Transition écologique et solidaire.
C’est finalement le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, qui s’est vu confier la lourde tâche de succéder à Nicolas Hulot comme ministre de la Transition écologique et solidaire, avec, comme lui, le rang de ministre d’Etat. Sa nomination, annoncée par l’Elysée en fin de matinée ce 4 septembre, intervient dans le cadre d’un remaniement restreint qui voit également l'ancienne nageuse Roxana Maracineanu remplacer la ministre des Sports Laura Flessel (lire notre article de ce jour).
Âgé de 44 ans, François de Rugy obtient pour la première fois un portefeuille ministériel. Interrogé la semaine dernière sur RTL, après la démission fracassante de Nicolas Hulot, il avait affirmé n'être "candidat à rien". Mais il avait aussi écrit sur Facebook qu'en matière d'écologie, "on ne peut plus se dérober devant la nécessité de l'action".
Chantre d'une écologie "réformiste"
Ce diplômé de Sciences Po a d'abord été assistant parlementaire du groupe Radical citoyen et Vert de 1997 - date de son adhésion aux Verts, après un passage à Génération écologie - à 2002. De 2001 à 2008, il a été adjoint aux transports du maire de Nantes d'alors, Jean-Marc Ayrault, et vice-président de la communauté urbaine Nantes Métropole en charge des déplacements. Il a été élu député en 2007 puis en 2012, avec le soutien du PS. Chantre depuis toujours d'une écologie "réformiste", il avait rompu en août 2015 avec EELV, en critiquant la "dérive gauchiste" de ses camarades et leur choix de ne pas participer au gouvernement de Manuels Valls.
Candidat à la primaire organisée par le PS et ses alliés pour la présidentielle, il avait annoncé dans la foulée son ralliement à Emmanuel Macron, en dépit de son engagement à soutenir le vainqueur Benoît Hamon. Elu pour la troisième fois député de Loire-Atlantique aux législatives de 2017, cette fois sous l’étiquette LaREM, il présidait l'Assemblée nationale depuis le début de la mandature.
Les deux secrétaires d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique se sont aussitôt réjouis de la nomination de François de Rugy sur Twitter. "Heureux de la nomination de François de Rugy comme ministre d'Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire. A ses côtés avec Elisabeth Borne et Brune Poirson pour poursuivre une action écologique ambitieuse sous la responsabilité d'Emmanuel Macron et Edouard Philippe", a twitté Sébastien Lecornu. "Hâte de poursuivre et d'accélérer la mise en oeuvre de la #transitionécologique à tes côtés cher @FdeRugy", a réagi Brune Poirson.
Réactions prudentes de la part des ONG...
Du côté des ONG et acteurs de la transition écologique, la nomination de François de Rugy, qui ne bénéficie pas de la même notoriété que Nicolas Hulot, a suscité des réactions prudentes. "François de Rugy est une personnalité incontestablement écolo, avec la connaissance des dossiers, et il a le gros avantage d'être une personnalité de premier plan d'En Marche, a déclaré à l’AFP Géraud Guibert, président du think tank La Fabrique écologique. Tout le problème est de savoir ce qu'entendent faire le président et le gouvernement. Est-ce que les différents appels qui se sont multipliés ces derniers jours (en faveur de la transition écologique) les amèneront à avancer de manière plus offensive sur un certain nombre d'arbitrages ?".
"Il a un passé engagé sur l'environnement, notamment avec ses prises de positions anti-nucléaire, a réagi Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, lui aussi interrogé par l’AFP. La crainte est que sans changement de la part d'Emmanuel Macron et d'Edouard Philippe, il y a très peu de chances que François de Rugy fasse mieux que Nicolas Hulot. (...) Un autre marqueur fort sera la loi de mobilités et le souhait de Nicolas Hulot d'avoir un fonds important pour le développement du vélo et des modes de transport doux (...) on va aussi l'attendre sur la réforme de la PAC."
