Déficit : en promettant des réformes à Bruxelles, l'exécutif espère un sursis
Le gouvernement a acté ce 23 octobre la volonté de ramener en 2029 le déficit public sous le seuil de 3% du PIB. Le document qui dévoile la trajectoire du déficit de la France et les réformes qui seront engagées dans les prochains mois pour y parvenir a été adopté en conseil des ministres. Paris espère convaincre ses partenaires européens.
Après -5,5% en 2023 et un dérapage attendu à -6,1% en 2024, le gouvernement se fixe un objectif de déficit public à -5% du PIB en 2025. À cette fin, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit un "effort" de 60 milliards d'euros, les deux tiers se traduisant par des économies sur les dépenses de l'ensemble des administrations publiques et un tiers par des hausses de recettes. La réduction du déficit public serait ensuite plus progressive, l'objectif étant de passer de -5% du PIB en 2025 à -2,8% en 2029. Avec le ralentissement du déficit, la dette publique "amorcerait une décrue" à partir de 2028, pour s'établir l'année suivante à 115,8% du PIB (contre 109,9% en 2023).
C'est ce qui ressort du "plan budgétaire et structurel national à moyen terme" ou "PSMT" que le gouvernement a adopté ce 23 octobre en conseil des ministres et que Localtis s'est procuré. Le document, qui présente les prévisions de déficit et les réformes que la France compte mener pour faire refluer ce dernier, sera transmis à la Commission européenne d'ici la fin du mois.
"Préserver des marges de manoeuvre pour investir"
C'est donc au cours de la troisième année du prochain mandat présidentiel que la France passerait sous la barre des 3% de déficit public, une évolution mettant fin à la procédure pour déficit excessif déclenchée cet été par Bruxelles. Rappelons qu'au printemps dernier - alors que les prévisions de déficit n'avaient pas encore été revues - le gouvernement Attal prévoyait de parvenir sous les 3% de déficit en 2027.
Des experts doutaient alors que la France parvienne à ses fins. Des doutes qui n'ont pas disparu après le report de l'objectif à 2029. L'agence de notation Fitch, par exemple, n'y croit guère. Elle a notamment relevé ses prévisions de déficit public pour la France à 5,4% du PIB en 2025 et 2026.
La France tirerait des avantages à étaler ses efforts de redressement des comptes publics, estime le gouvernement. Une "trajectoire plus progressive" permettra de "ne pas pénaliser la croissance et surtout de préserver des marges de manoeuvre pour investir face aux défis à venir", espère-t-il. L'exécutif devra toutefois obtenir l'aval du Conseil européen pour avoir le droit de revenir dans les clous du déficit avec deux ans de retard. Pour obtenir la faveur des autres pays membres de l'Union européenne, la France s'engage à réaliser des "investissements" et des "réformes" articulés autour de quatre grandes priorités : "l’atteinte du plein emploi, la réindustrialisation et le renforcement de la compétitivité, l’accélération de la transition écologique et énergétique ainsi que le renforcement de la gouvernance des finances publiques".
Aménagements de la réforme des retraites
On retiendra qu'au chapitre de l'emploi, le gouvernement promet une nouvelle réforme de l'assurance chômage – après celle de 2023 - qui serait mise en œuvre en 2025. Il confirme par ailleurs vouloir refondre à partir de 2026 les allègements de cotisations sociales sur les bas salaires, pour les rendre "plus efficaces et mieux ciblés". Il fait l'éloge du plan d’investissement France 2030 qui encourage en particulier l'innovation. "Une évaluation d’ampleur du plan" est actuellement conduite par des experts indépendants, sous l'égide de France Stratégie, précise-t-il. Il espère par ailleurs une entrée en vigueur fin 2025 de la loi de simplification de la vie économique, qui vise à simplifier les démarches et la vie des entreprises et encourager les projets industriels et de transition énergétique (voir notre article de ce jour).
S'agissant des retraites, le gouvernement ne compte pas bousculer les grands équilibres de la réforme votée l'an dernier. Mais il se dit "disposé à proposer aux partenaires sociaux de réfléchir à des aménagements raisonnables et justes de la réforme, en particulier sur les questions des retraites progressives, de l'usure professionnelle, de l'égalité entre les femmes et les hommes". On notera que le gouvernement évoque aussi, parmi les réformes présentées à Bruxelles, la hausse - très critiquée par les employeurs territoriaux - des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), qui est inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Revue des dépenses élargie
L'exécutif annonce aussi vouloir passer à une deuxième phase de la revue des dépenses publiques. Son périmètre sera étendu aux niches fiscales et sociales, dont certaines d'entre elles sont jugées "inefficientes". En outre, des "rapports annuels de suivi" procèderont à l'évaluation des mesures prises pour "améliorer la qualité des dépenses publiques et rationaliser les dépenses inefficientes".
