Archives

Finances locales : après l'éclaircie de 2021, l'horizon s'obscurcit

Du début de la crise à la fin de l'année 2021, le Covid-19 a coûté 7,1 milliards d'euros aux collectivités locales, avant prise en compte des mesures de soutien de l'Etat. C'est ce qu'a estimé ce 21 juin l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), qui présentait ses derniers travaux – dont une première mouture de son rapport sur les finances des collectivités locales en 2022. Selon l'organisme, les finances locales ont malgré tout retrouvé des couleurs en 2021. Mais "beaucoup de nuages" – hausse des prix, relèvement des taux d'intérêt… – menacent cette embellie en 2022, a jugé le président, André Laignel.

La crise liée au Covid-19 a coûté en 2020 et 2021 la bagatelle de 7,1 milliards d'euros aux collectivités locales, estime l'observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL). En plus d'un pré-rapport sur les finances des collectivités locales en 2022, l'organisme rattaché au comité des finances locales (CFL) a présenté ce 21 juin à la presse une étude consacrée à l'impact de la crise sanitaire sur les finances locales sur la période allant jusqu'à la fin 2021.

Caractérisée par les confinements du printemps et de l'automne, la première année de la crise s'était soldée par un coût de 4,9 milliards d'euros pour les collectivités locales. Un montant significatif, puisqu'équivalant à 11,4% de l'excédent de la section de fonctionnement dégagé en 2019 pour financer l'investissement et les remboursements d'emprunts (épargne brute). L'année suivante, la facture a été certes moins salée, mais elle a atteint tout de même 2,2 milliards d'euros (soit 5,1% de l'épargne brute de l'année 2019).

Facture salée

L'OFGL a tenté d'avoir une approche qui soit la plus complète possible : ses experts ont tenu compte des pertes de recettes et des dépenses nouvelles liées à la crise, mais aussi des économies réalisées du fait de cette crise. Au total, les "coûts nets" se sont donc élevés sur les deux années à 7,1 milliards d'euros. Mais attention, ce montant ne prend pas en compte les mesures gouvernementales de soutien. Il exclut par ailleurs la prise en compte de l'évolution exceptionnelle (+ 24,5% en 2021) des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui sont perçus sur les transactions immobilières. Un choix que certains, notamment du côté des administrations de l'État, ont jugé discutable, lors de la séance que le CFL a tenue ce 21 juin.

Il ressort de l'étude que les collectivités locales ont encore enregistré en 2021 des pertes fiscales par rapport à avant la crise. Mais celles-ci ont été deux fois moins élevées (600 millions d'euros contre près de 1,3 milliard en 2020). Dans le détail, certains impôts, comme la taxe de séjour (- 24% entre 2019 et 2021) et la taxe sur les certificats d'immatriculation (en baisse de près de 6% sur la période) sont restées à la peine. D'autres recettes se sont redressées en revanche, dont le versement mobilité. Après avoir diminué de 5,4% en 2020, cette ressource due par les entreprises de plus de 11 salariés a progressé de 8,7% l'an dernier.

Recettes d'activité

Les recettes d'activité ont globalement connu une reprise en 2021. Mais celle-ci a été inégale, selon la nature des recettes. Le retour à une activité plus normale en 2021 a permis aux produits domaniaux (droits de stationnement, redevances d'occupation du domaine public…) perçus par les communes et leurs groupements, de parvenir en 2021 à 1,8 milliard d'euros, un niveau un peu inférieur à celui de 2019 (-2,6 %). Les recettes tarifaires, qui constituent un enjeu beaucoup plus lourd (8,7 milliards d'euros l'année précédant le début de la crise) ont, elles aussi, remonté la pente. Mais en partie seulement. À 8 milliards d'euros en 2021, elles ont accusé encore un repli de près de 9 % par rapport à 2019. Beaucoup moins perturbée l'an dernier, l'activité du secteur périscolaire - qui représente l'enjeu financier le plus significatif - n'a pas été loin de son niveau de recettes d'avant crise (près de 2 milliards d'euros, soit - 6 % par rapport à 2019). Mais il n'en a pas été de même des autres secteurs. Dans les transports, les recettes sont par exemple restées en retrait de 22% par rapport à 2019, et dans la culture de 37%.

Au total, les conséquences de la crise sur les recettes des collectivités locales se sont chiffrées à plus d'1,5 milliard d'euros en 2021. En incluant 2020, la perte se monte à près de 5,4 milliards d'euros.

La crise sanitaire a eu globalement, en 2021, des conséquences moins fortes qu'en 2020 sur les dépenses des collectivités locales. Cependant, les dépenses de RSA n'ont pas faibli - alors que le nombre de bénéficiaires a reculé. Le "coût induit par la crise" sur cette dépense, qui est prise en charge par les départements, a été de l'ordre de 756 millions d'euros l'an dernier, un montant à peine inférieur à celui de 2020. En revanche, les régions ont pu relâcher leur effort de soutien aux acteurs économiques : après avoir atteint 1,1 milliard d'euros en 2020, celui-ci s'est contracté à 400 millions d'euros l'an dernier.