"Peu importe le nom du nouveau ministre. Nous jugerons cette nomination sur les actes, a aussi affirmé à l’AFP Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la nature et l'homme (ex-Fondation Hulot). La présentation du budget la semaine prochaine permettra de savoir si l'électrochoc de la démission de Nicolas Hulot a ouvert les yeux du gouvernement sur l'urgence de la situation".
"La désignation de François de Rugy comme successeur à Nicolas Hulot ne pourra être évaluée que sur la volonté du gouvernement de changer d’orientation et de mettre la transition écologique au cœur de sa politique. Nulle personnalité, seule et sans action collective déterminée, n'obtiendra une inflexion efficace de toutes les politiques publiques, seule susceptible de répondre aux enjeux déterminants qui sont devant nous", estime pour sa part Michel Dubromel, président de France Nature Environnement (FNE).
La LPO, que préside Allain Bougrain-Dubourg, affirme vouloir faire "tout son possible" pour accompagner le nouveau ministre "afin d’impulser le changement de paradigme tant attendu sur le double enjeu de la lutte contre le réchauffement climatique et contre la disparition dramatique des espèces (…)". "Au-delà de ce remaniement, la LPO attend que le plus haut sommet de l’Etat donne des preuves concrètes de sa volonté de changement afin que tous les ministères s’impliquent concrètement par un changement des pratiques et des comportements", souligne-t-elle dans un communiqué.
... et des acteurs des énergies renouvelables
Pour Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), "C'est un bon choix. On n'a aucun doute sur ses convictions en faveur des énergies renouvelables, mais est-ce qu'il aura le poids suffisant pour réussir là où Nicolas Hulot n'a pas réussi, c'est-à-dire à surmonter les oppositions des différents lobbies ? Il va peut-être profiter de l'électrochoc du discours de Nicolas Hulot."
Enerplan, qui regroupe les entreprises françaises du solaire, appelle pour sa part le nouveau ministre "à poursuivre la mobilisation" sur le solaire. La "détermination" de Nicolas Hulot "à faire progresser l'énergie solaire en France fut à la hauteur des attentes des acteurs" du secteur, qui affiche 4 priorités: la PPE (Programmation pluriannuelle de l'énergie), le lancement du prochain appel d'offres, la poursuite des efforts de simplification et l'encouragement de l'autoconsommation, a souligné Enerplan dans un communiqué.
"La transformation écologique urgente n'est pas le cap de l'action publique du gouvernement, estime pour sa part dans un communiqué l’ONG 350.org, qui milite pour l’arrêt des combustibles fossiles. A ce titre, François de Rugy sera appelé à devenir figure de proue de la politique des petits pas - qui ne se différencie en rien du déni climatique et environnemental. Peu importe le nom du ministre, la société civile a la responsabilité de se mobiliser pour contraindre les gouvernements, et nos institutions, à enfin agir. Nous serons au rendez-vous dès le 8 septembre partout en France et dans le monde pour des marches pour le climat."
LES PRINCIPAUX DOSSIERS SUR LE BUREAU DU NOUVEAU MINISTRE
En s’installant à l’Hôtel de Roquelaure, François de Rugy hérite de nombreux dossiers brûlants sur lesquels des choix devront être faits rapidement.
Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et nucléaire – Le débat public achevé, le nouveau ministre va devoir arrêter les choix pour la nouvelle feuille de route énergétique 2019-2023 et 2024-2028, avec la délicate question de la place du nucléaire. Alors que Nicolas Hulot avait annoncé en novembre dernier que la France ne pourrait pas tenir l'objectif de ramener sa part de 75% à 50% de la production d'électricité à l'horizon 2025, de nombreuses questions restent en suspens, comme le nombre de réacteurs à fermer. Le ministre démissionnaire avait promis un "échéancier" précis sur la fermeture de centrales. En jetant l'éponge, il a laissé entendre qu'il avait eu des difficultés à imposer ses vues. Un rapport commandé par son ministère et celui de l'Economie recommande la construction de six nouveaux EPR à compter de 2025. Bruno Le Maire a préconisé jeudi 30 août d'attendre que l'EPR de Flamanville (Manche) soit achevé avant de décider d'en bâtir d'autres.
