Congrès des maires – Zéro artificialisation nette : une mise en œuvre lourde d'interrogations
Tout juste un mois après que les conférences de Scot ont remis leurs propositions aux régions sur l'intégration de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), les élus du bloc communal peinent à appréhender les nouvelles règles qu'ils vont devoir à leur tour décliner dans leurs documents d'urbanisme, comme l'a illustré ce 23 novembre un "point info" sur le sujet organisé dans le cadre du Congrès des maires.
L'objectif du "zéro artificialisation nette" des sols à l'horizon 2050 imposé par la loi Climat et Résilience reste hautement sensible chez les élus du bloc communal, comme l'a une nouvelle fois montré un "point info" organisé sur ce sujet ce 23 novembre dans le cadre du Congrès des maires. Qu'ils viennent de territoires urbains et ruraux, tous les élus s'interrogent sur la manière dont ils vont pouvoir le décliner dans leurs documents d'urbanisme, sans obérer leurs capacités de développement, qu'il s'agisse d'accueillir de nouvelles activités, de construire des logements ou de prendre en compte les exigences d'adaptation au changement climatique. D'autant que le compte à rebours a déjà commencé, avec "des délais très courts", a rappelé Sylvain Robert, maire de Lens et coprésident de la commission Aménagement, urbanisme, habitat, logement de l'Association des maires de France (AMF).
Plusieurs échéances clés
Le 22 octobre, comme l'imposait le calendrier, toutes les conférences de Scot ont rendu leurs propositions aux régions. Mais le travail de consultation du bloc local se poursuivra avec ces dernières jusqu'au 22 février 2024, date à laquelle tous les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) devront intégrer à leur échelle un potentiel de réduction de l'artificialisation de 50% sur la période 2021-2030 par rapport à la période de référence définie par la loi (2012-2020). Les Scot devront à leur tour décliner cet objectif sur leur périmètre au 22 août 2026 et les plans locaux d'urbanisme (PLU) et cartes communales un an plus tard. Dans les territoires non couverts par un Scot, l'échéance du 22 août 2026 s'imposera directement aux PLU et cartes communales.
Contexte réglementaire mouvant
Alors que le contexte réglementaire est encore mouvant – l'AMF a déposé un recours devant le Conseil d'État contre deux décrets du 29 avril dernier, l’un relatif "aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols du Sraddet", l’autre "à la nomenclature de l'artificialisation des sols" – et que des textes d'application importants sont encore un attente, notamment un arrêté ministériel sur les "dents creuses" afin de connaître la maille minimale caractérisant le seuil d'artificialisation, les conférences de Scot ont fait remonter un grand nombre de points à préciser.
Bien définir les grands projets
"Ces conférences n'existaient pas auparavant, c'était un vrai enjeu à saisir", a estimé Françoise Rossignol, maire de Dainville (Pas-de-Calais), qui a animé celle des Hauts-de-France. L'un des premiers points soulevés a porté sur les outils d'observation de l'artificialisation et sur les critères qui méritent encore d'être affinés, a-t-elle relevé. Autre point notable : comment mesurer un grand projet d'envergure nationale, qui doit être déduit de l'enveloppe d'artificialisation ? L'enjeu est d'autant plus important que leur répartition est très inégale sur les territoires. "Dans notre région, avec le Canal-Seine-Nord Europe, les parkings Brexit, le barreau ferroviaire de l'Oise et le port de Dunkerque, nous en avons plusieurs", a-t-elle souligné. De la même façon, il faut pouvoir distinguer, parmi les projets régionaux, ceux relevant des compétences propres de la région et ceux qui ont un rayonnement sur l'ensemble de son territoire. "Il faut trouver un juste équilibre dans la définition qu'on leur donne car si trop de projets figurent dans l'enveloppe régionale, il ne restera plus rien dans celle des Scot", prévient l'élue.
Artificialisation et contraintes d'adaptation au changement climatique
La question des territoires ruraux et des zones vertueuses qui ont peu artificialisé jusqu'à présent et vont se voir appliquer les mêmes contraintes que les autres a aussi été soulevée lors des conférences de Scot, de même que les spécificités des projets entrant dans le champ de la décarbonation et du développement durable. "Les stations d'épuration, les pistes cyclables, les panneaux solaires, l'éolien entrent dans le champ de l'artificialisation, pointe Françoise Rossignol. De la même manière, le recul du trait du côte va obliger à déplacer des habitants et des équipements et à reporter l'artificialisation d'un territoire à l'autre. Les friches aussi sont très inégalement réparties et il faudra s'interroger sur les solidarités entre territoires pour que chacun puisse se développer." Le modèle économique du ZAN reste aussi à inventer comme l'a souligné un rapport sénatorial cet été et les élus qui se sont exprimés dans les conférences de Scot.
Logement, activités économiques : de fortes contraintes
D'autant que "le prix du foncier augmente déjà fortement, que les moyens du fonds Friches sont limités et que produire des logements sociaux en centre-ville en intégrant les nouvelles normes énergétiques va coûter très cher", souligne Françoise Rossignol. Il faudra aussi convaincre les habitants qui ont eu tendance, avec la crise sanitaire, à fuir le milieu urbain à revenir vivre dans des centres-villes densifiés. Bien d'autres questions ont été aussi mises en avant dans les conférences de Scot, comme l'accueil d'activités économiques nouvelles très consommatrices de foncier comme la logistique. "Avec les contraintes du ZAN, plus personne n'en voudra chez lui", met en garde l'élue des Hauts-de-France. Quant à la renaturation, qui doit permettre de compenser l'artificialisation, il faudrait pouvoir la prendre en compte "dès maintenant et ne pas attendre 2030 pour que le passage d'une disposition à l'autre se fasse de la façon la plus harmonieuse possible".
Pour Stella Gass, directrice de la Fédération nationale des Scot, la loi Climat s'avère "aussi stricte que la loi Littoral" et, faute de respecter le ZAN, "le risque est de ne plus pouvoir ouvrir de secteurs à urbaniser dans le Scot et de plus pouvoir délivrer de permis de construire." D'où la nécessité de revoir leur stratégie territoriale en fonction des enjeux qu'ils auront identifiés et de construire des "projets de qualité pour s'inscrire dans le ZAN" et de cette manière "agir pour ne pas subir", comme aime le répéter la Fédération des Scot.