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Formation professionnelle - François Bonneau : "On assiste au début du démantèlement de l'Afpa"

En plein chantier sur la réforme de la formation professionnelle, le torchon brûle entre l'Etat et les régions autour de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). Lors de l'assemblée générale de l'Afpa, la semaine dernière, le secrétaire d'Etat à l'Emploi a confirmé le transfert de l'activité orientation de l'association au profit de Pôle emploi. Pour le président de la région Centre, François Bonneau, représentant de l'ARF à l'assemblée générale de l'Afpa, c'est le début d'un démantèlement.

 

Localtis : Le gouvernement vient de confirmer le transfert de l'activité orientation de l'Afpa à Pôle emploi. Quelle incidence cela peut-il avoir ?

François Bonneau : Les régions avaient proposé qu'elles puissent maintenir un lien fort avec l'Afpa pour ce pôle d'orientation et psychologique. Ce qui allait dans le sens de la création d'un véritable service régional de l'orientation en lien avec l'Afpa. La décision du gouvernement ignore complètement cette proposition et pose l'acte de transfert. Elle ne peut que conduire à  une dénaturation de ce que fait ce pôle aujourd'hui. On assiste au début du démantèlement de l'Afpa.

 

Du point de vue des bénéficiaires, n'est-il pas logique d'associer l'orientation à la recherche d'emploi ?

Les personnels de ce pôle accueillent les futurs bénéficiaires et, pour un certain nombre d'entre eux, assurent un accompagnement, pour enchaîner ensuite dans le cadre d'un processus d'orientation maîtrisé. Si le pôle est placé à l'extérieur de l'Afpa, l'accompagnement sera rendu difficile, voire impossible.

 

Autre sujet d'incertitude : la question du patrimoine qui sera transféré de l'Etat à l'Afpa...

Les annonces faites par le secrétaire d'Etat écartent la proposition des régions de se porter acquéreur des locaux et des équipements de l'Afpa. Elles ont déjà un patrimoine très important avec les lycées et les lycées professionnels. Ces bâtiments feraient croître leur patrimoine de 5 à 10% en volume. Elles pourraient donc très bien le gérer. Mais ce n'est pas le choix de l'Etat qui veut faire de l'Afpa à la fois le propriétaire et le responsable de ces centres. Comment va-t-elle financer les travaux ? En augmentant considérablement ses coûts alors qu'ils sont déjà jugés élevés par rapport à  la concurrence ?
L'ensemble de ces éléments a été tranché dans le sens d'une entrée totale de l'Afpa dans le champ de la concurrence. Or s'il est un domaine de service public, c'est bien celui de la formation. L'Etat pouvait agir différemment, demander, comme l'Europe le suggérait, que la formation des demandeurs d'emplois soit reconnue comme un service économique d'intérêt général (SIEG), avec la possibilité de ne pas passer par appel d'offres.

 

Pourtant l'Europe elle-même est plutôt réservée dans la définition de services économique d'intérêt général ?

L'Europe n'est pas très allante mais n'a pas interdit, au contraire, de prendre cette direction. Elle a interpellé les Etats au printemps dernier pour qu'ils lui fassent connaître les secteurs pour lesquels ils souhaitaient un classement des catégories de SIEG. Juste avant l'été, les régions ont ainsi proposé que plusieurs actions soient reconnues comme missions de service public : la qualification professionnelle, en vertu du principe que tout individu a le droit de bénéficier d'une qualification professionnelle, les reconversions en cas de plans sociaux, et la formation accessible tout au long de la vie, un secteur dans lequel l'Afpa assure un service de proximité. Notre proposition n'a jamais été prise en compte.

 

Etes-vous hostile à toute forme de concurrence ?

Nous considérons qu'une partie de la formation, pour pouvoir être délivrée à tous les ayants droit, doit s'organiser autour du service public. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de place pour le marché. Dans notre région, les appels d'offres représentent déjà 30 millions d'euros. Mais pour les demandeurs d'emplois, il faut des actions organisées autour de l'hébergement, l'orientation, la certification. Ce n'est pas le marché qui peut y répondre.

 

Vous avez obtenu un report pour le lancement des procédures d'appel d'offres qui, initialement, devaient démarrer au 1er janvier 2009. Quel va être le calendrier à présent ?

L'Etat a été obligé de reconnaître que la suppression des subventionnements pour 2009 n'était pas réalisable et a accordé un délai d'un an supplémentaire. Cela donnera le temps de réfléchir, considérer par exemple que telle partie de l'Afpa relève de l'appel d'offres et telle autre non. 2009 doit servir à clarifier cette situation mais force est de constater que pour le moment, il n'y a pas de dialogue.

 

Plus généralement, quelle est votre vision sur le chantier de la réforme professionnelle ?

Le gouvernement manifeste la volonté de réduire la place des partenaires sociaux et d'ignorer totalement les régions. On assiste à une tentative de reprise du pouvoir. La formation professionnelle est vue par le gouvernement comme une manne financière dont il est bon de s'assurer le contrôle. Ce n'est pas en reconcentrant la formation qu'on la fera évoluer dans le sens des besoins.

 

Propos recueillis par Michel Tendil