Financement du ZAN : l'AMF formule vingt propositions

L'Association des maires de France (AMF) a publié ce 24 octobre 20 propositions pour "répondre aux besoins de financement des collectivités liés à l'atteinte de l'objectif ZAN" ou zéro artificialisation nette. Evaluation des surcoûts, renforcement de l'aide à l'ingénierie, clarification des aides de l'Etat, réorientation de certains dispositifs fiscaux, régulation des prix du foncier : autour de ces cinq axes, les mesures préconisées visent à financer le nouveau modèle économique induit par la trajectoire ZAN.

Après de premières propositions, formulées en décembre 2022 (lire notre article), qui ont alimenté les débats parlementaires jusqu’à l’adoption de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux, l'Association des maires de France (AMF) repart à l'offensive sur le financement de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) en publiant ce 24 octobre 20 nouvelles propositions.  

"Si la loi du 20 juillet dernier répond à certaines interrogations d’ordre juridique et institutionnel, elle renvoie à la loi de finances pour 2024 le débat sur sa dimension financière et fiscale", justifie l'AMF. Pour l'association d'élus, l'objectif ZAN visant à réduire de moitié la consommation d’espaces d’ici à 2031 en vue d’atteindre le "zéro artificialisation nette des sols" en 2050, est jugé "depuis l’origine" "indissociable de la mise en place d’un nouveau modèle économique, financier, et fiscal puissant et incitatif, sur le long terme". Car à ses yeux, les conséquences de cet "impensé" sont déjà présentes : spéculation et rétention foncières, blocage des projets, absence de vision stratégique sur les futurs modèles économiques de la construction, etc.

Besoin d'ingénierie

Les propositions faites par l'AMF, très critique depuis deux ans vis-à-vis de ce dispositif né de la loi Climat et Résilience, s'articulent autour de cinq axes. Pour évaluer les surcoûts associés au ZAN, l'association demande que l'on développe des observatoires à l'échelle nationale et locale "afin d'analyser l'évolution du coût du foncier et ajuster les outils financiers et fiscaux". Deuxième axe de propositions : "renforcer l'aide à l'ingénierie pour les communes et intercommunalités". L'AMF demande ainsi un renforcement de la valorisation des compétences et des ressources humaines en matière d'urbanisme et de la capacité des services déconcentrés de l'Etat à accompagner les collectivités dans leurs démarches liées au ZAN. Parallèlement, elle propose une majoration et une révision des critères d'octroi de la dotation générale de décentralisation (DGD) "afin que l'Etat participe aux coûts liés à l'ingénierie dans l'élaboration des documents de planification". L'AMF réclame également pour les communes et intercommunalités "un accès accru aux outils de l'aménagement et aux opérateurs via la création d'établissements publics fonciers dotés d'une fiscalité sanctuarisée". Elle souhaite ainsi "une meilleure couverture nationale" des EPF et voir leur capacité d'intervention renforcée "pour faire face à l'augmentation des coûts".

Des aides de l'Etat "à clarifier"

L'AMF avance également plusieurs propositions pour "clarifier les aides, fonds et programmes de l'Etat et garantir leur caractère pluriannuel". Elle demande d'abord "des précisions et de la transparence" sur les modalités d'affectation du Fonds vert, en organisant son fléchage via les commissions DETR, "au moins pour définir les règles et principes généraux d'attribution et de répartition", ainsi qu'une revalorisation des enveloppes "en fonction des enjeux prioritaires locaux". Elle appelle aussi à "replacer la contractualisation dans la réalité des enjeux s'imposant aux communes et intercommunalités" car selon elle, ces dispositifs "ne favorisent que les projets 'prêts à sortir' et créent des effets d'aubaine". Elle demande aussi un soutien de l'Etat  pour financer certaines exonérations et abattements incitatifs décidés par les communes et intercommunalités lorsqu'ils relèvent de la solidarité nationale (ZAN, logement social, etc.).

Réorientation de dispositifs fiscaux

Quatrième axe de propositions : la réorientation de certains dispositifs fiscaux "pour financer les surcoûts et libérer le foncier". Reprenant des propositions émises par le conseil des prélèvements obligatoires en octobre dernier (lire notre article) et par la Convention citoyenne pour le climat, l'AMF demande à son tour que les différentes taxes sur les logements vacants soient transformées "en une véritable taxe du bloc communal". En parallèle, elle souhaite une réforme de la taxe sur les résidences secondaires "afin de la rendre accessible à davantage de communes". Elle considère aussi comme une "piste intéressante" la majoration de la taxation des plus-values sur la cession des terrains nus devenus constructibles "en prévoyant des exonérations au regard du critère qualitatif du projet".

Toujours au chapitre de la fiscalité, les élus du bloc communal souhaitent la réinstauration – en le simplifiant – du versement pour sous-densité (VSD), ainsi qu'une réforme et une majoration de la taxe d'aménagement afin de l'adapter au ZAN. Rejoignant là encore l'avis du Conseil des prélèvements obligatoires qui recommandait d'envisager des taux variables de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en fonction du caractère artificialisant des opérations immobilières, ils proposent en outre de réformer ce dispositif en faveur du bloc communal. Ils proposent également d'articuler l'évolution des aides à l'investissement locatif (dispositif Pinel, Denormandie, etc.) avec le ZAN et d'augmenter l'intérêt fiscal et économique à renaturer, faire des opérations de renouvellement urbain, d'amélioration du cadre de vie, de recyclage du foncier, de décarbonation de l'aménagement, etc.

Régulation des prix du foncier

Enfin, un dernier pan de propositions porte sur la régulation des prix du foncier. Les élus demandent ainsi une "sécurisation juridique" des clauses et outils visant à lutter contre la spéculation à destination des maires et présidents d'intercommunalité, tels que des chartes, par exemple. Ils proposent de poursuivre la réflexion pour proposer un mécanisme de régulation sur la base du volontariat des communes et intercommunalités et de mettre en place des outils fonciers ou fiscaux innovants permettant, par exemple, de dissocier le foncier et le bâti - du type bail réel solidaire – afin de faire baisser le prix des logements. Ils appellent également à renforcer les contacts entre les élus et les offices notariaux pour accélérer les procédures de récupération foncière (biens sans maître, biens en l'état d'abandon).