Finances - La compensation des transferts de compétences n'en finit pas de faire débat...
Un débat sur la compensation des charges transférées aux collectivités territoriales... Si le sujet n'est guère original, le fait qu'il ait eu lieu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale dans le cadre des nouveaux "débats d'initiative parlementaire" en faisait une première. Ce débat du 6 mai n'a guère apporté d'éléments nouveaux dans les réponses des ministres Michèle Alliot-Marie et Eric Woerth, mais a en tout cas permis de confirmer les positions et préoccupations des élus.
Sur le constat, tout le monde ou presque est d'accord : "Au moment du transfert, la compensation s'est bien faite à l'euro près" (c'est Alain Rousset lui-même qui le reconnaît en ces termes !) mais c'est ensuite que les choses se sont gâtées. "Le problème, c'est effectivement ce qui se passe ensuite : les dépenses suivent leur propre dynamique", a résumé Gilles Carrez. La faute au "développement des secteurs transférés", à l'"accumulation des normes", aux "transferts insidieux"... Sans parler des sommes annoncées qui n'arrivent jamais, comme celles, par exemple, du fonds de financement de la protection de l'enfance prévu par la loi du 5 mars 2007 : les départements attendent toujours le décret de création de ce fonds et donc les millions d'euros qui devaient aller avec, a rappelé André Vallini. Le cas de l'établissement des passeports biométriques, pour lesquels les communes demandent une compensation plus juste, a lui aussi été soulevé par plusieurs parlementaires.
"Il est vrai que, dans certains cas, les charges ont évolué de manière imprévisible", a concédé Michèle Alliot-Marie, tandis qu'Eric Woerth rappelait qu'il n'a jamais été question que l'Etat accompagne systématiquement l'évolution des compétences : "Il y a une sécurité pour les collectivités locales, mais il y a aussi une responsabilité et une liberté. Elles font évoluer leurs compétences comme elles l'entendent. Si elles décident de faire mieux, elles le peuvent, mais elles doivent apporter un financement", a souligné le ministre du Budget.
S'agissant de l'inflation des normes, sa collègue de l'Intérieur a largement insisté sur l'avancée que représente la nouvelle Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), qui a déjà examiné près de 400 textes. Le président de la commission des Lois de l'Assemblée, Jean-Luc Warsmann, en a profité pour ajouter que les "études d'impact" qui devront dès septembre prochain accompagner tout projet de loi représenteront elles aussi un "énorme progrès", dans le sens où elles permettront de "calculer le coût prévisionnel des réformes pour chaque catégorie d'acteurs publics, y compris pour les collectivités.
Renationaliser l'APA ?
Par rapport à cette question du dérapage des dépenses, tous ont semblé, y compris du côté du gouvernement, réserver un sort particulier aux dépenses sociales et, plus particulièrement, à celles liées au vieillissement et à la dépendance. Et Gilles Carrrez de déclarer à ce sujet : "J'en viens à me demander si, quelles que soient les recettes que nous transférerons aux départements, nous ne serons pas, à long terme, confrontés à un problème quasi structurel de moyens. Je me demande s'il ne faut pas envisager une sorte de renationalisation." Michèle Alliot-Marie a en tout cas jugé "indispensable que nous menions une réflexion globale sur le mode de financement" de l'APA : "Le chantier en cours concernant le cinquième risque apportera sans doute un élément de réponse, mais il doit être, en tout état de cause, l'occasion de réexaminer ce dossier", a-t-elle déclaré.
Les députés ont rapidement élargi le débat, non seulement à l'ensemble des dotations, à leur évolution et à leurs "performances péréquatrices" (notamment celles de la DSU), mais aussi aux ressources fiscales des collectivités. La suppression de la taxe professionnelle et la réforme d'ensemble de la fiscalité locale suscitent évidemment beaucoup de questions, tandis que le représentant de Bercy reste des plus fermes : "Nous aurons cette année le débat sur la fiscalité locale, notamment à propos des conclusions du rapport d'Edouard Balladur. Le Président l'a indiqué et c'est ce que nous ferons. Nous aurons en même temps le débat sur la taxe professionnelle, car c'est l'élément le plus abouti de l'évolution de la fiscalité locale. Cet élément de la réforme a été annoncé, il est assumé politiquement. Ensuite, nous ferons évoluer l'ensemble du système."
S'agissant de la taxe professionnelle, Michèle Alliot-Marie a pour sa part résumé le dernier scénario en date : "relèvement de la part foncière, transfert de la cotisation minimum sur la valeur ajoutée actuellement perçue par l'Etat, instauration de taxes spécifiques sur les pylônes ou sur les éoliennes, transfert de différents impôts de l'Etat, réaffectation éventuelle d'impôts locaux tels que la taxe d'habitation ou la taxe foncière entre les différents niveaux de collectivités territoriales". Elle a aussi martelé que la réforme "sera neutre pour les finances des collectivités l'année prochaine", que "la compensation de la suppression serait intégrale". Et ce, "individuellement", autrement dit pour chaque collectivité. Les élus n'ont pas tous été convaincus.
Claire Mallet