Cour des comptes - Formations sociales : "Les conditions d'une décentralisation réussie ne sont pas réunies"
Comme elle le fait désormais régulièrement, la Cour des comptes revient, dans son rapport annuel 2008, sur les suites données à certaines de ses observations formulées dans les éditions précédentes. Elle a choisi ainsi de se pencher sur les suites du chapitre de son rapport 2006 consacré au "rôle de l'Etat dans la formation des travailleurs sociaux après la décentralisation".
Les articles 52 à 55 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales ont en effet donné compétence aux régions pour définir et mettre en oeuvre la politique de formation des travailleurs sociaux. Mais l'Etat conserve d'importantes compétences en matière de fixation des orientations des formations sociales, ainsi que de création, d'organisation et de délivrance des diplômes de travail social. Dans son rapport 2006, réalisé juste après le transfert - effectif le 1er janvier 2005 -, la Cour avait insisté sur le fait que le succès de la décentralisation en ce domaine reposait très largement sur le bon accomplissement de la mission de l'Etat. Les inquiétudes portaient notamment sur la création ou la redéfinition complète des diplômes - pour les adapter à la validation des acquis de l'expérience (VAE) -, sur l'organisation d'un cadre national pour leur obtention, sur le contrôle de la qualité des formations et sur l'adaptation du système d'information au contexte nouveau créé par le partage des compétences.
Deux ans après, la Cour considère que "les conditions d'une décentralisation réussie ne sont pas réunies". Elle va même plus loin en remettant en cause les conditions mêmes du partage des compétences. Le rapport juge qu'"il apparaît en effet difficile, à l'expérience, de tirer tous les bénéfices du transfert aux régions de la formation des travailleurs sociaux tout en maintenant, pour l'essentiel, les attributions de l'Etat sur les aspects pédagogiques". Plus précisément, la Cour constate que le guide méthodologique sur la mise en oeuvre de la déclaration préalable en matière pédagogique est toujours en cours d'élaboration, ce qui crée des difficultés au niveau des Drass. Au-delà de cet aspect organisationnel, le rapport s'interroge sur la valeur ajoutée de cet agrément préalable.
Autre point faible relevé par la Cour des comptes : l'Etat n'a pas été en mesure de faire face à l'afflux des demandes de VAE, au point qu'il a fallu faire appel à un organisme extérieur (le Cnasea) pour gérer les dossiers. Les moyens de ce dernier (44 postes accordés par la convention au lieu des 95 demandés) ne permettant pas de faire face à toutes les demandes, il a fallu pratiquer une régulation de l'accès à la VAE, ce qui fait tomber le nombre de candidatures reçues de 35.000 en 2005 à 27.000 en 2006. Enfin, la Cour constate que les faiblesses du système d'information ne permettent pas de disposer des données qualitatives et quantitatives sur les emplois dans le secteur du travail social, pourtant indispensables pour piloter le schéma national et en évaluer les résultats.
Jean-Noël Escudié / PCA