Via ce dispositif, le but est de réduire les dépenses publiques de 5 milliards d'euros "en cumul" sur la période 2025-2027. "C’est bien maigre", a dénoncé le rapporteur général du budget, Charles de Courson, ce 21 octobre dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. "Où sont les nouvelles réformes structurelles ?", s'interrogeait-il, par ailleurs, au cours d'un débat sur le plan du gouvernement. Mais le gouvernement prévenait dans son plan qu'il ne présentait que "les investissements et réformes résultant de mesures annoncées et adoptées" à cette date, "sans préjudice des réformes ultérieurement présentées (…) et adoptées par la représentation nationale".
Parmi plusieurs pistes de réformes, Charles de Courson proposait de "relancer une décentralisation intelligente et promouvoir la responsabilité des élus des collectivités territoriales".
› Le "déficit" des collectivités attendu à plus de 19 milliards d'euros en 2025
Le plan qui sera transmis à Bruxelles détaille la trajectoire des finances publiques - et notamment celle des collectivités locales – pour les prochaines années.
Le déficit des collectivités locales "serait particulièrement marqué en 2024", puisqu'atteignant 16 milliards d'euros (contre 5,5 milliards en 2023), indique le document du gouvernement. Malgré les réductions de recettes prévues dans le projet de budget pour 2025, ce déficit continuerait à progresser en 2025, puisqu'il grimperait à 19,3 milliards d'euros, notamment du fait de la volonté des exécutifs locaux de terminer leurs programmes d'investissement avant les élections municipales de 2026.
Le besoin de financement des administrations publiques locales (Apul, c'est-à-dire un champ un peu plus large que les collectivités territoriales, puisqu'il comporte des organismes, comme la Société des grands projets et Ile-de-France mobilités) atteindrait -0,7% du PIB en 2025, exactement comme en 2024 (contre -0,4% en 2023).
Le gouvernement table sur une stabilité en volume (c'est-à dire en neutralisant l'inflation) de la dépense des Apul (hors charge d'intérêts) en 2025, après une hausse de 4,7% en volume cette année.
L'État quant à lui réduirait en volume, l'an prochain, ses dépenses hors charge d'intérêts (- 1,1%). Dans le détail, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 dans sa version adoptée en conseil des ministres prévoit que les dépenses de l’État s’élèveraient à 490,4 milliards d'euros en 2025. Un montant en diminution, à champ constant, de 2,5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances pour 2024. Mais les dépenses de l'État pourraient être revues à la baisse au cours de la discussion parlementaire. Le gouvernement proposera en effet "au cours des débats, par amendements, des économies budgétaires supplémentaires à hauteur de 5 milliards d'euros sur les budgets ministériels".
Les dépenses d'investissement local croîtraient de 7,5% l'an prochain (après +13,5 % en 2024). Le ralentissement de la croissance des dépenses de fonctionnement des collectivités serait plus sensible, puisque ces dernières afficheraient une hausse de 1%. Cette évolution serait liée à la mise en œuvre du "mécanisme de précaution" prélevant 3 milliards d'euros sur les recettes des plus grandes collectivités, mais aussi à la décélération de l'inflation. En 2024, les dépenses de fonctionnement évolueraient de +4,6%.
De leur côté, les recettes des administrations publiques locales croîtraient de 1,7% en 2025, après une hausse de 3,5% en 2024 (à champ constant). Au sein des recettes des collectivités, le gouvernement anticipe une reprise des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Après une baisse estimée à -13 % en 2024, le produit de la taxe qui bénéficie aux communes et surtout aux départements rebondirait (+7,1%), "sous l’effet de la baisse des taux de crédits immobiliers soutenant le volume de transactions".
Le gouvernement anticipe un niveau élevé de recours au crédit de la part des collectivités, en lien avec la nécessité de financer les investissements locaux alors que s'achève le mandat municipal. L'endettement des Apul progresserait ainsi de 8,9% du PIB en 2023 à 9,3% en 2024 et 9,8% en 2025.