Energies renouvelables - L'objectif est de développer les énergies renouvelables, alors que les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse en France en 2017. Après le solaire et l'éolien terrestre, l'avenir des énergies marines notamment est sur la table. Le résultat de l'appel d'offres du parc éolien marin de Dunkerque doit être annoncé en 2018, tandis qu'un appel d'offres pour l'île d'Oléron annoncé lors du précédent quinquennat, est attendu. Dans l'éolien flottant, les acteurs attendent un premier appel d'offres commercial. La France, mise en demeure par la Commission européenne en 2015 d'ouvrir à la concurrence ses concessions hydroélectriques, aurait proposé à Bruxelles la mise en concurrence de certaines concessions dès cette année qui limiterait la place d'EDF.
Transports - Alors que les transports sont la première source d'émissions de gaz à effet de serre en France, le projet de loi d'orientation sur les mobilités doit être présenté à l'automne. En cours de finalisation, le texte comprend des volets sur la programmation des infrastructures, l'évolution des compétences des diverses autorités locales, les mobilités propres (qualité de l'air, circulation en ville...). La partie "recettes" risque de faire grincer des dents, si l'Etat choisit d'instaurer une vignette poids lourds ou des péages sur des routes gratuites. Le ministère des Transports, qui dépend de celui de la Transition écologique, doit présenter en septembre un "plan vélo" visant à multiplier par trois la part du vélo d'ici 2024, avec la construction de pistes cyclables, des incitations... Les associations demandent 200 millions d'euros par an, ce que Nicolas Hulot avait qualifié de "faisable".
Loi Alimentation - L'examen au Parlement de la loi Alimentation, pilotée par le ministère de l'Agriculture mais suivie de près par Nicolas Hulot doit s’achever en septembre. Certains voudront-ils reparler du taux de bio dans les cantines ? Ou du glyphosate, alors que les députés avaient rejeté un amendement, soutenu par Nicolas Hulot, inscrivant la fin du pesticide d'ici trois ans ?
Constitution - Les députés ont donné en juillet leur feu vert à l'inscription de la "préservation de l'environnement" à l'article 1er de la Constitution. Mais l'examen de la révision constitutionnelle a été suspendu jusqu'à la rentrée.
Biodiversité - Après la présentation en juillet d'un plan biodiversité sans grandes mesures contraignantes, certains défenseurs de l'environnement craignent que cette question retombe dans l'oubli. Se pose la question de définir l'échéance de l'objectif de zéro artificialisation nette des sols ou la mise en oeuvre de la réforme de la chasse.
Budget et fiscalité – L’accélération de la transition écologique via la fiscalité environnementale était l’une des marottes de Nicolas Hulot. Qu’en sera-t-il dans le prochain projet de loi de finances ? Les dispositions qui doivent être prises dès le PLF 2019 pour financer la feuille de route pour l’économie circulaire présentée en avril dernier sont en tout cas très mal accueillies par les collectivités. Celles-ci revendiquent en outre l'affectation d'une grande partie de la contribution climat énergie aux politiques de transition énergétique portées par les régions et les intercommunalités (lire notre article ci-dessous).
Plan Ours - Nicolas Hulot avait annoncé au printemps la réintroduction à l'automne de deux nouveaux ours dans les Pyrénées. Le plan ours publié en mai évoque des lâchers, sans autre précision. Les éleveurs de brebis espèrent que le futur ministre renoncera à cette opération. L'Union européenne avait mis en demeure fin 2012 la France pour avoir manqué à ses obligations de protection de cette espèce.
Eau - La deuxième phase des Assises de l'eau se penchera sur la préservation de la ressource en eau. Un risque de querelle entre défenseurs de l'environnement et agriculteurs, en particulier sur l'irrigation.
Gaz - En juillet 2017, le Conseil d'Etat a jugé les tarifs réglementés contraires au droit européen, imposant à l'Etat de les supprimer. Le gouvernement envisage une fin à l'horizon 2023 pour tous les particuliers, mais doit préciser comment la mettre en oeuvre.
A.L. avec AFP