Aide sociale - Financement de la protection de l'enfance : l'ADF poursuit l'Etat
Réunie en bureau mardi 6 octobre, l'Assemblée des départements de France (ADF) a adopté à l'unanimité une délibération visant à saisir le Conseil d'Etat d'un référé injonction pour "enjoindre le gouvernement à publier dans un délai de trois mois" le décret portant création du fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNPE), décret que les conseils généraux attendent depuis deux ans et demi. Fondé sur l'article L.521-3 du Code de justice administrative, ce référé injonction est assorti d'une astreinte à hauteur d'un euro par jour de retard, à l'issue de ce délai de trois mois.
Dans la mesure où ce fonds devait théoriquement être doté de 30 millions d'euros par an, la non-publication de ce décret d'application de la loi du 7 mars 2007portant réforme de la protection de l'enfance équivaut à ce jour à un préjudice financier de 90 millions d'euros. Ceci, alors même que les départements ont pour leur part, insiste l'ADF, bien "appliqué la loi" venue leur transférer l'entière compétence de la protection sociale et de l'aide sociale à l'enfance et ont bien "mis en oeuvre les mesures définies par le législateur".
L'ADF évoquait depuis longtemps sa volonté d'intenter un recours contre l'Etat. En sachant que du côté gouvernemental, les signaux commençaient sérieusement à ressembler à une fin de non recevoir. En juin dernier par exemple, Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille, interrogé sur le sujet au Sénat dans le cadre d'un débat consacré à la protection de l'enfance, rétorquait "la création d'un fonds supplémentaire viendrait complexifier, brouiller les financements déjà existants" (voir ci-contre notre article du 29 juin).
Une demande formulée de toutes parts
Plusieurs départements - Seine-Saint-Denis, Saône-et-Loire, Alpes-de-Haute-Provence , Val-de-Marne, Charente, Haute-Garonne... - ont déjà demandé au gouvernement de "bien vouloir remédier à cette carence", voire ont introduit au Conseil d'Etat des recours en indemnité des préjudices subis. Et le 1er septembre dernier, Claudy Lebreton, le président de l'ADF, adressait un courrier à François Fillon pour que "le fonds soit enfin créé et qu'il soit doté des fonds qui étaient prévus afin que les départements puissent enfin bénéficier d'une compensation, certes partielle, des charges auxquelles ils ont dû faire face".
Dans son tout récent rapport sur la protection de l'enfance (voir ci-contre notre article du 2 octobre), la Cour des comptes rappelle quelques-unes des péripéties liées à la préparation de ce fameux décret : "les différentes administrations se sont successivement renvoyé les projets, la direction de la sécurité sociale n'associant pas la direction générale de l'action sociale, ne sollicitant que tardivement la direction générale des collectivités locales, chargée de recueillir l'avis du comité des finances locales, avant que le nouveau comité consultatif d'évaluation des normes, créé par la loi de finances rectificative pour 2007, en soit saisi." Mêmes chassés-croisés s'agissant de l'abondement de ce fonds : "L'enveloppe prévue pour l'abondement du FNPE par la Cnaf en 2007 n'a pas été inscrite à son budget. En 2008, la loi de financement de la Sécurité sociale a prévu le report des 30 millions d'euros de 2007, sans arrêter de mesure pour 2008. Du côté de l'Etat, ni la DGAS ni la DGCL n'estiment que le fonds relève de leur budget. En 2008 comme en 2009 aucune mesure n'a été inscrite en loi de finances." Et la Cour des comptes d'estimer - "alors même que les montants en cause sont modestes au regard des dépenses engagées par les départements" – que "ces retards et ces hésitations sont regrettables et pèsent sur la crédibilité de l'Etat en tant qu'acteur de cette politique. Conclusion : "La mise en place effective du fonds prévu par la loi s'impose."
C.M.