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Finances : face à l'inflation, les départements sauvent les meubles

À l'ouverture des assises des Départements de France, ce 13 octobre à Agen, le président François Sauvadet s'est alarmé de la détérioration de la situation financière des départements. Une étude dévoilée par l'association conduit, cependant, à relativiser ce constat, en tout cas pour l'année 2022.

"Quand j'entends répéter par Bercy que les départements aujourd'hui se porteraient bien… non, les départements ne se portent pas bien. Depuis plusieurs mois, on assiste à une explosion de la dépense. Nous avons eu l'augmentation du RSA, le Ségur, l'aide à domicile, et des dépenses pour les coûts des matériaux, de l'alimentation, des matières premières, de l'énergie qui sont en train d'exploser." C'est François Sauvadet, le président de Départements de France (DF), qui s'est exprimé en ces termes ce 13 octobre en ouverture des assises des départements organisées sur deux jours à Agen. Le coût total de ces charges nouvelles pour les départements s'élèverait selon lui à 2,5 milliards d'euros. Dans son département de Côte-d'Or, c'est "30 millions de dépenses supplémentaires".

Résultat : "Nous n'avons plus de marge", a poursuivi François Sauvadet, qui prévoit que les DMTO "vont baisser inévitablement", sait que les départements n'auront bientôt plus de CVAE et attend aujourd'hui du gouvernement qu'un certain nombre d'engagements soient confirmés pour assurer aux départements "stabilité et visibilité". La venue d'Élisabeth Borne ce vendredi en clôture des assises apportera possiblement un début de réponse.

Situation financière "satisfaisante"

Une étude de la Banque postale publiée à l'occasion des assises conduit, toutefois, à nuancer quelque peu le constat du président de DF. La situation financière que connaissent aujourd'hui les départements y est présentée comme "satisfaisante", en dépit de la "poussée de l'inflation". Les prévisions budgétaires pour les départements font apparaître, en effet, la quasi-stabilité, en 2022, de l'épargne disponible pour financer les dépenses d'équipement, après remboursement du capital de la dette (ce que les experts appellent "l'épargne nette").

Du fait de la crise sanitaire, cet indicateur - qui est le reflet de la santé financière d'une collectivité - avait sensiblement reculé pour les départements et les autres collectivités exerçant des compétences départementales (ville de Paris, métropole de Lyon, Corse, Guyane et Martinique), passant de 6,6 milliards d'euros en 2019, à 4,6 milliards en 2020. Mais en 2021, il avait enregistré un rebond spectaculaire, pour atteindre 8,3 milliards d'euros. C'est donc à ce niveau élevé que l'épargne nette devrait se maintenir à la fin de 2022.

La bonne résistance des finances départementales est à mettre sur le compte des bonnes rentrées de droits de mutation à titre onéreux (DMTO). La part départementale de cette taxe (environ 14 milliards d'euros), qui représente désormais près de 20% des recettes de fonctionnement des départements, avait, on s'en souvient, connu une croissance record l'an dernier, proche de 25%. Or, elle a poursuivi sa progression au début de cette année. Sur les cinq premiers mois, ainsi qu'au mois d'août, le montant de DMTO dépasse celui qui a été enregistré à la même époque, en 2021. Toutefois, un retournement de tendance "semble s'être amorcé à la fin de l'été", selon la Banque postale. Le repli est malgré tout modéré, si bien que l'établissement bancaire anticipe au total "une relative stabilité" des recettes de DMTO entre 2021 et 2022.

Frais de fonctionnement en nette hausse

Les départements bénéficient aussi en 2022 du dynamisme de la fraction de TVA (16 milliards d'euros) qui, dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, leur a été affectée en remplacement de leur part de taxe sur le foncier bâti (celle-ci ayant été transférée aux communes). Dopée par l'inflation, cette ressource fiscale devrait croître de près de 10%.

Autre bonne nouvelle : les participations reçues par les départements progresseraient de 13,3% cette année, notamment du fait de crédits supplémentaires en provenance de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Du côté des dépenses de fonctionnement, les charges liées au revenu de solidarité active (RSA) seraient (à périmètre constant) "en très légère baisse" en 2022. L'effet des revalorisations devrait être compensé par une baisse du nombre de bénéficiaires. À l'inverse, les charges à caractère général (5 milliards d'euros en 2021) devraient bondir de 8,9% cette année, sous le coup de l'inflation. Les frais de personnel (16 milliards d'euros l'an dernier) afficheraient également une croissance soutenue (+ 4,9%), du fait des différentes revalorisations salariales décidées récemment - notamment la revalorisation de 3,5% du point d'indice de la fonction publique au 1er juillet 2022.

Le maintien de leur capacité d'autofinancement en 2022 devrait permettre aux départements de poursuivre la croissance de leurs investissements. Attendus à 13,7 milliards d'euros, ceux-ci progresseraient de 8,1%.

Quid en 2023 ?

Tout ne va donc pas si mal pour les départements. Mais, 2023 s'annonce sous de moins bons auspices. Côté recettes, le "retournement" des DMTO devrait "se confirmer". Et, côté dépenses, l'inflation pourrait se faire sentir plus durement, puisque les départements devront concourir à l'équilibre des comptes des structures qui dépendent d'eux financièrement (collèges, établissements sociaux et médicosociaux…). "Si ces événements se confirmaient de façon durable, ou si une crise plus systémique venait à se matérialiser (entraînant par exemple une nouvelle hausse des dépenses d'action sociale)", les marges de manœuvre financières liées à l'embellie vécue en 2021, seraient mises à mal, conclut la Banque postale.

À plus long terme, le vieillissement de la population pèsera fortement sur les dépenses départementales dédiées à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), prévient aussi la banque. Pour cause : les personnes âgées dépendantes d'au moins 75 ans, qui étaient 1,8 million en 2015, seraient en hausse de 80%, pour atteindre 3,3 millions en 2050, selon des simulations. Autant dire qu'il serait utile que les prochains débats sur l'évolution des finances départementales prennent en compte cette donnée.

 

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