Meilleure santé financière

La crise sanitaire a une nouvelle fois pesé en 2021 sur les comptes des collectivités locales. Les soutiens de l'État sont venus certes les soulager. Mais ces aides, dont une grande part sont des crédits d'investissement (3,15 milliards d'euros) ne se retrouveront pas dans les budgets locaux avant plusieurs années, puisqu'ils sont conditionnés à l'avancée des travaux, a critiqué le président du CFL. 

Pour autant, les collectivités locales ont retrouvé l'an dernier des marges de manœuvre financière. Selon le pré-rapport de l'OFGL sur les finances des collectivités locales en 2022, la capacité d'autofinancement des collectivités (c'est-à-dire l'épargne brute) s'est redressée de près de 20% en un an. La baisse de 2020 - qui avait été de 11,5% - se trouve donc effacée. L'embellie a concerné l'an dernier surtout les départements (avec une hausse de l'épargne brute de 44%) et les communes de plus de 100.000 habitants (dont l'épargne brute a décollé de 55%). Au total, à l'exception des régions, les collectivités ont retrouvé, en 2021, leur niveau d'épargne brute de 2019.

Boom des DMTO

Ce regain de forme résulte de bonnes rentrées fiscales, en particulier en matière de DMTO. L'accélération spectaculaire de la taxe sur les transactions immobilières en 2021 a porté cette ressource, perçue en grande partie par les départements, à un montant record de 20 milliards d'euros. À eux seuls, les DMTO expliquent plus du tiers de l'augmentation des recettes de fonctionnement en 2021. Il s'agit d'une évolution exceptionnelle qui a bénéficié d'un "effet rattrapage", précise l'OFGL. Il ne faut pas perdre de vue en effet qu'elle a succédé à une légère diminution l'année d'avant. Sur la période 2020-2021, la tendance haussière des DMTO a été en fait assez similaire à celle que les collectivités avaient connue en moyenne annuelle au cours des six années précédentes. André Laignel, président du CFL et de l'OFGL, souligne par ailleurs que la manne des DMTO est loin de profiter à toutes les collectivités : certaines sont plus favorisées que d'autres, au regard des dernières évolutions du marché de l'immobilier.

Au total, les recettes de fonctionnement du secteur public local ont progressé de 5%, soit davantage que les dépenses de fonctionnement, que les collectivités ont su maîtriser, précise le président du CFL. L'an dernier, leur progression a atteint + 2,4% pour les dépenses de fonctionnement des seuls budgets principaux et + 2,9% en incluant les budgets annexes.

Reprise de l'investissement local

De même que les financements du plan de relance, le retour de marges de manœuvre budgétaires a favorisé la reprise de l'investissement local, tout en limitant le recours à l'emprunt. À 51,7 milliards d'euros, les dépenses d'équipement ont progressé de 8,9%. Mais elles sont restées inférieures de 4,5% à leur montant de l'année 2019 (54,1 milliards d'euros), précise l'OFGL. Ses experts ajoutent que la hausse des prix dans le bâtiment et les travaux publics, qui a débuté dès 2021, invite aussi à "nuancer" l'évolution de l'investissement local en 2021.

En dépassant un rythme annuel de 5% pour les ménages - qui est peut-être même supérieur pour les collectivités - l'inflation devient l'une des données clés de l'évolution des finances locales en 2022. Avec, par ailleurs, la hausse du point d'indice de la fonction publique - dont il faut "se réjouir" pour les agents territoriaux, mais qui "n'a pas été anticipée dans les budgets 2022" - ou encore le resserrement des conditions d'emprunt… André Laignel a estimé devant la presse que "beaucoup de nuages s'accumulent". "Nous arrivons dans une période particulièrement préoccupante pour les collectivités locales", a-t-il alerté.

DGF : quid en 2023 ?

Dans ce contexte de hausse rapide des prix, il a jugé que la reconduction année après année du montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de l'année 2017, n'est plus possible. "La question va se poser pour le gouvernement de l'indexation de la DGF sur l'évolution des coûts", a-t-il dit.

Interrogé sur la promesse faite par le candidat Emmanuel Macron de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), le maire d'Issoudun s'y est dit opposé. Pourquoi les collectivités investiraient-elles dans l'arrivée de nouvelles industries sur leur territoire si elles ne bénéficient pas d'un retour fiscal, a-t-il questionné. Le maintien de la CVAE permettrait de trouver une grande partie des 10 milliards d'euros d'économies que l'exécutif a indiqué vouloir exiger des collectivités sur la durée du quinquennat, a-t-il aussi suggéré.