Fonds européens : Élisabeth Borne sonne la mobilisation générale

Alors que grossit la crainte d’une montée du vote eurosceptique aux prochaines élections européennes, la Première ministre a mis en avant, en conseil des ministres, l’importance des fonds européens pour la France. Elle a dans le même temps invité à la mobilisation générale pour consommer ces fonds, qui peinent à trouver preneurs. Des plans d’action pour chaque ministère devraient notamment être définis d’ici le premier trimestre 2024.

À l’approche d’élections européennes redoutées, la Première ministre a présenté en conseil des ministres du 8 novembre dernier une communication "destinée à souligner l’importance des fonds européens pour l’Europe et pour la France". 

Deuxième bénéficiaire…

Alors que l’euroscepticisme semble gagner du terrain, Élisabeth Borne y a notamment rappelé que "la France est le deuxième pays bénéficiaire des fonds européens" (derrière la Pologne). Sans compter qu’à "ces fonds s’ajoutent bien sûr aussi, d’une part, les prêts consentis par la Banque européenne d’investissement, relayés également en France par la Caisse des Dépôts et Consignations et BPI France", mais encore "les fonds mobilisés dans le cadre du plan de relance européen lancé (…) en réponse à la crise pandémique", a-t-elle précisé. Et de mettre en exergue qu’"à ce titre, ce sont près de 40 milliards d’euros que la France recevra jusqu’en 2026". À la condition toutefois que la France tienne ses engagements et qu'elle présente une trajectoire de ses finances publiques, ce qui sera le cas avec la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 pour laquelle le gouvernement a pour la seconde fois sorti le 49.3 ce lundi, en l'absence d'Élisabeth Borne, en déplacement officiel à Dublin pour évoquer les enjeux européens avec son homologue irlandais Leo Varadkar (voir notre article du 22 septembre et celui du 28 septembre). Bref, comme le soulignaient naguère le président de Leader France (voir notre article du 17 octobre 2023) ou la représentation de la Commission européenne en France (voir notre article du 24 octobre), l’heure est à la promotion.

… et deuxième contributeur

Dans le même temps, Élisabeth Borne a souligné que "la France fait partie des premiers contributeurs au budget de l’Union européenne" – le deuxième précisément. Elle aurait pu ajouter que la France constitue également le deuxième "contributeur net" au budget de l’UE (elle donne plus qu’elle ne reçoit), devant notamment contribuer au financement des rabais récemment consentis au Danemark, à l’Allemagne, aux Pays-Bas, à l’Autriche et à la Suède (voir notre article du 16 novembre 2020). Des ristournes dont les députés européens viennent au passage de relever, le 9 novembre dernier, qu’elles "ont augmenté de manière inattendue et disproportionnée" sous l’effet de l’inflation, à tel point qu’ils demandent désormais l’application d’un "déflateur fixe de 2% par an".

"Dans ce contexte, il est tout à fait légitime de rechercher un plus grand bénéfice encore des fonds européens pour l’ensemble des Françaises et des Français", plaide Élisabeth Borne. Alors que la France ne brille traditionnellement pas par son taux de consommation de ces fonds, la Première ministre rappelle que le gouvernement a mis en place une nouvelle stratégie de mobilisation de ces derniers, coordonnée par le secrétariat général des affaires européennes (SGAE, placé sous son autorité) afin d’inverser cette tendance (voir notre article du 6 décembre 2022). "Des plans d’actions pour chaque ministère seront finalisés d’ici le premier trimestre 2024 afin d’accroître davantage encore notre performance collective", a-t-elle annoncé, en précisant que "le gouvernement publiera chaque année les résultats de cette mobilisation".

Programmation 2021-27 mal embarquée

À l’heure des "déficits extrêmes" – pour reprendre l’expression récente de la commission des finances du Sénat –, le gouvernement n’entend pas laisser filer cette manne. Élisabeth Borne avait d’ailleurs déjà lancé un premier appel au dernier congrès des régions de France, à Saint-Malo : "L’accord de partenariat avec la Commission européenne dote la France de plus de 18 milliards d’euros sur la période 2021-2027. La mobilisation de ces fonds est cruciale pour financer les infrastructures et les projets de vos territoires", sonnait-elle. Passé plutôt inaperçu, il n’est pourtant pas à prendre à la légère. Des craintes se font en effet déjà jour sur la réussite de la programmation 2021-2027. À dire vrai, elle avait d’emblée pris du retard à l’allumage, dénoncé par le Parlement européen (voir notre article du 7 avril 2022). Or ce retard ne se résorbe guère. Dans le cadre de la discussion sur la proposition de révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2021-2027, le Parlement européen a ainsi acté "des retards dans la mise en œuvre de certains programmes au cours des premières années du CFP 2021-2027, y compris des plus importants", qui lui font craindre un "risque d’arriéré de paiements au cours des dernières années du CFP, lorsque la mise en œuvre s’accélère".

Programmation 2014-2020 toujours pas à quai

Singulièrement en cause, la clôture de la programmation 2014-2020 – fortement perturbée par le Covid, puis par la guerre en Ukraine, et renforcée par le plan de relance –, qui mobilise encore toutes les énergies, comme l’a récemment pointée la Cour des comptes (voir notre article du 28 juillet 2023). Un report de la date de clôture est toujours espéré. Il avait été exclu en décembre dernier à Tours par la commissaire européenne Ferreira. "On en reparlera en septembre", lançaient alors les régions (voir notre article du 6 décembre 2022), avant de recevoir le soutien de leurs consœurs allemandes (voir notre article du 19 janvier 2023). Un report de six mois semble toutefois encore possible. Au-delà de la mobilisation tous azimuts des autorités de gestion, un membre de l’administration avance une autre explication : "le gavage de fonds". Sans compter qu’ils peinent d’autant plus à être absorbés que la complexité des dispositifs finit par échauder même les plus motivés. Ce n’est sans doute pas un hasard si dans son intervention, Élisabeth Borne appelait à "l’implication de toutes les structures qui peuvent répondre aux appels à projets européens en vue de financer leurs actions (entreprises, laboratoires, universités, collectivités locales, associations, opérateurs, etc.)".