PLF : le Sénat a modifié et approuvé la partie "recettes"

La Haute Assemblée a adopté le 1er décembre la première partie du projet de loi de finances pour 2025, non sans l'avoir modifiée dans un sens favorable aux collectivités. Suppression des restrictions sur le fonds de compensation de la TVA, hausse du plafond des droits de mutation à titre onéreux, augmentation de la dotation globale de fonctionnement… elle leur a donné de l'oxygène. Mais la menace de censure qui pèse sur le gouvernement rend l'avenir du texte hautement incertain.

Après sept jours et six nuits de débats au Palais du Luxembourg sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, les sénateurs ont voté le 1er décembre à 200 voix contre 15 la première partie, dédiée aux recettes. Mais à la veille d'une semaine à haut risque pour l'exécutif, les remous politiques ont gagné la Haute Assemblée, d'ordinaire plus calme et feutrée que l'Assemblée nationale. Ainsi, la séance a été perturbée par de nombreux incidents, les trois groupes de gauche (socialiste, écologiste, communiste), minoritaires, ayant décidé de boycotter les dernières heures de débats et le vote.

Ils ont fustigé le choix du gouvernement et de la majorité sénatoriale, qui ont demandé à la dernière minute qu'une trentaine de mesures pourtant votées durant la semaine à main levée fassent l'objet d'une seconde délibération. Le plus souvent, il s'agissait de taxes ou de dispositifs votés contre l'avis de la commission des finances et du ministre des Comptes publics, Laurent Saint-Martin.

"Dans un réflexe de mauvais perdant, vous réécrivez des dispositions sur lesquelles vous n'avez pas réussi à convaincre votre propre majorité. Ce faisant, vous dénaturez le texte issu du Sénat", a protesté le socialiste Thierry Cozic. Avec cette "mascarade démocratique" (…) notre travail est jeté aux orties", a de même dénoncé le radical de gauche Christian Bilhac. Le communiste Pascal Savoldelli fustigeant pour sa part "un coup de force irréparable" et "un 49.3 déguisé". 

Bataille sur le FCTVA

"Ce n'est en rien un déni de démocratie", a insisté pour sa part Laurent Saint-Martin, "il s'agit de reposer la question de l'équilibre financier", a-t-il ajouté. En effet, selon les estimations du gouvernement, le budget tel que modifié par le Sénat, sans rectifications, aurait aggravé le solde budgétaire de 5,8 milliards d'euros. La seconde délibération, menée au pas de charge, a permis de redresser partiellement la barre, en ramenant la dégradation à 3 milliards d'euros. En sachant que la majorité sénatoriale a promis de faire des économies dans la partie "dépenses" du projet de loi, examinée à partir de ce 2 décembre (même si tout pourrait s'arrêter, en cas de censure du gouvernement).

Lors de cette seconde délibération, la majorité est ainsi revenue sur une disposition, pourtant chère au Sénat, qui fusionnait la taxe annuelle sur les logements vacants et la taxe d'habitation sur les logements vacants "dans un souci de simplification et de lisibilité". Mais le coût pour l'État se serait élevé à 340 millions d'euros. Est également passée à la trappe une mesure prévoyant le versement du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) l'année même de la dépense, alors qu'aujourd'hui 85% de ce fonds est attribué au cours des deux années suivant celle-ci. "Les collectivités ne sont pas les banques de l'État", avait soutenu Cécile Cukierman, présidente du groupe communiste, à l'origine de l'amendement. Mais la mesure occasionnait une facture de 6,4 milliards d'euros pour l'État en 2025.

S'agissant du FCTVA, on retiendra aussi que, tenant la promesse réitérée par le Premier ministre en clôture du Congrès des maires de France, le gouvernement a proposé de limiter la baisse du taux du dispositif inscrite dans le PLF 2025 aux seules dépenses réalisées à compter de 2025. La "rétroactivité" de la mesure avait en effet choqué nombre d'élus locaux. Mais le Sénat a choisi une autre option : supprimer purement et simplement (voir l'amendement) la mesure gouvernementale de l'article 30 du PLF qui devait raboter le FCTVA de près de 800 millions d'euros rien qu'en 2025. 

La DGF abondée de 290 millions d'euros

"L'article 30 n'est ni plus ni moins qu'une trahison de la parole de l'État", a critiqué le socialiste Thierry Cozic. "L'exclusion des travaux d'entretien de la voirie et des bâtiments communaux toucherait particulièrement les petites communes" a, pour sa part, jugé le centriste Bernard Delcros.

Les votes en seconde délibération ne sont pas revenus sur cette décision sénatoriale, de même que sur d'autres amendements sénatoriaux favorables aux collectivités. À l'instar de l'abondement de la dotation globale de fonctionnement (DGF, plus de 27 milliards d'euros). Les sénateurs ont augmenté celle-ci de 290 millions d'euros en 2025, pour financer l'augmentation des dotations de solidarité rurale (DSR) et urbaine (DSU). Sans ce relèvement proposé par les sénateurs socialistes (voir l'amendement), la progression de la péréquation doit être alimentée par un "écrêtement" de la dotation forfaitaire de plusieurs milliers de communes. 

Le gouvernement s'est opposé, en vain, au vote de la mesure. C'est également contre son avis que les sénateurs ont voté plusieurs dispositions favorables aux finances régionales. Un amendement socialiste prévoit un "versement pérenne" aux régions de 273,1 millions d'euros à partir de 2025, pour l'application du protocole État-régions en faveur des formations sanitaires et sociales signé en mars 2022. Un autre amendement permet à la région, en tant qu’autorité organisatrice de la mobilité régionale, de prélever sur son territoire le versement mobilité, à un taux plafond de 0,2 %, et ce "sans préjudice du versement mobilité perçu le cas échéant par chaque AOM sur son ressort territorial".

Des DMTO plus élevés

L'exécutif et la Chambre haute ont en revanche été main dans la main lorsqu'il a été question du relèvement, de 0,5% pendant trois ans, du plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) perçus par les départements. Une promesse que le Premier ministre avait faite devant les élus départementaux à la mi-novembre. On notera que l'amendement a été ajusté, à l'initiative du gouvernement, afin d'exonérer les primo-accédants à la propriété "pour la fraction de la valeur du bien acquis inférieure ou égale à 250.000 euros" (voir le sous-amendement).

Parmi d'autres mesures touchant à la fiscalité locale, la Haute Assemblée a autorisé les communes et intercommunalités à faire varier librement les taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de la taxe foncière (voir l'amendement) et elle a amélioré la compensation de la hausse de l'exonération de taxe sur le foncier non-bâti bénéficiant aux terres agricoles, inscrite dans le PLF 2025 (voir l'amendement).

Ce 2 décembre, le Sénat commençait la discussion des articles de la seconde partie (dépenses) du PLF 2025, dans l'objectif d'un vote fixé au 12 décembre. Mais l'annonce par Michel Barnier de l'utilisation du 49.3 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et le dépôt dans la foulée d'une motion de censure par la gauche (voir notre article de ce jour) pourrait bousculer cet agenda. Car une alliance de circonstance entre le Rassemblement national (RN) et le Nouveau Front populaire (NFP) pourrait faire tomber le gouvernement. Et compte tenu des dernières déclarations du RN, ce scénario paraît hautement probable. Dans cette éventualité, les textes budgétaires en cours d’examen seront définitivement rejetés, indiquait récemment le quotidien Le Monde, citant "des juristes".

 

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