Fiscalité des jeux d'argent et de hasard : le Conseil des prélèvements obligatoires veut redistribuer les cartes

Dans une note récente, le Conseil des prélèvements obligatoires pointe le caractère complexe et peu lisible de la fiscalité des jeux d'argent et de hasard et propose de la rationaliser. Cette proposition, parce qu'elle inclut les paris sportifs, les casinos et autres courses hippiques, pourrait avoir des répercussions sur les ressources directes et indirectes des collectivités.

Remettre à plat la fiscalité des jeux d'argent et de hasard, c'est la proposition choc du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans une note publiée le 20 décembre 2024. Et cette proposition pourrait avoir des répercussions directes et indirectes sur les finances des collectivités territoriales. En effet, aux côtés de l'État – qui en 2023 a bénéficié de 77% des quelque 7 milliards d'euros issus de la fiscalité du secteur –, le bloc communal est, avec la Sécurité sociale, l'un des principaux bénéficiaires de cette manne.

Si le CPO souhaite remettre à plat la fiscalité des jeux d'argent et de hasard, c'est qu'il considère l'environnement fiscal du secteur "complexe et peu lisible", avec pas moins de 33 prélèvements "épars". À tel point qu'en 2023, la Cour des comptes a mis en lumière les "écarts conséquents" existant entre les taux de prélèvements sur les différents jeux. Quand le taux effectif de prélèvements est de 22% pour les clubs de jeux, il se monte à 33% pour les paris hippiques nationaux, à 46% pour les paris sportifs, à 48% pour les casinos et à 68% pour les loteries.

Vers une taxe unique ?

Or pour le CPO, ces taux "ne sont pas corrélés avec les différentes variables permettant de mesurer les risques que font peser les jeux en matière d'ordre public". Et leurs écarts ne peuvent s'expliquer "par une plus ou moins grande capacité contributive des opérateurs de jeux". Le CPO propose donc de fusionner 28 des 33 prélèvements en une taxe unique et de rationaliser les taux selon les objectifs de politique publique de l'État en matière de jeux, tout en tenant compte de leur profitabilité.

L'autre batterie de propositions de l'organisme associé à la Cour des comptes concerne l'affectation de ces taxes. Puisqu'il souhaite les affecter "principalement" à la Sécurité sociale. "Dans la mesure où ces impôts présentent un lien direct avec les dépenses d'assurance maladie et de solidarité, une affectation de la totalité des prélèvements sur le PBJ [produit brut des jeux] aujourd'hui perçus par l'État à la Sécurité sociale serait pertinente et aboutirait à une simplification d'ensemble". En contrepartie, l'État pourrait "reprendre une fraction de la TVA affectée à la Sécurité sociale". 

Casinos et hippodromes dans le collimateur

Une autre proposition que les gestionnaires publics retiendront porte sur les affectations bénéficiant aux communes et intercommunalités où sont implantés des hippodromes et des casinos. Ici, le CPO dénonce le prélèvement communal sur les casinos comme une "rente réservée aux communes ayant le droit dérogatoire d'ouvrir ces établissements", en l'occurrence, 202 casinos étaient ouverts en 2024. Il estime de surcroît que "cette recette excède les charges supplémentaires que représente le casino pour la commune (parking, police municipale, etc.)". Il pointe également le "risque de dépendance financière de ces communes à une activité spécifique, alors que la fréquentation des casinos et des courses hippiques connaît une perte de dynamisme".

Toutefois, faute d'identifier une ressource "qui permettrait de compenser la suppression de ces impôts", et dans l'attente de futurs travaux plus généraux sur la fiscalité locale des entreprises, il lui semble "préférable" d'affecter au bloc communal une fraction du prélèvement unique sur le produit brut des jeux qu'il appelle de ses vœux. Le tout "à ressources constantes pour les collectivités".

Financer l'Agence nationale du sport sur les crédits de l'État

Autre proposition qui toucherait – indirectement, cette fois – les collectivités : celle visant à financer l'Agence nationale du sport (ANS) par des crédits budgétaires classiques en lieu et place d'une affectation des taxes sur les loteries et paris sportifs qui "apparaît difficile à justifier". "En pratique, les plafonds de prélèvements institués par la loi de finances étant largement saturés chaque année, l'affectation équivaut à une dotation budgétaire", argumente le CPO.

Pour les élus locaux, partisans de longue date d'un déplafonnement des prélèvements affectés à l'ANS, cette perspective devrait faire grincer des dents. Pour la combattre, ils pourront rappeler que la loi de finances pour 1985 autorisant les paris sportifs avait précisément pour but de "contribuer au développement du sport" – ce qui, soit dit au passage, donne aux recettes affectées à l'ANS une justification légale tout à fait convenable – et que leur dynamisme actuel devrait avant tout profiter à ce dernier. Globalement, les mises engagées, tout type de jeux et paris confondus, sont en effet en hausse de 57% depuis 2011.

On notera enfin la proposition visant à "étudier" l'assujettissement des gains de jeux d'argent et de hasard à l'impôt sur le revenu, pour des gains nets excédant 500 euros par an, et aux prélèvements sociaux.