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Europe - Fonds structurels : la Cour des comptes européenne pointe un taux d'infractions élevé

Dans un rapport publié le 4 octobre, la Cour des comptes européenne alerte sur le niveau élevé de non-respect des règles relatives aux aides d'Etat dans le domaine de la politique de cohésion. Pas moins de 20% des projets relevant de la politique de cohésion seraient affectés, alors même que les Etats membres détectent fort peu d'infractions en ce domaine. Les auditeurs de la Cour demandent des changements dans la manière dont les projets sont approuvés et contrôlés.

Dans un rapport publié le 4 octobre, la Cour des comptes européenne alerte sur le niveau élevé de non-respect des règles relatives aux aides d'Etat dans le domaine de la politique de cohésion. Les auditeurs de la Cour ont évalué le niveau de non-respect des règles en matière d'aides d'Etat dans la politique de cohésion pour une période de plusieurs années, jusqu'en 2014, et ont déterminé dans quelle mesure la Commission avait connaissance des causes de ces violations. L'enjeu est de taille : au cours de la période 2010-2014, les Etats membres ont octroyé des aides pour un montant moyen de 76,6 milliards d'euros par an, hors secteur financier, transport ferroviaire et services publics (postaux notamment), ce qui correspond à plus de 0,5% du PIB des Etats membres de l'Union.

20% des projets relevant de la politique de cohésion affectés

D'après le rapport, sur 828 projets relevant de la politique de cohésion audités entre 2010 et 2024, près de 20% sont affectés par des erreurs en matière d'aides d'Etat. De leur côté, les autorités d'audit des Etats membres ont décelé nettement moins d'infractions : le taux d'erreur obtenu par les Etats membres est de 3,6%, amenant le responsable du rapport, Oskar Herics, à déplorer une "attention insuffisante" des Etat membres sur ces sujets. Le rapport note aussi que la Commission,  jusqu'à la fin de 2012, ne vérifiait pas systématiquement si les grands projets respectaient bien les règles relatives aux aides d'Etat. Pour réduire ce risque, la Commission a introduit de nouvelles règles pour la période de programmation 2014-2020, règles qui "n'offrent pas toujours de certitude juridique", avertit la Cour.
Les infractions relevées se répartissent en quatre catégories : intensité trop élevée de l'aide, absence d'effet incitatif, aide d'Etat non détectée ou non notifiée, et enfin non-respect des exigences de contrôle. La Cour épingle ainsi la France pour un projet relevant du Fonds européen de développement économique et régional (Feder), portant sur la construction d'un bâtiment industriel, dans lequel l'autorité de gestion avait approuvé l'octroi d'une aide à titre d'aide "de minimis" (voir ci-contre notre article du 9 octobre 2015), en omettant de tenir compte de deux aides accordées préalablement au même bénéficiaire au cours d'une période de trois ans.
Ces constats sont corroborés par les contrôles effectués par la direction générale de la concurrence de la Commission européenne entre 2006 et 2014, qui révèlent un taux de 30% de cas "problématiques", avec un pic à 50% pour les services économiques d'intérêt général (Sieg). Sachant que l'appartenance à cette catégorie, qui inclut notamment les réseaux de transport, les services postaux et les services sociaux, n'est pas toujours facile à déterminer (voir ci-contre notre article du 15 décembre 2015).

"Imposer des "actions correctrices"

Les auditeurs font observer que la Commission a simplifié la législation relative aux aides d'Etat afin de réduire la charge administrative et d'améliorer la transparence, mais que, dans le même temps, elle a renforcé la responsabilité des Etats membres dans la conception et la mise en œuvre des mesures d'aide. Pour la Cour, ce "glissement de responsabilité" risque d'accroître le nombre d'erreurs relatives aux aides d'Etat, et engendre une situation qui devra faire l'objet "d'une attention continue."
Ils recommandent à la Commission d'imposer des "actions correctrices" lorsque les mesures d'aide ne respectent pas les règles relatives aux aides d'Etat, d'utiliser sa base de données sur les aides d'Etat de manière à permettre une "analyse aisée" des irrégularités, ainsi qu'un suivi régulier de la capacité des Etats membres à respecter les règles en vigueur.
La Cour invite la Commission à n'approuver les grands projets qu'après avoir validé en interne les aides d'Etat concernées, à demander systématiquement aux Etats membres de notifier leurs aides, à renforcer l'étendue et la qualité des contrôles effectués par les autorités d'audit, et enfin, à user de ses prérogatives pour suspendre les paiements aux Etats membres concernés dans le cas où les conditions en matière d'aides d'Etat n'auraient pas été remplies.
Reste à savoir comment ces recommandations, qui vont dans le sens d'un renforcement des contrôles, s'accorderont avec l'objectif de simplification de la mise en oeuvre des fonds structurels et d'investissement européens (Fesi), affiché par la Commission, suite aux recommandations formulées par un groupe d'experts fin septembre dernier.
 

 

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