Finances locales : la crise, puis la relance dessinent une nouvelle donne
La crise occasionne des pertes estimées à 7,25 milliards d'euros dans les budgets locaux. Le plan de soutien inscrit dans la loi de finances rectificative de ce 30 juillet aidera les collectivités à passer ce cap difficile. Mais de nouvelles mesures de soutien seront sans doute nécessaires, comme le défend le député Jean-René Cazeneuve. Cet enjeu sera au centre des discussions sur le projet de loi de finances pour 2020 qui sera présenté en septembre. Un texte qui portera le plan de relance auquel seront associées les collectivités.
7,25 milliards d'euros : c'est la perte sèche que les collectivités territoriales devraient essuyer en 2020, en raison de la crise sanitaire. Chargé d'évaluer les effets de cet événement inédit sur les budgets locaux, le député (LREM) Jean-René Cazeneuve l'a révélé, ce 29 juillet, dans un rapport qu'il a remis au Premier ministre. Ce coût résulte à la fois des pertes "nettes" de recettes fiscales et tarifaires (5,1 milliards d'euros) et des dépenses engagées par les collectivités pour faire face à la crise, qui (déduction faite des économies obtenues par ailleurs) s'élèvent à 2,2 milliards d'euros. La facture atteint 2,8 milliards d'euros pour le secteur communal et autant pour les départements, tandis que les régions pourraient enregistrer un trou de 1,5 milliard d'euros dans leurs budgets.
Si l'addition est salée pour les collectivités territoriales, elle ne représente cependant que 3,3% de leurs recettes réelles de fonctionnement (210 milliards d'euros), relativise le député. Il constate, par ailleurs, à l'instar de la Cour des comptes (dans son rapport 2020 sur les finances publiques locales), que la crise a frappé des collectivités se trouvant, à la veille de la crise, globalement en bonne santé financière.
Plan d'aide de 4,5 milliards d'euros
Mais certaines collectivités sont touchées plus rapidement et plus profondément, notamment les communes touristiques et les collectivités d'outre-mer. Très rapidement, l'Etat a assuré qu'il ne laisserait aucune d'entre elles sans solutions. A cette fin, il a mobilisé des mesures de soutien à la trésorerie. Bilan : au 1er juillet 2020, 119 communes et EPCI avaient bénéficié de 11 millions d'euros d'avances de dotation globale de fonctionnement (DGF), tandis que 33 communes et EPCI avaient perçu 20 millions d'euros d'avances de fiscalité (selon le rapport Cazeneuve).
Une réponse bienvenue, mais très insuffisante pour les associations d'élus locaux, qui ont plaidé pour un plan d'aide ambitieux. Leurs responsables ont souligné que sans cela, les collectivités ne pourraient être au rendez-vous de la relance. Un discours entendu par le gouvernement. Lequel, s'appuyant sur les premières conclusions de la mission Cazeneuve, a annoncé, fin mai, un ensemble de mesures pour un coût de 4,5 milliards d'euros (dont 2,7 milliards qui seront remboursés). Clause de sauvegarde des recettes fiscales et domaniales du secteur communal, avances faites aux départements, étalement sur trois ans du coût des dépenses locales liées au Covid-19, affectation d'un milliard d'euros supplémentaires pour soutenir l'investissement des communes… La plupart de ces dispositifs trouvent leur place dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Le texte est paru ce 31 juillet, après un mois de débats parlementaires qui ont abouti à un compromis entre députés et sénateurs.
Allègement des impôts de production
La majorité a beau vanter des mesures "inédites" et "massives", le compte n'y est pourtant pas, pour certains élus de l'opposition, comme André Laignel, premier vice-président délégué (PS) de l'Association des maires de France (AMF). Mais l'Etat n'en restera sans doute pas là. De nouveaux gestes : c'est ce à quoi l'appelle Jean-René Cazeneuve dans son rapport final. Il prône notamment une prolongation en 2021 de la clause de sauvegarde des recettes fiscales des communes et EPCI et son extension aux régions, des aides ciblées aux départements en difficulté, ainsi qu'un "puissant" soutien au secteur des transports publics. Certaines de ces propositions alimenteront sans doute le projet de loi de finances pour 2021.
En tout cas, sans attendre la présentation de ce texte en septembre, on sait déjà que les régions verront une partie de leurs ressources préservées par l'intervention de l'Etat - et ce alors qu'en mai, elles redoutaient d'être les grandes oubliées du plan de soutien du gouvernement. L'Etat leur accordera 600 millions d'euros sous forme de crédits d'investissements et, à compter de 2021, la part régionale de CVAE (9 milliards d'euros) sera supprimée et remplacée par une fraction de TVA, dont l'évolution sera celle de cet impôt national – ce qui permet d'alléger les impôts de production et de donner des gages au Medef. En échange, les régions devront investir à hauteur de 20 milliards d’euros dans la relance, à travers les contrats de plan Etat-régions 2021-2027.
Relance
L'esprit n'est plus du tout au désendettement voulu dans la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, qui trouvait sa déclinaison dans les "contrats de Cahors". En vigueur depuis près de deux ans, ces derniers ont été suspendus dès les premières semaines de la crise. La priorité va à la relance. Il faut même fonder un nouveau "pacte financier entre l'Etat et les collectivités" sur cet objectif, plaide le président de la délégation aux collectivités territoriales au sein de l'Assemblée nationale. Une préconisation qui fait écho aux réflexions de la Cour des comptes : l'investissement public "peut jouer un rôle important dans l’élaboration d’une nouvelle stratégie de finances publiques", soulignait-elle, fin juin.
Avec l'accent mis par les pouvoirs publics sur la relance, la réforme de la fiscalité locale (suppression de la taxe d'habitation), sur laquelle le gouvernement n'entend pas revenir, est reléguée au second plan. Pourtant, celle qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain aura des conséquences profondes sur les budgets locaux. Elle rend nécessaire, entre autres, une mise à jour (au minimum) des indicateurs financiers servant à déterminer la répartition des dotations et fonds de péréquation. Un chantier particulièrement technique, qui est éclairé par des simulations et de premières propositions de la Direction générale des collectivités locales (DGCL).