France 2030 : "Chaque territoire a sa chance"
La moitié des 54 milliards d'euros du plan France 2030 seront affectés "aux acteurs émergents" (TPE, PME, PMI…) et "aux territoires émergents", a assuré mercredi le secrétaire général pour l’investissement (SGPI), Bruno Bonnell, devant les agences de développement économique. Mais ce sont bien les préfets de région qui seront les maîtres d'oeuvre, "en collaboration" avec les collectivités.
"On veut beaucoup plus travailler avec le terrain, avec les territoires, dans cette logique d’innovation, d’excellence." Devant les représentants des agences de développement économique réunies le 1er juin dans les locaux de la Caisse des Dépôts, sous l’égide du Cner, le patron du plan France 2030 a assuré vouloir rompre avec la logique du plan de relance et sa multitude d’appels à projets. Lui veut "de l’excellence partout et pour tous". Un message que le secrétaire général pour l’investissement (SGPI) Bruno Bonnell souhaite voir relayé par les acteurs locaux. On ne parle plus de 30 milliards d’euros mais de 54 milliards d’euros, le plan ayant officiellement absorbé les crédits du programme d’investissement d’avenir (PIA). Une somme loin d’être "anecdotique" qui servira à "dérisquer l’innovation pour accompagner une véritable transformation sociétale", assure le fondateur d'Infogrames Atari. Or selon lui, "50% de ces crédits seront affectés aux acteurs émergents (TPE-PME, PMI…) mais aussi aux territoires émergents". "On peut attendre des territoires inattendus (…). On redistribue les cartes, chaque territoire à sa chance, une chance objective", promet-il.
"Un plan d’expression des territoires"
Le plan s’articule autour de "cinq pôles majeurs" : la prévention-santé, la transition écologique et énergétique, la connaissance (y compris l’éducation et l’enseignement supérieur), la souveraineté numérique et les "nouvelles frontières" (conquête spatiale, exploration des fonds marins…). Le SGPI ne veut pas rééditer le PIA lancé par Nicolas Sarkozy et repris par ses successeurs, qui s’est traduit par de fortes disparités territoriales. En Auvergne-Rhône-Alpes, trois départements (Rhône, Isère et Puy-de-Dôme) ont accaparé 75% des crédits depuis l’origine du PIA, a indiqué l’ancien député du Rhône (LREM). Alors que le Cantal n’a eu droit qu’à 0,2% ! A l’inverse, France 2030 se veut "un plan d’expression des territoires". "C’est là où la compétition est saine. Il s’agit de trouver des pépites et de les remonter."
Pourtant, il le reconnaît lui-même, ce n’est pas le chemin qu’a pris le plan depuis son lancement tambour battant à la fin du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. C’est même une "avalanche d’appels à projets" qui sont tombés en quelques semaines. "J’en ai signé 42 en quatre mois, je ne sais même pas si la plupart trouvent clients", dit-il, rappelant que 15% des crédits du PIA ont été "sous-employés", c’est-à-dire passés à la trappe. Il faut "renverser la vapeur", en partant des projets. Les montages financiers ne viendront qu’après. Mais la "décentralisation" réclamée de vive voix par les associations d’élus passera par la case "préfets de région… en collaboration avec les présidents de région". "Ce n’est pas un outil politique, c’est un outil de développement du territoire, insiste le SGPI qui se sait observé de près par les élus. Ce n’est pas le plan de relance, pas un plan guichet. C’est un concours, plus un examen." En octobre 2021, Emmanuel Macron avait défini une dizaine de "grands défis technologiques", avec l’objectif de faire émerger des champions industriels. Chacun d’eux fait l’objet d’une feuille de route volontairement très large. Celles-ci circulent actuellement entre les directions de Bercy, avant d'être envoyées dans les ministères, puis les préfectures régionales. Les procédures d’appels à projets ou d’appels à manifestation d’intérêt vont être "considérablement simplifiées" d’ici le mois de septembre. Les candidats n’auront que deux pages à remplir au lieu des liasses actuelles. Bruno Bonnell veut "éviter de faire des ingrats ou des aigris".
"Si on ne prend pas en compte les gens, le système se grippera"
Alors que le pays est aujourd’hui englué dans une nouvelle crise (approvisionnements, inflation…), Bruno Bonnell insiste sur la raison d’être du plan : préparer "le monde d’après", et non régler les problèmes du "monde de près". Interpellé par quelques élus sur les difficultés de recrutement et le "désintérêt des jeunes" pour les métiers industriels, il considère que c’est un "sujet majeur". France 2030 prévoit un programme de 1 million de formations aux "métiers d’avenir", dans l’intelligence artificielle mais pas seulement. "On manque de 6.000 soudeurs en France", souligne-t-il. Si les crises actuelles ont "accéléré le besoin de transformation" de l'économie (notamment par la décarbonation), "l'optimisation numérique" a montré ses limites. Car "les algorithmes ne remplacent pas les battements de cœur". "Si on ne prend pas en compte les gens, le système se grippera."