France ruralités revitalisation : le nouveau zonage crée des tensions
Des projets de carte du nouveau zonage de France ruralités revitalisation (qui remplacera les ZRR à compter du 1er juillet) commencent à circuler dans les départements. Mais le passage à la maille intercommunale engendre l'éviction de nombreuses communes. La ministre Dominique Faure assure que personne ne sera laissé sans solution.
L'inquiétude monte à quelques mois de l'entrée en vigueur de France ruralités revitalisation, le nouveau dispositif qui va remplacer les zones de revitalisation rurale au 1er juillet 2024. Cette réforme est "malheureusement loin de faire l'unanimité dans les territoires" et le constat est même "alarmant", selon le sénateur du Doubs Jean-François Longeot (Union centriste), président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. "De nombreux élus locaux (…) parlent même déjà d'un fiasco en raison de nombreuses aberrations du nouveau régime de zonage et des inégalités territoriales qui subsistent, voire s'aggravent", a-t-il fustigé, jeudi 28 février lors des questions au gouvernement.
"Des départements entiers voient leurs communes sortir du classement, à l'instar de la Moselle ou du Rhône, et d'autres, partiellement, comme la Haute-Loire ou le Jura. C'est peu dire que cette réforme produit du désespoir", a-t-il poursuivi. Autre département touché : la Saône-et-Loire dont le député Renaissance Rémy Rebeyrotte vient d'écrire au gouvernement pour lui demander un correctif.
Ces départements font les frais des critères de classements retenus à l'article 73 de la loi de finances pour 2024. Cette réforme est le fruit de longues discussions. Créées en 1995 pour encourager des installations, créations ou reprises d’entreprises par le biais d'exonérations fiscales et de cotisations patronales, les ZRR étaient effet sur la sellette depuis quelques années, de nombreuses voix contestant leur efficacité. Le Sénat s'est montré à cet égard un ardent défenseur du dispositif (voir nos articles du 20 avril 2022 et du 11 avril 2023). Finalement, le gouvernement a décidé de les pérenniser en modifiant les critères de classement tout en maintenant une maille intercommunale (et non pas communale comme le préconisaient les sénateurs).
Deux niveaux d'intervention
Deux niveaux d'intervention sont prévus en fonction des difficultés du territoire. Le niveau socle "FRR" s'adresse aux communes dont la population est inférieure à 30.000 habitants et qui sont membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre remplissant une double condition :
- sa densité de population est inférieure ou égale à la densité médiane nationale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de France métropolitaine ;
- son revenu disponible médian par unité de consommation est inférieur ou égal à la médiane des revenus médians par établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de France métropolitaine.
Le deuxième niveau s'appelle "FRR+" et donne accès à un soutien renforcé. Il concerne les communes classées dans une zone France ruralités revitalisation et membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre "confronté sur une période d'au moins dix ans à des difficultés particulières, appréciées en fonction d'un indice synthétique". "Cet indice est établi, selon des modalités fixées par décret, en tenant compte des dynamiques liées au revenu, à la population et à l'emploi dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés", est-il précisé.
"Le classement des communes en zone France ruralités revitalisation et en zone France ruralités revitalisation 'plus' est établi par arrêté des ministres chargés des collectivités territoriales et du budget. Il est révisé tous les six ans", précise le texte.
Cas particuliers
Mais en plus de ces deux cas de figure, la loi a prévu des cas particuliers. Les zones de montagne ont un accès privilégié. De même que les communes de Guyane et de La Réunion comprises dans une zone spéciale d'action rurale délimitée par décret. Se pose aussi la question des départements en déprise. Fin septembre, lors du congrès des maires ruraux à l'Alpe d'Huez, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, avait indiqué que le nouveau zonage allait intégrer de droit "toutes les communes des six départements ruraux les plus fragiles de France (Cantal, Creuse, Haute-Marne, Indre, Meuse, Nièvre)". En réalité, il ne s'agit pas de toutes les communes puisque là encore un seuil de 30.000 habitants est retenu. La loi précise que ces départements doivent avoir une densité de population inférieure à trente-cinq habitants par kilomètre carré et un revenu disponible médian par unité de consommation inférieur ou égal à la médiane des revenus médians disponibles par unité de consommation par département. Un changement de critères intervenu au dernier moment (le texte ayant été adopté par un recours au 49-3). Ainsi, contrairement aux annonces gouvernementales, la ville de Nevers se trouve exclue du zonage, ce qui avait valu une vive réaction du sénateur de la Nièvre Patrice Joly et du président du conseil départemental, Fabien Bazin, évoquant un "coup de poignard".
Une latitude donnée au préfet de région
Par ailleurs en application de cette double conditionnalité (densité et revenu) appliquée à l'échelle intercommunale, de nombreuses communes sont sorties des projets de zonage qui ont commencé à circuler et sont plongées dans l'incompréhension. Pour le sénateur Jean-François Longeot, ce n'est pas faute d'avoir alerté le gouvernement. "Il est vrai que certaines communes ne satisfont pas aux critères fixés par la loi et qu'elles ne seront donc plus zonées. Ces communes étaient maintenues artificiellement depuis 2015 dans le zonage", rétorque la ministre. L'ancien zonage était devenu "inéquitable, illisible et peu efficace", souligne-t-elle indiquant que "7% des communes zonées depuis 2015 se saisissaient du dispositif". La réforme permettra "de zoner 17.700 communes, contre seulement 13.500 précédemment", souligne-t-elle. Des chiffres assez étonnants puisque 17.700 est justement le nombre de communes actuellement classées en ZRR. Dans un rapport de 2023, le sénateur LR Rémy Pointerau proposait d'élargir le zonage à 19.000 voire 24.000 communes.
Toutefois, il est à noter aussi que la loi prévoit que, "lorsque l'intérêt général le justifie", le préfet de région pourra proposer "à titre complémentaire" de classer les communes de moins de 30.000 habitants appartenant à un bassin de vie (et non un EPCI) remplissant la double condition de densité et de revenu disponible médian des bassins de vie (tels que définis par l'Insee). Or pour la ministre tout n'est pas encore figé. "Le zonage n'entrera en vigueur que le 1er juillet prochain. Nous avons donc du temps pour faire le point territoire par territoire. Fidèles à nous-mêmes, nous ne laisserons personne sans solution", assure Dominique Faure.