Réforme des ZRR : les sénateurs prennent les devants
Dans la lignée de son récent rapport, le sénateur LR Rémy Pointereau vient de déposer une proposition de loi visant à réformer le dispositif des zones de revitalisation rurale, en partant de la maille communale, afin de le rendre "plus juste et mieux ciblé". Une façon de prendre les devants sur le gouvernement dont la réforme tarde à venir, alors que le dispositif actuel touche à sa fin au 31 décembre.
"Il était urgent d'agir." Les sénateurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable prennent le gouvernement de vitesse sur la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) qui tarde à venir. Dans la lignée de son rapport publié en avril (voir notre article), le sénateur Rémy Pointereau (LR, Cher) a présenté mardi 30 mai une proposition de loi, déjà cosignée par une cinquantaine de sénateurs, pour relancer ce dispositif créé en 1995, souvent décrié et en sursis depuis plusieurs 2015. Alors que le dispositif des ZRR arrive à échéance à la fin de l'année, il espère un examen "dès que possible" de son texte, même si, au vu de l'embouteillage du calendrier parlementaire, ce ne sera pas possible avant le mois d'octobre. Les ZRR "ont fait la preuve de leur efficacité" mais "sont un peu à bout de souffle", a affirmé le sénateur qui ne souhaite pas se contenter du statu quo. Depuis plusieurs mois, après pléthore de rapports sur le sujet, le gouvernement travaille à sa propre réforme, sous l'égide du préfet François Philizot, directeur de l'Observatoire des territoires. La pérennisation du dispositif est bien à l'ordre du jour comme l'a réaffirmé la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité Dominique Faure, le 25 mai, lors de la première session territoriale du Parlement rural, à Savines-le-Lac (Hautes-Alpes). Mais pour le moment, rien n'a filtré sur ses intentions, si ce n'est une préférence de la ministre pour le maintien de la maille intercommunale. Ce à quoi s'opposent les sénateurs pour lesquels le classement doit désormais se faire au contraire sur une base communale. Ce qui permettrait de "mieux coller à la réalité du terrain" et ne plus pénaliser des communes fragiles situées dans des intercommunalités plutôt aisées. Phénomène accentué par la constitution des "intercos XXL". Selon eux, le gouvernement n'a pas d'autre choix que "de proposer une remise à plat complète du zonage et des bénéfices qui lui sont attachés".
Trois niveaux de priorité
La proposition de loi vise à rendre le dispositif "plus juste et mieux ciblé". Le modèle proposé – qui aurait déjà reçu l'assentiment de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et de l'Association des maires de France (AMF) – envisagerait de revoir les deux critères actuels (densité de population et revenu médian). Pour être retenue, la commune devrait répondre à un critère de densité démographique calculé à partir de la nouvelle grille de l'Insee. Il est ensuite prévu de puiser dans un panachage de huit critères secondaires mesurant le niveau de vie et le cadre de vie de la commune : taux de chômage, déclin démographique, accès aux professionnels de santé, part d'agriculteurs et d'artisans ou commerçants, nombre d'équipements et de services accessibles au public choisis parmi les 188 références de l'Insee (bureaux de poste, écoles, hôpitaux, gymnases…), âge médian, taux de vacance des logements, contraintes topographiques. Trois de ces critères complémentaires seraient nécessaires…
Il en ressortirait un indice de fragilité qui permettrait de classer les communes selon trois niveaux de priorité avec des intensités d'intervention différentes. Le classement vaudrait pour six ans. Les sénateurs souhaitent proposer un système de sortie progressive pour éviter les effets de seuils. Au total, Rémy Pointerau estime que 24.000 communes pourraient être concernées, contre les 17.700 actuelles. "Cela va coûter plus cher, mais est-ce que la ruralité ne mérite pas plus ?", a interrogé Rémy Pointereau. "On parle rarement de milliards mis sur la ruralité", a-t-il déploré, rejoint par Didier Mandelli (LR, Vendée) mettant en balance les 386 millions d'euros dévolues aux ZRR en 2022 avec les 800 millions d'euros d'aides de l'Etat pour l'usine de batteries électriques de l'alliance ACC inaugurée dans le Pas-de-Calais, mardi (pour un total d'1,2 milliard de fonds publics). "C'est une question de survie pour certains territoires", a-t-il ajouté.
Le plan France ruralités présenté "dans les prochaines semaines"
Une façon de mettre la pression sur le gouvernement qui s'apprête à dévoiler avec quelques mois de retard son plan France ruralités. Outre la réforme des ZRR, celui-ci devrait comprendre une nouvelle offre d'ingénierie de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) reposant sur 100 chefs de projets. Il s'appuierait sur le déploiement de nouvelles solutions de service en matière de logement, de mobilité, de santé et d'égalité des chances… Dans une interview au Moniteur, parue le 29 mai, la ministre indique que ce plan sera présenté par Elisabeth Borne elle-même "dans les prochaines semaines", "afin de commencer à le mettre en œuvre dès cette année et dans le cadre du budget 2024".